Tribune publiée dans le Huffington Post du 13 avril 2016.
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Année après année, le peuple français a assisté impuissant à l’étouffement de sa démocratie par les partis politiques traditionnels et les milliers de cadres qui gravitent autour. Le système n’ayant pu empêché son dévoiement, ces gens ont confisqué le pouvoir qui leur était confié. Ils ont ainsi privé notre pays de ce qui fait le sel de la vie en démocratie : l’écoute de la société!
Il y a quelques mois encore, la mort démocratique paraissait inéluctable tant la classe politique refusait toute idée de remise en cause, incapable de tirer la moindre leçon sérieuse de ses déboires électoraux, refusant de prendre la mesure de la défiance désormais quasi absolue des Français à leur égard, pris au piège de leurs jeux politiciens, de leurs clientélismes, de leur nécessaire réélection, comme s’il n’y avait plus de vie après la politique.
Mais c’était sans compter sur la révolution numérique et son formidable potentiel d’innovation. À l’affût, car les Français ne se résigneront jamais, il n’en fallait pas davantage pour qu’ils passent à l’action. Alors que l’irréversible s’était mis en marche, la classe politique n’a rien vu venir, coupée des réalités, autocentrée sur elle-même, arcboutée sur ses privilèges. Comme les taxis avec Uber.
La simple observation de l’Histoire aurait pourtant dû leur enseigner qu’aucun monopole ne résiste indéfiniment, il finit toujours par générer ou faire naître une ou plusieurs alternatives. Aucune citadelle ne reste imprenable. Ainsi, les initiatives citoyennes fleurissent un peu partout, pour saluer ce qui s’annonce comme un nouveau printemps de la démocratie. Certains, les plus chagrins, diront qu’il y a beaucoup d’initiatives similaires ces temps derniers. Il faut au contraire s’en féliciter et, même si la lisibilité d’ensemble n’est pas évidente, admettons que c’est le prix à payer pour trouver LES solutions, celles qui amorceront le déblocage de notre société repliée, complexée, en proie aux communautarismes, celles qui bousculeront l’ordre établi, le système et ses représentants, celles qui ouvriront la voie d’un futur construit autour d’une vision partagée.
Avec une telle diversité de projets amplifiée par l’imagination collective et le numérique, on peut cette fois affirmer sans se tromper que le changement est en marche ! Aujourd’hui, l’idée de co-construction donne un sens concret au principe de démocratie participative qui n’était jusque là qu’un gadget démagogique utilisé par des candidats adeptes de l’illusion de masse.
Au cœur de ce printemps démocratique se trouvent les primaires. Celles des partis, d’abord, dont les Français n’attendent déjà plus rien de bon. Et celles de la société civile, qui portent en elles le germe du renouvellement tant attendu.
Nous le savons, la droite aura sa primaire, et la gauche probablement aussi, mais avec les mêmes têtes qu’en 2012, ou à peu près. À part les organisateurs et les candidats à eux-mêmes, qui croit encore sérieusement que le salut, ou l’homme providentiel, viendra de là ? Il y a dans ces primaires partisanes un paradoxe affligeant : alors que depuis 1958 la classe politique n’a jamais été si déconsidérée et décriée, les partis s’acharnent à fermer leurs primaires de façon à maintenir au pouvoir tous ceux dont les Français ne veulent plus, et ce n’est pas faute de le clamer haut et fort. Autre preuve de cette obstination quasi suicidaire des dirigeants actuels, ce vote de la loi organique dite de modernisation des règles applicables à l’élection présidentielle, dont l’effet principal sera de semer encore plus d’embûches sur ce qui s’apparente déjà à un véritable parcours du combattant pour les « petits candidats ». D’aucun pourrait dire que changer les règles du jeu en fin de partie, surtout lorsque l’on perd, cela s’appelle tricher.
Sans l’arrivée du numérique, tout cela serait désespérant. Car les partis politiques se sont assurés du monopole de la désignation des candidats à la présidentielle. Il n’y a aucune justification à cela, même constitutionnelle. Les partis se sont pourtant arrogés ce droit au fil des années, et en ont fait un usage confiscatoire. Mais ce temps est révolu, les Français ont commencé à (re)prendre le pouvoir* .
La Vraie Primaire s’inscrit dans cette dynamique de renaissance démocratique. À l’appui de cette initiative d’un genre nouveau, les résultats du sondage Ifop pour Synopia du 15 mars 2016, qui annonce que deux français sur trois, toutes tendances politiques confondues, sont favorables à une primaire non partisane organisée par la société civile, qui ait pour ambition de faire émerger de nouveaux candidats pour la présidentielle de 2017. Autre originalité, la Vraie Primaire est le premier outil démocratique à proposer de voter pour ou contre les candidats (deux votes pour et un contre par tour de scrutin), ce qui permet à chacun de s’exprimer d’une façon plus complète, selon ses différentes sensibilités, affinités et refus.
A cet impératif de renouvellement de la classe politique, La Vraie Primaire en ajoute un autre, tout aussi indispensable : promouvoir une meilleure gouvernance. Car en l’état, le système politique est impuissant, et aucun Président ne parviendra à mettre en œuvre son programme sans un changement profond des règles de gouvernance, et sans montrer lui-même l’exemple. Ainsi, cinq idées clés sont mises en avant, sur lesquelles les candidats sont amenés à prendre proposition:
1. Mandat unique du Président de la République.
2. Composer un gouvernement resserré, avec une majorité de personnes exerçant, ou ayant exercé, un métier en dehors de la politique.
3. Faire adopter par référendum les grandes réformes du programme présidentiel dans le mois suivant l’élection, et recourir aux ordonnances pour les mettre en œuvre.
4. Réduire le nombre de parlementaires, limiter le nombre de mandats exercés, accentuer la mission de contrôle du gouvernement, et s’interdire de légiférer avant d’avoir évalué les lois précédentes.
5. Créer un cadre juridique qui place dans des conditions d’égalité les Français qui souhaitent briguer un mandat électif.
Les électeurs peuvent également commenter ces propositions sur le site.
Cet enjeu de modernisation de nos institutions et de rénovation des pratiques politiques est essentiel, et nous espérons qu’il occupera largement le débat public au cours des prochains mois.
Les primaires sont-elles l’alpha et l’oméga du renouveau démocratique? La rupture viendra-t-elle plutôt de la Nuit debout? Il est trop tôt pour le dire. De la même façon qu’il faut de méfier de l’illusion d’une démocratie participative intégrale. Mais entre la situation actuelle, figée à l’extrême et la démocratie directe, il y a un immense espace que beaucoup occupent désormais, en réinvestissant le territoire de l’espoir. Que ce soit sur le net, ou sur le terrain.
Alors, oui, réjouissons-nous, bougeons-nous et participons au printemps de la démocratie !
Alexandre Malafaye
* Allusion au livre d’Alexandre Malafaye publié par Synopia en septembre 2014