Au premier de ces trois jours de deuil national, nos pensées vont d’abord à toutes les victimes innocentes et à tous les blessés de cette abominable tuerie, ainsi qu’à tous leurs proches.
Nous tenons aussi à saluer la grande préparation et l’extrême professionnalisme de tous ceux qui ont fait leur devoir, et bien plus, au cours de cette soirée maudite : policiers, militaires, médecins, secouristes et magistrats, ainsi que tous nos concitoyens qui ont fait acte d’héroïsme et de bravoure.
Mais, compte tenu de la gravité de la situation, ce temps de deuil ne doit en rien figer la réflexion et la critique. Une nouvelle pensée stratégique doit émerger. Car jusqu’à ces dernières années, les conséquences de nos errements et de notre impuissance politique, de nos faiblesses et de notre droit-de-l’hommisme, n’étaient qu’économiques et sociales. Désormais, c’est le sang des Français qui coule en France.
Deux grandes leçons peuvent être tirées des attentats du 13 novembre 2015.
- La mondialisation est totale, et la guerre d’une zone géographique donnée peut s’exporter partout. Nos actions à l’extérieur ont des répercussions directes, rapides et brutales à l’intérieur.
- Sur notre territoire, nous n’avons pas été en mesure d’empêcher la naissance d’un courant de haine, d’un radicalisme combattant dont l’ambition est de réduire à néant nos valeurs et nos libertés. Avec pour conséquence, une société clivée, sur le point de s’embraser.
Face à cela, si nous voulons éviter le pire, il ne sera plus possible à nos gouvernants de n’agir qu’en réaction, de faire illusion, de se tromper aussi lourdement, de jouer impunément aux apprentis sorciers, de manquer de réalisme et de courage. Sur la crise syrienne, par exemple, nous sommes proches de renouer une alliance avec le régime de Damas pour affronter Daesh alors qu’il y a deux ans, dans le sillage des Américains, nous nous apprêtions à bombarder la capitale syrienne et qu’en mars 2012 nous y fermions notre ambassade. Ou encore en Libye, où nous avons détruit un régime sans nous soucier du lendemain, ce qui a permis la création d’une base-arrière en Libye pour tous les terroristes d’Afrique centrale, et ouvert la porte à un flux migratoire massif qui était contenu par le régime précédent et qui, pour beaucoup d’Africains et de Nord-africains, se termine par une noyade.
En France, les victimes de Charlie et de l’Hyper-casher n’y ont presque rien changé, hormis la remarquable coordination des services d’urgence en cas d’attentats. La loi sur le renseignement crée un cadre juridique très attendu des services, mais il reste à démontrer que son application améliore la réactivité desdits services.
Il aura fallu attendre que nous passions le cap des 100 morts pour décréter l’état d’urgence. Pourtant, combien de voix sérieuses et de rapports ont-ils dénoncé la radicalisation d’une frange de nos jeunes compatriotes, ou encore l’activiste islamique d’étrangers en situation plus ou moins régulière mais plus ou moins tolérée ?
Nous vivons dans un état de droit, et nous devons nous en réjouir chaque jour. Mais l’état de droit ne signifie pas que chacun peut s’arroger le droit de faire n’importe quoi. L’état de droit, c’est d’abord pour les Français le droit d’être bien protégés.
A court terme, c’est-à-dire maintenant, nos gouvernants se doivent d’agir dans plusieurs directions :
- Revenir à l’essentiel, cesser de vouloir expliquer les mots dans les mots et regarder, sans angélisme ni stigmatisation, la réalité en face, même si elle est douloureuse (état de l’intégration, système judiciaire et modèle carcéral, dérives intégristes et communautaristes non maîtrisées, fractures économiques et sociales, etc.)
- Ne plus hésiter à parler de patriotisme, dès l’école.
- Accepter l’idée que nous avons des ennemis et que nous devons les vaincre ! C’est une question de survie. Sinon, inutile de déclamer que nous sommes en guerre…
- Revoir nos alliances stratégiques (Syrie, Iran, Russie, etc.) pour parvenir à un anéantissement rapide de Daesh et de toutes ces organisations qui attaquent notre civilisation. Et tant pis si certains de nos diplomates doivent manger leur chapeau.
- Faire preuve de la plus grande fermeté à l’égard de tous ceux qui, Français ou non, emprisonnés ou non, agissent contre notre Nation, ses valeurs, son unité.
A moyen terme, c’est-à-dire d’ici l’élection présidentielle de 2017, nous devons travailler sur le fonctionnement et l’efficacité de notre système de gouvernement démocratique qui, en l’état, ne s’accorde plus avec la violence et la rapidité d’action d’un monde sans frontières, ultra-compétitif, numérique, et dont les valeurs sont trop souvent aux antipodes des nôtres. Il appartiendra aux Français d’exiger une profonde modernisation de nos institutions qui favorisera une meilleure gouvernance et un indispensable renouvellement de nos élites politiques.
Enfin, à plus long terme, c’est la question de l’Europe qui est posée, et notamment celle de l’Europe de la Défense et de la sécurité, de notre défense et de notre sécurité, à l’échelle du territoire européen.
Nous le devons aux Français et à tous nos compatriotes tombés au nom de la France le 13 novembre 2015.
Alexandre Malafaye
Président de Synopia
15 novembre 2015
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