Avec Claude Mandil, ancien Directeur de l’Agence internationale de l’énergie (2003/2007).
CONTEXTE
L’Europe de l’énergie est aujourd’hui prise dans un nœud de contradictions apparemment inextricable :– Contradiction entre l’affichage d’une volonté européenne et un retour à des politiques nationales incohérentes entre elles et faisant fi de l’exigence de solidarité.
– Contradiction entre la volonté de créer un marché européen libéralisé de l’électricité et du gaz et des décisions qui placent en dehors du marché une fraction croissante de l’offre (tarifs garantis et priorité d’accès au réseau électrique pour les renouvelables) et de la demande (prix administrés).
– Contradiction entre une ambition affichée dans la lutte contre le changement climatique et la réalité : l’Europe abandonne le gaz propre pour le charbon sale.
– Contradiction entre le souci de contenir la hausse inéluctable des prix de l’énergie et des décisions qui font une impasse complète sur les coûts (exemple : éolien offshore).
– Contradiction au sein même de l’opinion publique, qui veut une énergie, abondante, livrée en permanence, sûre, propre, sans risque pour le climat, sans radioactivité, sans installations « dans mon jardin » (l’effet NIMBY, not in my backyard)… et bon marché, sans qu’on lui explique que ceci n’existe que dans le royaume d’Utopie.
Ce constat est alarmant, non pas tant en lui-même qu’en raison de ses conséquences : alors qu’une politique énergétique se doit d’assurer à la fois la sécurité des fournitures, la croissance économique et la protection de l’environnement, ces trois éléments essentiels sont simultanément mis en péril par les tendances actuelles.
Peut-on envisager de reconstruire à partir de zéro un système énergétique européen et un processus de décision communautaire qui suppriment toutes ces contradictions ? C’est illusoire : les divergences entre Etats-membres sont telles, et l’enthousiasme communautaire si limité, qu’aucune nuit du 4 août énergétique n’est aujourd’hui possible.
Peut-on au moins, par des mesures limitées, préparées au niveau européen mais respectant l’autonomie des décisions nationales, essayer de réduire le champ des contradictions et des incohérences, afin d’améliorer la sécurité de fourniture, de mieux protéger l’environnement et d’éviter d’entraver la croissance par des coûts prohibitifs ? Tel est l’objet du débat interne organisé le 19 décembre 2013 par Synopia.