Il n’est pas d’égalité des chances sans une chance égale d’accès à l’éducation et plus tard, à la formation.

Dans son rapport de 2012 sur L’égalité des chances et la répartition des moyens dans l’enseignement scolaire, la Cour des comptes pointe « l’insuffisance des études menées par le ministère de l’éducation nationale [dans ce domaine], alors qu’elles seraient indispensables tant à l’information du Parlement qu’à une meilleure gestion du système éducatif ». En 2014, l’Etat a consacré 31 milliards d’euros à la recherche et à l’enseignement supérieur (26 milliards en 2013), soit un budget supérieur à la moyenne des pays de l’OCDE. Pourtant, malgré l’ampleur des moyens consacrés, notre système éducatif ne parvient pas à corriger les inégalités de départ dans la situation des élèves. En effet, la France reste le pays de l’OCDE où l’écart de résultats entre les élèves de statuts sociaux favorisés et défavorisés est le plus important. Cette tendance s’est accrue ces dix dernières années, témoignant d’une aggravation préoccupante des déterminismes sociaux. Ce constat mérite que l’on s’interroge sur l’efficacité de notre système, et plus précisément dans notre cas, sur l’incidence de l’absence d’un système complet d’information sur la performance.

Le groupe des jeunes de Synopia s’est penché précisément sur deux dysfonctionnements,  l’orientation des jeunes vers le supérieur et les moyens de financer leurs études.

1° Le manque d’information quand il s’agit d’être orienté dans ses études supérieures

Les pouvoirs politiques ne semblent guère s’intéresser à cette question pourtant cruciale, il suffit de se connecter à internet, c’est le néant !

Les journaux spécialisés, les salons étudiants tentent d’y remédier, mais l’information chiffrée, les classements, les études comparatives des salaires à la sortie de l’école, le nombre de postes à pourvoir dans certains secteurs est quasi inexistante.

Quant aux conseillers d’orientation, ils n’ont eux-mêmes pas de formation obligatoire pour exercer leur métier et il arrive qu’ils aient une double casquette. Par exemple une conseillère d’orientation peut également être professeur d’anglais, elle n’aura de fait, qu’une qualification et un temps disponible limités pour orienter ses élèves dans leur future vie professionnelle.

La France a misé sur un système qui demande au jeune de s’orienter très tôt vers une filière plutôt qu’une autre. Faire un choix déterminant pour son avenir à 14 ans nécessite d’être bien conseillé. De fait, si l’on se découvre une vocation d’astrophysicien en classe de seconde alors qu’en fin de troisième, le professeur de français avait conseillé d’opter pour une seconde littéraire, il est déjà trop tard.

C’est pourquoi nous pensons qu’il conviendrait d’ouvrir davantage l’accès aux formations supérieures pour tous les baccalauréats. Cela permettrait à un jeune d’avoir pleinement le choix de son projet professionnel jusqu’à la fin de son lycée.

Le second moment déterminant dans le choix de l’orientation d’un étudiant se fait à l’obtention du baccalauréat. L’étudiant a alors besoin du suivi et des conseils d’une personne qualifiée qui lui permettront de démêler l’imbroglio des formations auxquelles il a ou non accès.

Cette insuffisance d’information complète et claire est particulièrement préjudiciable pour les catégories d’élèves les plus défavorisées. Par exemple, le site de l’Education Nationale ne présente aucune mesure standardisée qui permettrait de comparer entre eux différents établissements. Entre formations professionnelles, facultés, classes préparatoires, comment choisir ? Les familles les plus modestes, c’est-à-dire selon Bourdieu, avec un capital économique, social et culturel faible, seront les moins à même de faire ce choix en parfaite connaissance de cause. En transformant l’orientation en un véritable parcours du combattant, notre système contribue à renforcer les inégalités et, de fait, à compromettre son efficacité.

2° Le manque d’information pour le financement des études

Un millefeuille administratif attend l’étudiant qui souhaite savoir si ses études sont, oui ou non, éligibles à tel financement plutôt qu’à un autre.

A l’heure actuelle, le système des bourses est défaillant pour certaines formations. Les étudiants sous contrat d’apprentissage ou de professionnalisation ne bénéficient pas de bourses dans les critères actuellement définis par le système français.

Par ailleurs, les conditions d’obtention d’une bourse sont liées à des critères familiaux (nombre d’enfants à charge), des critères géographiques (distance entre l’établissement et le domicile familial) ainsi qu’aux revenus de la famille ou du tuteur légal, qui ne doivent pas excéder un plafond de ressources. Réparties en 9 échelons de 0 à 7, ces bourses sont destinées à aider les étudiants issus des milieux les plus modestes. Les montants s’échelonnent de 1 007 € à 5 539 € par an. A noter que l’échelon 0 permet simplement d’être exonéré des droits universitaires et de sécurité sociale.

Il faut bien se rendre compte que, dans de nombreux cas, le financement proposé par l’Etat demeure substantiel. A titre d’exemple, les bourses de Master 2 s’élèvent à 3 700 € par an pour des formations pouvant coûter jusqu’à 20 000 € par an. Par ailleurs, un étudiant à l’université coûte en moyenne 8 000 euros par an à l’État, contre 21 000 euros dans les grandes écoles et les instituts, selon une étude réalisée en 2013 par le cabinet de conseil KPMG.

De plus certaines filières, notamment les formations privées ou spécialisées, s’avèrent actuellement très compliquées d’accès pour un boursier, ce qui constitue une autre forme d’injustice.

650 000 étudiants ont bénéficié d’une bourse en 2015, mais 273 seulement sont des bourses aux mérites.  Et près de 30 % des étudiants touchent une bourse sur critères sociaux délivrée par le Crous (centre régional des œuvres universitaires et scolaires) de leur académie. Pour y avoir accès, trois indicateurs entrent en compte : les revenus du foyer fiscal, le nombre d’enfants à charge de la famille et l’éloignement du lieu d’études.

La durée moyenne des études supérieures en France est de quatre ans et coûte en moyenne au total 55 280 euros.

Par exemple, au Danemark, il faut compter 98 850 euros pour cinq ans d’études – c’est le pays où la durée moyenne d’études est la plus longue – et 73 790 euros aux Etats-Unis pour trois ans d’études. En Corée du Sud, la dépense est plus faible : 30 400 euros pour 3,4 ans d’études.

Par ailleurs, en France, 63 % du financement de l’éducation est pris en charge par l’Etat, contre 35 % dans les pays de l’OCDE en moyenne. Malgré cela, beaucoup d’étudiants ont du mal à financer les 37% restants et sont confrontés à la frilosité des banques. Une solution pourrait être envisagée comme en Allemagne, en Espagne ou en Belgique, où  cette charge incombe aux collectivités locales à plus de 70 %.

La question de l’information, doit être replacée au centre de la réflexion. Actuellement envisagée comme une fonction support du système éducatif, l’information incomplète voire son absence, a un impact désastreux sur l’équité mais également sur l’efficacité d’un système incapable de s’évaluer et d’anticiper sa nécessaire évolution. C’est pourquoi plusieurs pistes mériteraient de faire l’objet d’un examen précis de la part des ministères concernés.

1) La mise en place d’une véritable démarche de contrôle de gestion permettrait au ministère de l’enseignement supérieur de disposer d’un système d’information fiable et efficace, de piloter la réalisation de ses objectifs stratégiques, de mesurer les effets du système et de corriger la trajectoire le cas échéant :

Afin d’y parvenir, les décideurs publics seront contraints de définir un certain nombre d’indicateurs facilement mesurables et vérifiables afin d’évaluer les résultats de notre système éducatif : son efficacité, son efficience et son équité. Cela passera par la mise en place d’un système de mesure, avec l’organisation et la planification de la collecte des données, l’agrégation et le croisement des informations et l’interprétation des données. Bien entendu, des outils de mesure sont déjà présentés dans les projets  et évalués dans les rapports annuels de performance. Il est nécessaire désormais, de les consolider, et de les orienter vers l’accompagnement des étudiants, afin de tirer les conséquences du manque d’accès à l’information et d’encourager l’action publique en ce sens. Aujourd’hui, en 2015, rien de tel ne semble exister.

Par ailleurs, la mise en place d’un tel système et l’institutionnalisation d’une véritable démarche de contrôle de gestion au sein du ministère de l’enseignement supérieur favoriserait l’identification des besoins auxquels il doit répondre, il permettrait de fixer l’objectif stratégique (offrir à tous les jeunes, quelle que soit leur origine sociale, une formation de qualité à un coût raisonnable), de déterminer les objectifs opérationnels (diminuer le pourcentage de jeunes qui sortent du système scolaire sans diplôme par exemple) et de fixer les ressources qui seront consacrées à la réalisation de cet objectif (ainsi que la clef de répartition).

2) Rendre obligatoire une formation sérieuse pour les conseillers d’orientation :

On compte actuellement un conseiller d’orientation pour 1 400 élèves. Ce qui impliquerait qu’il ne puisse accorder qu’une demi-heure par an à chaque élève. Dans les faits, les conseillers s’intéressent surtout aux élèves en difficulté et se révèlent être du personnel spécialisé dans l’échec scolaire.

Une formation d’une durée de 2 ans pour devenir COP -Conseiller d’Orientation Psychologue- existe, mais elle n’est pas obligatoire pour exercer. Il faudra la rendre obligatoire et éviter à tout prix les conseillers d’orientations qui exercent parallèlement à leur activité un autre métier dans l’enseignement. Les fameuses doubles-casquettes citées plus haut.

3) Créer un site internet complet et efficace, qui centralise l’information :

Le processus d’orientation devrait être davantage centralisé et organisé pour donner une meilleure visibilité aux étudiants aux différents moments charnières de leurs études. L’Etat devrait créer un site, à l’instar de celui des admissions post bac, une plateforme qui centraliserait les démarches de pré-inscription dans l’enseignement supérieur. Le site serait géré par le ministère de l’éducation nationale. Il serait profitable pour le jeune de l’intégrer dans cette démarche très en amont, en créant un espace individuel dédié à chaque étudiant pour recenser les différentes options qui s’offrent à lui, selon son niveau d’études. Cet outil n’a cependant d’utilité que s’il est encadré et  s’intègre dans le programme scolaire.

4) Créer un temps de « projet professionnel » dans le programme des élèves :

Pour les élèves en classe de seconde, on pourrait créer un module dans leur emploi du temps dédié à l’orientation.  Le jeune serait accompagné dans les périodes déterminantes de son orientation, au moment du choix de son baccalauréat et lors du choix de ses études supérieures. Cela lui permettrait d’éviter de se destiner involontairement à certaines formations, et ainsi avoir pleinement le choix de son projet professionnel jusqu’à la fin de son lycée. Pour être mené à bien, ce cours de « projet professionnel » requiert la création de « l’espace individuel » cité plus haut, il sera conservé par l’élève tout au long de sa scolarité. Ce dispositif nécessite l’accès à une salle informatique pour que le jeune puisse se connecter sur son espace personnel, sous la supervision du COP.

5) Proposer chaque année, dans le cadre du programme, et ce dès la classe de troisième, une « Journée de l’orientation » :

Cette journée devra être préparée par le COP qui aura fait venir le maximum de témoins et d’intervenants pour rencontrer, conseiller et renseigner les élèves. Cela pourrait aussi prendre la forme d’un forum des métiers en faisant participer les parents des élèves.

6) Encourager les formations en apprentissage :

L’apprentissage offre plusieurs avantages concrets : une formation payée par l’organisme qui accueille l’étudiant et une meilleure préparation aux réalités du terrain et de l’entreprise. L’apprentissage répond donc aux objectifs d’efficacité (formation de qualité, développement de l’expérience) et d’équité, car il permet à des jeunes issus de milieux sociaux modestes d’accéder à des formations coûteuses. Il faut encourager les entreprises, et encore plus les administrations, à recourir à l’apprentissage. Cela peut passer par des incitations financières, mais surtout par des campagnes de sensibilisation.

CONCLUSION

Nous avons cherché à identifier les différents moyens d’orientation existants pour choisir son parcours de formation et pour le financer. Nous nous sommes heurtés à un manque flagrant d’information dans les deux domaines. Selon les derniers rapports, l’un des principaux défis associés à l’orientation est le besoin d’information.

Dans les faits, il est fréquent pour un jeune de chercher la solution du côté des amis ou de la famille pour le choix de ses études et de sa carrière et ainsi de contourner les labyrinthes du système. Des études ont montré que l’implication des parents dans l’éducation de leurs enfants accroissait naturellement la réussite scolaire de ces derniers. Nous savons très bien que le COP ne pourra pas tout. C’est pourquoi l’orientation doit s’adresser aussi bien aux parents qu’aux élèves. Et il faut de manière urgente créer un site internet complet, efficace et lisible par tous, qui centraliserait l’information.