Le 7 mai 2017, jour de sa victoire, Emmanuel Macron s’avance sur l’esplanade du Louvre au son de l’hymne européen, L’Ode à la joie. Le 26 septembre, il prononce son premier grand discours à la Sorbonne consacré à l’Europe souveraine. Le ton est donné : l’Europe sera au cœur de ses priorités.
Le 9 juin dernier, à peine une heure après la découverte du résultat des élections européennes, le Président de la République annonce la dissolution de l’Assemblée nationale, suscitant la surprise et l’inquiétude de nos concitoyens, mais aussi celle de nos voisins européens.
Justifiant sa décision par le score élevé et prévisible du Rassemblement national, Emmanuel Macron a amplifié l’idée selon laquelle l’extrême droite serait la grande gagnante de ce scrutin. Une analyse qui, si elle s’inscrit dans un contexte national particulier, ne reflète pas suffisamment la complexité du scrutin au niveau européen.
Les équilibres politiques au Parlement européen n’ont, en aucun cas, été bouleversés par ce scrutin : les deux partis majoritaires restent le Parti Populaire Européen (PPE) avec 12 sièges supplémentaires et les Socio-démocrates (S&D) qui n’en perdent que 3. À rebours des élections de 2019 où ils avaient créé la surprise, les Verts et les libéraux de Renew – groupe dans lequel siègent les eurodéputés de la majorité présidentielle – sont, quant à eux, les deux grands perdants de ce scrutin : ils perdent respectivement 17 et 27 sièges. Les enjeux climatiques ont donc été bien moins déterminants cette fois, au profit de préoccupations économiques et sécuritaires : la fin du mois l’a emporté sur la fin du monde.
Enfin, si les droites radicales marquent une progression en Europe, nous sommes encore loin du « raz de marée » annoncé. Les Conservateurs et Réformistes Européens (ECR) gagnent 14 députés, et deviennent ainsi la troisième force politique du Parlement. Quant à Identité & Démocratie (ID) où siègent les 30 députés du Rassemblement national, ils obtiennent seulement 9 de plus. Cette montée en puissance n’est toutefois pas de nature à bouleverser les équilibres, puisque ces deux groupes n’entendent pas, à ce jour, se rapprocher. Deux interrogations subsistent et sont susceptibles de faire encore bouger les lignes : les députés conservateurs du Fidesz du Premier ministre hongrois (chez les non-inscrits) rejoindront-ils les rangs d’ECR ou d’ID ? Et l’AFD, l’extrême droite allemande, sera-t-elle réintégrée à ID, après en avoir été exclue en mai dernier ?
Quoi qu’il en soit, cette recomposition aura des conséquences sur les politiques à venir en Europe, à commencer par le Pacte Vert dont la mise en œuvre semble désormais incertaine. Mais elle aura aussi un impact majeur pour la France : même si Valérie Hayer conserve la présidence du groupe Renew, le contingent d’eurodéputés français y passe de 23 à 13, Les Républicains n’envoient que 6 députés au PPE, et l’influence des 30 députés du RN sera limitée en raison de leur appartenance au groupe ID, marginalisé. Le Parlement européen ne sera donc pas, dans les cinq années qui viennent, un cénacle propice à la défense de nos intérêts nationaux.
En ce qui concerne les deux autres institutions clés de l’UE, la Commission et le Conseil, la France risque de ne pas être en mesure d’imposer ses choix comme elle avait pu le faire en 2019. Rappelons qu’Emmanuel Macron était alors parvenu à imposer Ursula von der Leyen a la tête de la Commission et avait obtenu le plus gros portefeuille de l’institution, le marché intérieur, avec la nomination de Thierry Breton. Affaiblie à Strasbourg, la France parviendra-t-elle, en cas de cohabitation et dans une situation d’instabilité politique possiblement chronique, à convaincre ses voisins et à avancer ses pions ? Rien n’est moins sûr. Il est donc navrant de constater que le plus européen des Français, soit aussi celui qui, par sa décision du 9 juin, contribue à affaiblir l’influence française au sein de l’UE.