Les jeux, c’est bien, mais n’oublions pas le pain ! par Alexandre Malafaye

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Retrouvez l’article d’Alexandre Malafaye, Président de Synopia, publié le 28 mai 2024 dans l’Opinion.

Pour une multitude de bonnes raisons, il faut que les Jeux de Paris 2024 soient une réussite.

Il le faut d’abord pour rentabiliser le considérable investissement réalisé par la France. Sur le plan économique et sur celui l’aménagement durable des territoires concernés, bien sûr, mais aussi sur le plan de l’image et du rayonnement de la France au moment où la contestation organisée et téléguidée de ses intérêts ne cesse de grandir dans le monde.

Il le faut aussi car pour beaucoup de Français, en particulier en région parisienne, ces jeux sont et seront une épreuve au quotidien, jusqu’à l’automne. A tel point que les organisateurs encouragent tous ceux qui le peuvent à télétravailler. Un curieux message qui ne s’adresse qu’à ceux dont le métier le permet et qui oublie de fait tous les autres, du boulanger à l’infirmière, et du plombier à la coiffeuse en passant par la magistrate et le restaurateur.

Il le faut pour démontrer notre capacité à garantir la sécurité d’un très grand évènement. Un challenge d’autant plus périlleux pour nos dizaines de milliers de policiers, gendarmes et miliaires mobilisés dans le contexte géopolitique actuel, avec une Russie (mais pas que) à l’offensive sur les terrains des attaques cyber et de la désinformation de masse.

Il le faut pour justifier les coûteuses concessions accordées aux différentes corporations de la fonction publique qui n’ont pas hésité à menacer de perturber les JO pour obtenir de nombreux avantages durables, certaines ayant même réussi à quasiment annuler les effets de la réforme des retraites dans leur secteur.

Il le faut pour donner envie de faire du sport à un pays qui le vit d’abord comme un spectacle ou un divertissement. Il s’agit là d’un enjeu de santé publique.

Il le faut pour récompenser les milliers d’athlètes et de para-athlètes de leur courage, abnégation et performances.

Il le faut enfin parce qu’un peu de rêve et quelques étoiles dans les yeux ne peuvent nuire, surtout dans le contexte de peur et de tensions permanentes dans lesquelles nous sommes maintenus.

Mais à court terme comme à plus longue échéance, il ne serait pas raisonnable de trop attendre de ces jeux olympiques, aussi exceptionnels soient le parcours de la flamme, la perspective de cette cérémonie d’ouverture sur la Seine, les aménagements importants réalisés dans le 93, ou les médailles de nos sportifs tricolores.

Jeux du cirque. Ne perdons pas de vue les réalités. Il y a deux mille ans, le poète latin Juvénal s’était moqué de ses compatriotes romains en résumant leurs attentes à « du pain et des jeux » (panem et circenses). Il les voyait rassasiés (de pain) et manipulés par leurs empereurs qui, en plus de les nourrir, veillaient à les distraire en leur offrant les jeux du cirque. Ce qui permettait à l’élite dirigeante de se laisser aller à ses excentricités sans risquer de voir le peuple se dresser contre elle et en oubliant le temps long.

Nous connaissons la suite, et la fin, de l’empire romain… Un chemin sur lequel beaucoup estiment que nous sommes engagés, fin de civilisation oblige, à ceci près qu’il n’y a pas assez de pain pour tout le monde.

Cela, nos dirigeants ne doivent pas l’oublier. Ni en France, ni en Europe. Car les jeux, c’est bien un temps, mais le pain, c’est mieux tout le temps. Trop de Français ne bouclent plus leur fin de mois, y compris au sein des classes moyennes. L’inflation est peut-être en partie jugulée, mais les prix ne reviendront pas au niveau d’avant Covid. Et plus de 9 millions de nos compatriotes vivent en dessous du seuil de pauvreté. Pour eux, les JO ce sera au mieux de belles images à la télévision et un peu de fierté ressentie lorsque l’or olympique et le bleu-blanc-rouge se mêleront à La Marseillaise.

Pour tous ces Français, et pour bien d’autres, l’esprit est loin d’être à la fête. Sur la guerre en Ukraine et quelques autres dérèglements du monde ayant un fort impact sur le pouvoir d’achat, les problèmes de sécurité au quotidien et nos services publics qui fonctionnent souvent en mode dégradé, les JO ne changeront rien.

Nos dirigeants politiques en ont conscience, c’est certain, mais ils donnent trop souvent le sentiment de se laisser griser par leur propre communication. Comme si les médias leur renvoyaient des images autoréalisées de leurs discours, façon « plus belle la vie » : « Je parle donc tout va bien, tout est sous contrôle ! ».

Ils ont également une fâcheuse tendance à passer d’un rythme effréné de sujets légers, comme celui des JO et de sa flamme, à d’autres plus sérieux et pour certains bien plus graves, sur le même ton et avec le même degré apparent de mobilisation. Cette mise sur le même plan de tous les sujets brouille le narratif national et européen d’un pays secoué par les crises et en quête de projet collectif commun et d’identité. Il convient de faire attention car la saturation des esprits par médias interposés ne remplace pas le pain ni ne fait destin. Pire, elle tend à accentuer les défiances et le verdict annoncé des urnes à l’occasion des élections du 9 juin risque de le démontrer.

Alors, oui, souhaitons de tout cœur que d’ici le 26 juillet, la magie olympique opère et que son héritage favorisera de son mieux la cohésion de la Nation. Mais surtout, cessons de confondre les paillettes et le pain, et méditons ce mot de l’Abbé Pierre : « L’homme ne vit pas seulement de pain, il est vrai, mais il vit de pain d’abord. » 

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