Journal des Futurs #130 – Créer un fonds de solidarité de la France des centres-villes vers la France périphérique.

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Les géographes (Christophe Guilluy, par exemple) et les sociologues (tel que Jérôme Fourquet) le savaient, les élections l’ont montré. La France est formée de quatre composantes, sociales et géographiques, étanches les unes aux autres.


L’imaginaire des « élites » parisiennes voyait la France en trois parties : les centres des grandes villes, peuplées de « bobos » (leur monde) ; les banlieues, hérissées de tours et peuplées d’immigrés, lieux de tous les trafics et de toutes les misères ; la campagne, c’est-à-dire des champs, des vaches et des paysans, avec de jolis villages surmontés d’un clocher.


A ces trois parties, il leur faut désormais en ajouter une quatrième : la France des « périphéries », celle des lotissements, des petites villes endormies, « la France d’en bas », peuplée de « petits blancs », de « gens de peu ». Depuis plusieurs décennies, cette France périphérique sombre. Les services publics s’en vont, l’école a fermé, après le bureau de poste et le centre social. Les services privés aussi, la boulangerie a baissé le rideau après les autres commerces, la banque et le bistrot. Il faut maintenant rouler plus de 20 km pour chaque geste du quotidien, faire les courses, amener le petit au judo, ou réparer la voiture. Ses habitants ne veulent plus y vivre, mais ne peuvent pas aller ailleurs, faute de moyens. Ils portent périodiquement le gilet jaune.


La carte des élections européennes du 9 juin, et des législatives du 30 juin a montré cette coupure de façon éclatante.
Or, si les politiques publiques avaient, dès les années 1980, progressivement pris la mesure du « malaise des banlieues », et initié la « politique de la Ville », en alimentant ces territoires et leurs habitants en crédits publics par des actions d’ampleur (parfois judicieuses, parfois décalées…), rien n’a été conçu pour la France périphérique. C’est ce qu’il faut aujourd’hui réparer.


Une des premières actions pourrait être de mettre en place un mécanisme de solidarité, tel qu’il a été conçu dès les années Rocard par la Dotation de Solidarité Urbaine (DSU), en faveur des communes de banlieue. L’idée était de ponctionner les communes les plus riches pour affecter les sommes aux communes les plus pauvres, en ciblant particulièrement celles éligibles à la « politique de la ville » (les QPV, Quartiers de la Politique de la Ville, en gros les quartiers « sensibles » de banlieue).


Un tel mécanisme pourrait être monté, cette fois vers les territoires à l’écart des villes, qui souffrent de n’être ni ville, ni campagne, ni même banlieue. Un fonds pourrait être créé, en prélevant par exemple 100 € par an et par habitant des villes centres (soit 100 x 25 millions = 2.5 Md€ par an) à redistribuer aux 25 millions de Français de périphérie. Ce montant n’est pas aberrant, c’est à peu près le montant actuel de la DSU.


Mais il ne s’agit plus de travailler sur des petites surfaces très peuplées comme dans le cas des QPV. Les superficies en cause sont bien plus importantes que pour la politique de la ville, il s’agit de zones vastes et de faible densité.


C’est pourquoi la redistribution ne pourrait se faire par communes, ce serait arroser le désert et disperser les efforts. Il vaudrait mieux scinder le fonds en deux parties. Une moitié serait mise à la disposition des préfets, pour mener les actions nécessaires localement et qui relèvent des compétences de l’Etat (Santé, éducation, sécurité, etc.). L’autre partie serait, de la même façon, déléguée aux Départements. En effet, les départements sont à la fois proches du terrain, et capables de mener des actions concernant plusieurs communes ou dizaines de communes. De plus, le mode d’élection des conseils départementaux fait que ces conseils sont représentatifs des territoires (ce sont les élus « du seigle et de la châtaigne ») dont ils connaissent parfaitement les problèmes et les souffrances.


Si ce fonds de solidarité des périphéries voyait le jour, Il serait judicieux que le Sénat, « la chambre des territoires », puisse jouer un rôle de tête de réseau et d’animation de cette politique, en recensant et en faisant connaitre les bonnes pratiques et les expériences réussies, et en se faisant l’avocat quotidien de la France périphérique auprès des ministères parisiens.

Xavier d’Audregnies

Membre de Synopia

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