« Après Macron-Delahousse : à quand un vrai débat de fond pour le Président ? », par Jacky Isabello

Jacky Isabello est cofondateur du Collectif « Trois débats sinon rien », avec Alexandre Malafaye et cofondateur de l’agence Coriolink. 

Retrouvez cette tribune sur le Figaro-Vox via ce lien.

Je fais partie des voix qui ont apprécié la forme innovante avec laquelle le Président Macron a choisi de distiller sa parole à l’approche de la fin de l’année. Je suis de ceux qui constatent une très belle façon de repenser le contenant et en même temps qui regrettent la vacuité du contenu. Mais l’objectif de l’Elysée n’était pas de mettre en scène le Président et Laurent Delahousse pour traiter en profondeur les réformes de ce début de quinquennat. L’innovation que nous proposons dans les lignes qui suivent serait, pour le président de la République, la suite logique de son identité en matière de communication. Car assurément dimanche soir, il a enfin trouvé sa patte. Maintenant que la forme est redessinée, nous expliquons pourquoi il faudrait que le Président Macron reconstruise sa communication sur le fond?

Depuis près de trois quinquennats la parole publique a perdu de sa légitimité. Les règles régissant les prises de position du président de la République évoluent. Au grand regret de certains, les principes gravés dans le marbre par le sorcier de l’Elysée (Jacques Pilhan) ne sont plus opérants. Distanciation, prise de hauteur, silence organisé, posture jupitérienne, rien n’y fait. L’accélération du temps politique du fait du quinquennat ainsi que les réseaux sociaux et les nombreuses chaînes d’information en continu imposent une présence permanente du président dans les médias. Bien que ce dernier s’y refuse, tout en nourrissant le besoin immarcessible des médias pour les petites phrases. En procédant ainsi le Président, comme ses prédécesseurs, se précipite sans le savoir sur un chemin d’affadissement de sa parole, écorne son image et réduit la prise de conscience par les Français des réformes conduites.

De toute évidence, l’organisation moderne de la démocratie médiatique ne permet plus au pouvoir exécutif de «satelliser» le chef de l’Etat, ni de réduire le besoin des Français d’entendre sa parole. Les porte-voix du président Emmanuel Macron n’ont pas la même autorité. Sans doute injustement, ils sont considérés, dans le meilleur des cas, insuffisamment aguerris, dans le pire, rapidement affublé(e)s des atours de futur premier compétiteur. Ce fût la triste réalité à laquelle les Présidents Hollande et Sarkozy ont été confrontés.

Les temps ont changé dans ce domaine également. Voici pourquoi le collectif «3 débats sinon rien», créé fin 2016 à l’occasion de la présidentielle avec le président du think tank Synopia Alexandre Malafaye, réclame 4 débats par an entre les représentants de l’exécutif (alternativement président de la République ; Premier ministre ; ministres régaliens) et les leaders des formations politiques représentées au Parlement.

Un débat qui sera choisi selon les réformes sociétales ou thème d’importance qui alimentent le débat public en France. Nous proposons d’organiser ces RDV médiatiques à la télévision et à la radio et d’aborder un seul thème à chaque rencontre. Seules la télévision et la radio possèdent la puissance nécessaire pour atteindre et impliquer la France entière et corriger les dérives d’opinion causées par les réseaux sociaux.

Les oppositions démocratiquement élues, dont les affrontements avec les parlementaires de la majorité régalaient les hémicycles il y a encore quelque temps, privilégient désormais les plateaux de télévision des chaînes d’information en continu ou certaines émissions «d’infotainment». Ces chaînes et formats permettent d’accélérer la notoriété hexagonale des nouveaux élus mais aussi et surtout dans leur circonscription. De simple relais de la parole du pouvoir, les plateaux de télévision sont devenus les arènes puissantes des oppositions aux réformes portées par le chef de l’Etat et son gouvernement.

Une fois élus démocratiquement le Président disparait du débat démocratique

Mais, paradoxalement, alors qu’il est seul élu par l’ensemble des Français, le premier magistrat de la République n’a jamais l’opportunité de venir dérouler ses arguments face à ses opposants. Le premier des Français s’interdit pour une durée minimum de 5 ans, toute confrontation médiatiquement organisée. Etonnamment, les chefs de l’Etat successifs semblent croire que la fonction interdit la vulgarité d’un dialogue constructif avec les oppositions des élus dans le cadre d’un exercice audiovisuel. (à l’exception du débat Mitterrand-Séguin lors de la campagne pour l’adoption par voie référendaire du traité de Maastricht).

Ces habitudes doivent disparaître. Le monde d’avant pouvait laisser croire que l’onction du suffrage universel dégageait des obligations grossières de s’afficher en présence de ses opposants. Le monde nouveau doit comprendre que le développement du phénomène des fakes news, la recherche de sens de nos concitoyens et leur besoin charnel d’entendre leur chef requiert de nouvelles habitudes de communication de la part du Président. De surcroît, il subit la double peine. Critiqué en permanence, il ne peut jamais convaincre ses opposants en face-à-face. Il discourt et laisse la main aux exégètes, se justifie, et envoie des vignettes de ses positions à travers les tout petits écrans mobiles des réseaux sociaux, et ceci de plus en plus fréquemment. Les nouveaux élus de sa majorité, plein d’énergie et combattifs, se placent en avocat d’avant-garde. Mais avec quel pouvoir réel de conviction lorsque leur notoriété reste très faible (les sondages confirment ce point chaque semaine).

Pourtant le Président connait ses dossiers, pourrait les défendre quels que soient ses contradicteurs, mais n’a pas trouvé de cadre satisfaisant pour le moment! Ou tout simplement n’a pas oser innover dans sa communication.

En effet, dans un paradigme de la parole politique médiatique réinventé (info en continu et réseaux sociaux) le président de la République est victime d’un impeachment médiatique.

Il est, sans raison légale, empêché de débattre avec les principaux représentants de la classe politique dans les médias ; Il est empêché par la constitution de venir s’adresser aux parlementaires donc d’entretenir sa position dans les hémicycles. De surcroit, le quinquennat, les chaînes d’info en continue, les réseaux sociaux, ont dévalorisé ce qui pouvait être en son temps la puissance médiatique du chef de la majorité.

Nous sommes au regret de constater la solitude du pouvoir. Nous proposons de faire redescendre le chef de l’Etat de son Aventin.

La mécanique de ces rendez-vous audiovisuels

Le collectif «Trois débats sinon rien» a contribué à imposer dans un paysage audiovisuel compassé et habitué depuis 1974 à un seul débat entre les deux tours, plusieurs débats entre les candidats qualifiés à l’élection présidentielle.

Institutionnalisons ce modèle de débats qui aurait les caractéristiques suivantes: long pour permettre aux hommes politiques de bâtir des argumentaires de haut niveau tout en se faisant comprendre de tous les publics ; structuré par des journalistes pour la fluidité des échanges, la bonne exécution des grandes parties du débat et la bonne compréhension par les Français des enjeux ; diffusé par plusieurs grandes chaînes de télévision et de radio.

Propositions pour 4 débats (figures libres et/ou imposées):

●  Le président de la République face aux oppositions, pour un débat sur les grandes orientations du quinquennat, le projet de société, la politique étrangère (Lieu: Palais de l’Elysée).

●  Le Premier ministre, face aux oppositions, pour un débat sur le budget et le projet de loi de finance de l’année suivante, l’endettement (Lieu: Assemblée nationale).

●  Le thème du troisième débat est laissé au choix des oppositions parlementaires (Lieu: Sénat).

● Le thème du quatrième débat est laissé à l’initiative de la société civile organisée (Lieu: CESE).

Participants: l’exécutif (dont le président de la République) ; les groupes d’oppositions (leurs leaders). 6-7 personnes à chaque fois.

Les Français ont affirmé leur intérêt pour les affaires publiques lorsque celles-ci sont traitées par la télévision et la radio. Les débats des primaires de la droite et de la gauche, puis ceux opposants les candidats à l’élection présidentielle sont parvenus à les mobiliser en masse (plus de 17 millions de téléspectateurs lors de la primaire Droite/Centre ; plus de 10 millions lors de celle de la gauche ; près de 10 millions lors du débat entre les 5 candidats de la présidentielle ; 17 millions lors du débat d’entre deux tours).

Enfin, si nous voulons que Président de la République, Premier ministre et grands leaders participent, les lieux des débats choisis devront peser par la valeur symbolique que leur attribuent nos concitoyens. L’Elysée, l’Assemblée nationale, le Sénat et le CESE (Conseil Economique…) possèdent les attributs de la démocratie représentative. Ils correspondent parfaitement au projet d’innovation audiovisuelle que nous proposons. Un studio à la plaine Saint-Denis reste pratique et neutre lors d’une campagne présidentielle mais l’exercice proposé est ici différent.

Nous proposons par ce biais de donner de la démocratie française une image moderne. Bruno Roger Petit, porte-parole du Président, dont une des missions consiste à penser les exercices de communication les plus favorables à l’installation d’une image positive de l’action du Président pourrait proposer à Emmanuelle Macron cette innovation. L’exercice de la parole audiovisuelle réinventé dans ce texte propose aussi d’agir de manière responsable afin que nos jeunes concitoyens ne désertent pas la politique et ne terminent plus dans les rangs trop nombreux des abstentionnistes. Pire encore, qu’ils soient corrompus par la mode du conspirationnisme ou mésinformés par certains pseudo-médias numériques, qu’ils «consomment» en masse. Ceux-ci leur étant suggérés sur les réseaux sociaux par la voie d’algorithmes dont seuls les GAFAM (et bientôt les BATX)** connaissent la logique. A force de dévaloriser le débat politique et public nous habituons les électeurs à des réflexions et des argumentations simplistes. Bref à ce rythme nous préparons l’avènement d’une République extrémiste, voire pire.

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