Les 10 propositions de Synopia pour « gouverner autrement »

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Gouverner, « un art tout d’exécution ! »

Au terme d’un « septennat » (2017 – 2024) d’un genre inédit, le paysage politique français est celui d’une Nation fracturée en trois blocs consistants mais fort éloignés les uns des autres.

Une nouvelle forme de cohabitation va donc commencer avec, pour le Premier ministre, des marges de manœuvre politiques, sociales et budgétaires plus étroites que jamais.

Par chance, il pourra s’appuyer sur une économie dont les fondamentaux, à défaut d’être solides, montrent des signes de dynamisme encourageants. Une amorce de réindustrialisation s’opère et des initiatives telles que « Choose France » produisent leurs effets. Le faible taux de chômage (7,3 %) et le montant élevé des investissements étrangers en attestent. Notre pays est redevenu attractif et capable de fabriquer de la croissance.

Pour autant, les Français, dans leur grande majorité, ressentent davantage les effets des différentes crises que nous traversons, en particulier sur leur pouvoir d’achat, et les problèmes structurels que rencontrent nos services publics (hôpital, école, sécurité, etc.) ne font qu’accentuer le mécontentement des uns et la colère des autres.

Par ailleurs, l’arbre de la bonne santé apparente de l’économie française ne doit pas masquer des pans entiers de forêt malade, par exemple dans les domaines de l’agriculture et du logement.

Enfin, l’état hautement dégradé de nos finances publiques (dette, déficits, etc.) et les taux de prélèvements obligatoires parmi les plus élevés au monde rendent illusoires les promesses de politique de la demande.

Dans ces conditions, réussir à gouverner notre pays va relever de la prouesse et nécessiter de la méthode. Sans quoi, un moment ou un autre, nous franchirons l’invisible frontière qui sépare l’ordre du chaos.

Car c’est certainement sur la méthode que le Président de la République a le plus achoppé depuis sept ans, et il convient d’en tirer des leçons sans tarder. 

Il lui aurait fallu mieux respecter ses concitoyens, davantage les écouter et les protéger, ne pas confondre communication et pédagogie, ne pas perdre de vue le sens du mot transition et ses multiples conséquences pour le « commun des mortels », ne pas céder dès son arrivée au chant des sirènes électorales (sur le nucléaire, par exemple), comprendre que les Français veulent adhérer et non toujours obéir, avoir à cœur de cultiver le sacrosaint principe du consentement si essentiel en démocratie, et ne jamais perdre de vue qu’un peuple a besoin d’un cap clair et d’un récit qui l’accompagne, sans qu’il soit besoin de lyrisme dans les discours ni de multiplier les hommages nationaux ou les cérémonies pour narrer une histoire à laquelle plus grand monde ne croit ou n’adhère. 

Maintenant, ceux qui vont, avec courage, s’engager sur la difficile ligne de crête qui les attend pour gouverner la France devront avant toute chose penser à la méthode, à l’art et à la manière de s’y prendre pour décider et pour agir. 

Il y a urgence à gouverner autrement, en faisant appel à d’autres méthodes, comme la subsidiarité, en choisissant d’agir en concertation aussi souvent que possible, et sans chercher à se réfugier derrière un illusoire big bang institutionnel qui ne réglerait rien à lui seul, surtout à brève échéance.

Plusieurs pistes méritent d’être explorées, elles font l’objet de ce rapport.

Tout d’abord, pour les sujets économiques et sociaux, il nous semble essentiel de remettre sur le même plan la démocratie politique et la démocratie sociale afin d’associer les partenaires sociaux à la résolution de problématiques épineuses et souvent dissensuelles.

En étant plus ambitieux encore, si nous voulons tenter de résoudre quelques-unes des questions mises sous le tapis ou sans cesse repoussées depuis des décennies et qui sont pourtant au cœur de la résistance de notre pacte républicain (projet collectif, modèle social, fiscalité, Institutions et démocratie, organisation de l’État, etc.), nous recommandons l’installation d’un Conseil national de la reconstruction (CNR) tel qu’imaginé en 2021 par Synopia (cf. notre appel dans Marianne[1]) et réunissant l’ensemble des parties prenantes concernées. 

Pour revitaliser la démocratie, il serait également judicieux de démultiplier l’usage des conventions citoyennes. En effet, lorsqu’au terme d’un processus délibératif, une assemblée de citoyens tirés au sort émet un avis, sans que ce dernier ait force de loi, il favorise l’adhésion aux recommandations qu’il contient.

Un examen sérieux de la vraie prise en compte du vote blanc devrait lui aussi être engagé, ce que nos concitoyens ne manqueraient pas d’apprécier. Rappelons qu’en 2017, à un mois du premier tour de la présidentielle, 40 % des Français auraient aimé pouvoir voter blanc[2]. C’est dire l’état de défiance dans lequel le pays se trouvait déjà. Nul doute que nous n’en serions pas là en juillet 2024 si la classe politique avait accepté de se remettre en question. 

Dans cette dynamique et alors que l’État de droit est menacé de toutes parts, nous pourrions imaginer, sur le modèle des journées du patrimoine, un « week-end de la démocratie » destiné, notamment pour les jeunes générations, à ouvrir au public les lieux qui concourent au bon fonctionnement démocratique de notre pays et à en expliquer les principes et les règles. 

En ce qui concerne la qualité de nos politiques publiques, trois leviers sont activables à brève échéance : 

  • la recréation d’un vrai Commissariat au plan, tel qu’il existait avant qu’il ne soit supprimé par Dominique de Villepin en 2006 ; 
  • le recours systématique à des études d’impact sérieuses, en particulier dans le secteur économique mais pas seulement, avant de légiférer ; 
  • le rétablissement d’une charte des relations entre dirigeants politiques et hauts fonctionnaires qui rappelle à ces derniers leur devoir d’obéissance mais affirme leur droit d’en remontrer, c’est-à-dire faire valoir leur point de vue sans risquer pour leur carrière (car les élus ne devraient jamais oublier que l’onction du suffrage universel ne rend pas spontanément compétent et expérimenté). 

Enfin, comme la suppression de la taxe d’habitation se révèle être une fausse bonne idée, il paraît indispensable d’envoyer sans tarder un signal fort aux élus locaux en engageant avec eux une vraie réflexion destinée à leur rendre une marge de manœuvre financière.

Il reste à espérer que les responsables politiques, mais également ceux issus de la société civile, parviendront à s’entendre sur un projet politique réaliste et… sur la méthode. Si, pour reprendre le mot de Napoléon et à la différence de « la guerre », gouverner n’est pas un « art simple », il reste bel et bien « tout d’exécution ». Paradoxalement, à condition de bien s’y prendre, la période présente beaucoup plus d’opportunités que l’on ne l’imagine pour agir dans l’intérêt du plus grand nombre et retrouver le chemin de la cohésion. 

Sans quoi, la France continuera de s’enfoncer chaque jour davantage dans l’inconnu le plus total. Jusqu’à la prochaine punition électorale.

Alexandre Malafaye

Président de Synopia


[1] https://www.marianne.net/agora/tribunes-libres/nous-proposons-la-mise-en-place-dun-cnr-qui-serait-cette-fois-le-conseil-national-de-la-reconstruction

[2] https://www.lopinion.fr/politique/40-des-francais-prets-a-voter-blanc – Sondage Ifop pour Synopia, 2017.

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