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Le 28 février dernier s’est produit un événement important qui n’a pas guère été relayé : le lancement de la partie afghane du gazoduc devant relier le Turkménistan à l’Inde. Ce projet pharaonique avait été engagé en 2008 par la signature d’un protocole d’accord entre d’un côté le Turkménistan, un des quatre pays qui disposent des plus grandes réserves gazières mondiales, et à l’autre extrémité l’Inde dont les besoins en gaz sont croissants du fait de sa substitution progressive au charbon dans la production d’électricité. Entre les deux, l’Afghanistan, qui devrait percevoir les dividendes du transit du gaz et le Pakistan, pays de tradition gazière mais qui est devenu désormais dépendant des importations.
Après sept ans de discussions compliquées par la situation de guerre en Afghanistan et de tensions entre l’Inde et le Pakistan, le projet était officiellement lancé en 2015 et la construction pouvait débuter au Turkménistan. Fin 2017, le tronçon turkmène était finalisé sur une distance d’environ 200 km. Les autorités des quatre pays concernés se sont donc retrouvées le 28 février à Herat dans l’ouest de l’Afghanistan ; le président turkmène Gurbanguly Berdymukhammedov, son homologue afghan Ashran Ghani, le premier ministre pakistanais Sharif Abbasi et le ministre des Affaires extérieures indien Mobashar Akbar ont reconfirmé lors de ce sommet leur intention de réaliser les tronçons afghans (735 km) et pakistanais (800 km).
Entre les approvisionnements européens en gaz russe, les différentes options pour exporter le gaz offshore de Méditerranée orientale et les gazoducs transfrontaliers d’Asie centrale, la géopolitique du gaz est plus que jamais au cœur des politiques énergétiques
Rivalité ancestrale. Ce gazoduc ne détiendra pas un record de longueur (environ 1 800 km) ni de diamètre (1 420 mm pour une capacité de 33Gm3/an tout de même), mais compte tenu des zones traversées et de la rivalité ancestrale des pays impliqués, il constituera le jour de sa mise en service un exemple de la contribution du marché du gaz à une pacification des relations internationales.
Entre les approvisionnements européens en gaz russe, les différentes options pour exporter le gaz offshore de Méditerranée orientale et les gazoducs transfrontaliers d’Asie centrale, la géopolitique du gaz est plus que jamais au cœur des politiques énergétiques. Cela confirme une nouvelle fois que le gaz peut être un facteur de stabilité politique dans les zones d’affrontement traditionnelles, lorsque les dirigeants comprennent qu’il est surtout et avant tout un facteur de développement industriel et de richesse partagée.
La communauté gazière internationale a de quoi se réjouir d’une telle décision, ainsi que l’Union internationale du gaz qui compte déjà l’Inde et le Pakistan parmi ses 91 pays membres. A n’en pas douter, le Turkménistan et l’Afghanistan rejoindront l’Union le moment venu.
Jérôme Ferrier est président d’honneur de l’Union internationale de l’industrie du gaz et membre de Synopia.