Si la dissolution ratée par Emmanuel Macron et la récente censure du gouvernement de Michel Barnier ont plongé le pays dans l’anomie institutionnelle, elles ont également révélé une vérité crue : la France politique est incapable de faire vivre l’art du compromis. Pourtant, les citoyens l’appellent de leurs vœux. Dans une Assemblée nationale fragmentée, où aucune majorité stable ne se dessine, l’exigence de dialogue, d’échange et d’accord devrait être une évidence. Mais elle demeure une rareté. Et si la solution se trouvait dans un tiroir de notre gouvernance institutionnelle, celui où l’on range un accessoire souvent égaré par Emmanuel Macron, la démocratie sociale.
L’excès de commentaires aboutit fréquemment à l’envie de traverser le Rhin pour chercher d’hypothétiques vertus démocratiques chez nos voisins allemands. Cet art du compromis est également pompeusement rebaptisé « diplomatie transactionnelle » et l’expression devrait connaître son acmé avec le retour du Président des Etats-Unis déjà élu en 2016. Cessons ce jeu de pistes, l’herbe n’est pas plus verte ailleurs !
Ils négocient régulièrement des accords nationaux interprofessionnels (ANI) sur des sujets complexes comme le chômage, les retraites ou la formation professionnelle. La clé de leur succès réside dans une séparation rigoureuse des rôles entre le paritarisme de négociation et celui de gestion. D’un côté, une équipe mandatée pour négocier, parfois âprement, de l’autre, une équipe chargée de mettre en œuvre l’accord, souvent sur plusieurs années. Cette distinction entre le temps de la négociation et celui de la gestion garantit non seulement le compromis, mais aussi l’efficacité dans l’application des accords.
Prenons l’exemple de l’UNEDIC ou de l’Agirc-Arrco. Ces organismes paritaires, gérés conjointement par les syndicats de salariés et les organisations patronales, montrent qu’il est possible de trouver des terrains d’entente sur des sujets aussi complexes que le chômage ou les retraites.
Ce modèle pourrait inspirer notre classe politique. Pourquoi ne pas envisager une gouvernance reposant sur une logique similaire, séparant les phases de négociation et d’application ? Imaginons, par exemple, qu’un accord de gouvernement soit discuté par une équipe transpartisane mandatée pour trouver, impérativement, un compromis. Ensuite, sa mise en œuvre sera confiée à un exécutif clairement engagé dans la durée ; sans mélanger les équipes, sans arrière-pensée de carrière ministérielle. Le découplage permettrait de désamorcer la polarisation et de redonner à l’action publique un souffle durable. A croire que les responsables politiques lisent dans nos écrits, car la manière dont ils se sont réunis à l’Elysée autour du Président de la République pour évoquer le cadre d’un nouvel accord Ni-Ni « ni 49-3, ni censure », constitue les prémisses d’élaboration d’un « Comment ». Il s’agira ensuite de s’écharper sur le « Qui ». Dans la pratique syndicale, cette technique se nomme un accord de méthode. Les négociateurs y recourent très souvent, que ce soit pour signer des accords interprofessionnels ou très pratiquement pour lancer les discussions d’un PSE (plan de sauvegarde de l’emploi) dans une entreprise.
uisque comme l’a voulu l’article 4 de la Constitution française le rôle des partis politiques dépasse largement la seule conquête du pouvoir. Grand bien leur fasse, car la 12e étude IPSOS “Fractures françaises”, publiée en novembre 2024, révèle au contraire que les Français ne font pas confiance aux partis politiques (14 % en novembre 2024).
La France, est depuis quelques mois caricaturée comme ingouvernable. Elle dispose en réalité des ressources nécessaires pour se réinventer. Il suffit de regarder là où l’on ne pense pas à chercher : dans les pratiques des syndicats et des organisations patronales. Ce serait un pied de nez incroyable que celui qui s’est toujours déclaré irrité par les pratiques des corps intermédiaires, en vienne à redécouvrir les versets de la bible syndicale pour sortir le pays de la crise politique dans laquelle il est embourbé.
Jacky Isabello
Conseil d’orientation du think tank Synopia
Fondateur du cabinet Parlez-moi d’Impact
Jean-Claude Mailly
Vice-Président du think tank Synopia
Ancien Secrétaire général de FO