« Après le 7 juillet, le droit des Français à être bien gouvernés devient un impératif ! », par Alexandre Malafaye

Retrouvez l’article d’Alexandre Malafaye publié sur le site de la Revue Politique et Parlementaire

Il aura fallu le temps d’un septennat, 2017 – 2024, pour conduire la France au bord de l’abîme. Du possible chaos qui se profile, nul ne connaît la figure du monstre qui pourrait bien surgir de cet entre deux mondes, l’ancien et le nouveau, tel que le prophétisait Antonio Gramsci en son temps. Quand on ouvre la boîte de Pandore…

Deux certitudes se font jour cependant : il y aura un avant et un après démocratique ; nous arrivons à la fin d’un cycle de gouvernance adossé à la fuite en avant budgétaire qui a commencé sous Valéry Giscard d’Estaing et s’est amplifié de façon massive et irréversible au cours des années Mitterrand.

Parmi les conclusions qui se dessinent, force est de constater qu’il n’a pas été fait un usage optimal, doux euphémisme, des deniers publics, de nos impôts et des prélèvements sociaux prélevés en masse et engloutis dans le tonneau des Danaïdes de nos services publics. En dépit de notre endettement considérable, il manque « un pognon de dingue » partout, dans l’éducation, l’hôpital, la police, la justice, la défense, les quartiers, les routes, etc. Et surtout, effet direct de ces insuffisances aux conséquences préjudiciables dont certains font leur miel politique, les Français sont plus divisés et « archipellisés » que jamais, à la fois en colère contre leurs dirigeants, mais aussi ceux des LR et du PS qui les ont oubliés, et gravement montés les uns contre les autres au point que nul ne peut prédire dans quel état se réveillera notre pays le 8 juillet au matin, au terme d’une nuit post-électorale qui promet d’être tendue.

Comment en sommes-nous arrivés là ?

Du casting de la présidentielle de 2017, quatre formations se distinguent : En Marche, le RN (les deux qualifiés), LR et LFI et totalisent respectivement 24, 21, 20 et 19 %.

Porté par ses « marcheurs, le nouveau Président promet le « renouveau démocratique » mais s’engage sur une voie solitaire et jupitérienne qui croisera le chemin des Gilets jaunes et le conduira, après avoir sciemment évité la campagne électorale de 2022, vers un nouveau succès. Du 1er tour de cette présidentielle de 2022, trois formations se dégagent : LREM, le RN et LFI, avec respectivement 28, 23 et 22 %. Le PS et LR ont quasiment disparu de la photo. Mais l’électorat commence à se rebiffer et gonfle les rangs des formations radicales, l’exaspération se diffuse, et le Président n’obtient qu’une majorité relative, à l’Assemblée. Qu’à cela ne tienne, il continue à confondre « en marche » avec « en force », piétine toute idée de fabrication du consentement, impose sa réforme des retraites et abuse du 49.3. Échec de la méthode sur toute la ligne !

Dès lors, comment s’étonner des résultats des élections européennes. Au terme d’une vraie campagne, cette fois, il n’y a pas photo pour le finish. Un parti sort grand vainqueur : le RN avec 31,4 % des suffrages. Loin derrière, l’écurie présidentielle à 14,6 % et les Insoumis à 9,9 %. Entretemps, comme en matière électorale, rien ne se perd, rien se ne crée mais tout se transforme, avec 13,8 %, le PS réussit un joli coup en surfant sur une vague sociale-démocrate qui semblait alors raisonnable et prometteuse.

Nous connaissons tous la suite de l’histoire et l’annonce capricieuse de la dissolution, une heure après le verdict des urnes. Mais nous n’en connaissons pas la fin. L’avion français sans pilote entame une descente vertigineuse et impossible de dire si nous connaîtrons un atterrissage démocratique forcé… ou un crash.

Depuis, face à la radicalité des programmes des deux formations qui dominent l’espace politique et aux risques qu’ils comportent, nombreux sont ceux qui tirent le signal d’alarme. Mais en dépit de tous les efforts du Président et de ce qu’il lui reste de soutiens, avec le renfort des Républicains légitimistes, des organisations patronales et de nombreux médias, rien ne semble pouvoir empêcher « l’accident démocratique ». À force de reculer (pour ne pas traiter les problèmes), on finit par faire « sauter » le système.

Les résultats du premier tour des législatives ne font que confirmer la tendance. Les consignes de vote et les désistements empêcheront-ils le RN de disposer d’une majorité pour gouverner ? Ou bien allons-nous vers un gouvernement composite allant du PC aux LR, mais excluant LFI de cette coalition « sauve qui peut » ? Nous le saurons le 7 juillet.

Est-il trop tard ? Nous le saurons le 7 juillet. Pouvions-nous éviter d’en arriver là ? A l’évidence, oui. Mais personne n’a vraiment écouté tous ceux qui répétaient à l’envi qu’il ne suffisait pas de promettre de « gouverner autrement » et de changer. Il fallait le faire ! Inconséquent et grisé, le « nouveau monde » a répété les erreurs de « l’ancien », accumulé les bourdes et les brusqueries, refusé de lire dans l’évolution de la société et l’accentuation de ses divisions (dangereusement attisée par certains) ou dans l’expression de plus en plus manifeste de sa détresse, les prémisses d’une crise institutionnelle et démocratique au parfum insurrectionnel.

Les indicateurs et les clignotants au rouge ne manquaient pourtant pas. A commencer par des études d’opinion sérieuses, comme celle du baromètre Sciences-Po Cévipof qui, depuis une quinzaine d’années, montrent que la confiance envers la classe politique oscille entre 10 et 15 %.

Une chose est certaine et méritera d’être comprise. Même si nous pouvons déplorer qu’une part croissante des Français votent pour des partis « extrêmes » et des projets tantôt flous, inapplicables ou affolants, ceci est la résultante d’une accumulation de déceptions, de renoncements, voire de « trahisons », dont il était prévisible qu’elle finirait par se traduire de cette façon.

Pour l’essentiel, nos concitoyens attendent de leurs dirigeants qu’ils les écoutent, les respectent, les protègent et les guident.

A l’évidence, d’écoute et de respect, il n’y a point eu ces dernières années. Les cahiers de doléances ont été enterrés et de mémoire de Ve République, jamais aucun chef de l’État n’a à ce point choisi de critiquer ou moquer son peuple de « gaulois réfractaires ».

Pour la protection, qu’il s’agisse de la santé ou de la sécurité, le moins que l’on puisse dire, c’est « peut mieux faire ». Enfin, quant au fait d’être guidé, l’abus du « en même temps » et d’une parole présidentielle bavarde et trop intelligente ont perdu nos compatriotes. A vouloir être partout à la fois et à ouvrir autant de fronts simultanément, on termine nulle part. Dans ce brouillard politique, en forçant à peine le trait, le seul horizon tangible qui nous soit offert est celui de la fin du moteur thermique en 2035, sur fond de péril climatique mortel, de promesse non dite du retour de l’austérité et de crainte de voir s’éterniser le conflit en Ukraine avec les conséquences que cela emporte.

Dès lors, face à la brutalité des changements subis, de ceux qui sont décidés depuis Paris ou Bruxelles et des incertitudes qui s’accumulent, comment s’étonner que l’anxiété générée se traduise autrement que par une nouvelle volonté de dégagisme ? Les Français, dans leur majorité, sont désormais persuadés qu’ils ne peuvent plus « compter sur ceux qui ont créé les problèmes pour les régler » (Albert Einstein).

Ajoutons à cela que les Français, face aux efforts qui leur sont demandés, auraient bien aimé que nos gouvernants fassent davantage preuve de sobriété dans l’usage des ors de la République. Quiconque perd de vue l’exemplarité lorsqu’il exerce le pouvoir et de surcroît donne des leçons, fabrique une hostilité qui entrave sa capacité à mobiliser et à susciter le consentement. Autant d’erreurs ou de fautes qui se traduisent en bulletins de votes contestataires.

La communication politique devra elle aussi retrouver le chemin de la sobriété, pour se faire plus rare et sans abus de langage. À haute dose, elle agit comme une drogue dure qui tend à aveugler ceux qui, au sommet de la pyramide, en abusent.

Reste à espérer que nous éviterons le pire à l’issue des deux tours de scrutins législatifs et que surtout, ceux qui arriverons aux affaires après le 7 juillet sauront tirer les bonnes leçons de cette crise pour changer en profondeur leurs méthodes de gouvernance. Il est temps de mettre les Français au cœur de l’action politique et de faire de notre droit légitime à être bien gouverné un impératif !

Alexandre Malafaye
Président fondateur de Synopia

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