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Lors de sa déclaration de politique générale, Édouard Philippe a surpris beaucoup de Français.
Il annonçait fonder l’action du gouvernement sur une méthode préconisée par le Président de la République dont le premier point consiste à dire la vérité.
Les Français aimeraient le croire, ils y aspirent, mais la présentation de certains grands chantiers n’a pas donné cette impression.
En effet, deux des mesures phares, la disparition de la taxe d’habitation et la réforme de l’ISF, ne figuraient plus dans les priorités du début de quinquennat.
Le Président vient d’annoncer in extremis que ces deux chantiers débuteraient quand même en 2018.
De tels revirements inquiètent le pays.
De la cohérence et une nécessaire continuité sont capitales pour conduire les affaires publiques et les annonces ne peuvent pas être contredites à quelques jours d’intervalle.
Dès lors, nous sommes fondés à nous interroger sur la fiabilité de toutes les autres annonces faites au cours de cette déclaration devant la représentation nationale.
Si en quelques jours les choses évoluent si vite, on peut déjà considérer que cette déclaration a perdu tout son sens et sa crédibilité.
Il est vrai que dans le monde moderne les changements sont rapides, mais on attend des responsables publics davantage de recul et de la constance dans la mise en œuvre des décisions annoncées.
Tout cela n’est pas à la hauteur des enjeux de notre pays et des attentes des Français.
En outre, deux sujets importants pour notre pays restent en friche dans cette déclaration.
En premier lieu, la question de notre système de santé. Le gouvernement envisage de multiples projets pour améliorer l’efficacité et le service aux patients. Soit.
Mais tout cela ne saurait être mis en œuvre sans que tout notre système soit consolidé, en particulier sur le plan financier.
Quand maîtriserons-nous les dépenses de santé? Quand les comptes de la sécurité sociale retrouveront-ils l’équilibre?
À propos de la sécurité sociale, le chef du gouvernement souhaite la traiter comme un «véritable patrimoine en l’entretenant en la préservant et en la rénovant». Chacun apprécie cette approche.
Mais quelles mesures seront-elles prises pour éviter ce gouffre financier récurrent qui impacte le pouvoir d’achat des Français et qui aggrave notre dette? Cette année, ce seront 8 milliards d’euros qui manqueront pour équilibrer les comptes de la sécurité sociale, soit quasiment le budget du Ministère de la Justice….
La priorité est la bonne mais il n’y a aucune proposition concrète, alors même que la Cour des Comptes a déjà indiqué un certain nombre de solutions.
Il est incompréhensible que l’exécutif n’ait jamais le réflexe de s’appuyer sur les institutions sérieuses de notre pays.
Un deuxième thème est essentiel pour l’harmonie du pays, celui de la sécurité.
Au-delà des sempiternels hommages aux forces de sécurité, aux armées et aux services de secours, aucune annonce n’a été faite en dehors du strict minimum en matière de lutte contre le terrorisme. Le chef du gouvernement promet de donner les moyens à ceux qui défendent la société, mais «en même temps» son administration à déjà annoncé 400 millions d’euros de gels de crédits à la gendarmerie et à la police nationales et Bercy a indiqué le 11 juillet une diminution de 850 millions d’euros pour les Armées.
C’est assez difficile à comprendre.
Toujours en termes de sécurité, les 10 millions de Français qui vivent dans des zones où la légalité républicaine n’est plus complètement respectée, où les forces de sécurité et les services de secours sont agressés, doivent s’interroger sur leur sort.
Tous ces citoyens attendent de pouvoir vivre normalement dans ces quartiers au sein desquels une minorité développe une économie souterraine. Des dizaines de milliers de jeunes s’y sentent marginalisés et sont la proie d’idéologies qui les conduisent au pire.
Des moyens et des décisions sont nécessaires pour redonner à ces millions de Français en souffrance un espoir de pouvoir bénéficier de toutes les libertés dont ils sont privés depuis trop longtemps par le manque de courage des responsables politiques, et parfois le fonctionnement erratique de notre administration.
Cette question centrale menace l’équilibre de notre société, et pas un mot du Premier Ministre.
Ce silence est en contradiction avec le désir affiché d’obtenir des «résultats concrets le plus rapidement possible».
Et surtout il faut arrêter de demander du courage aux Français alors que l’État fait preuve de faiblesse dans toutes ces décisions.
Quand prendra fin le scandale de ces quartiers entiers abandonnés à l’insécurité?
Ce gouvernement envisage-t-il de mettre en œuvre les décisions prises par l’État confirmées par les citoyens, comme à Notre Dame des Landes par exemple?
Quand, par une politique efficace, un terme sera mis à la pratique trop répandue de la fraude dans notre pays?
Il est largement temps de redonner à la France ce visage de bienveillance mais de fermeté et de fidélité à nos valeurs.
Malheureusement, ces premières annonces déjà démenties sont les prémisses d’une politique qui ne rendra pas aux Français leur confiance en eux, cette fierté et cet esprit conquérant dont le Premier Ministre a émaillé la fin de son propos.
Être conquérant n’est pas une affaire de paroles, mais d’actes.
Or, la parole du chef gouvernement est déjà bien dévaluée avec une déclaration de politique générale rendue caduque par cette infidélité au programme du candidat.
Il a pris un bien grand risque tant la déception du pays tout entier sera à la hauteur des espoirs que le Président de la République a fait naître.
Mais il n’est jamais trop tard pour poser des actes courageux.