« La sécurité globale des Français est l’affaire de tous », par Alain Juillet

Retrouvez la tribune d’Alain Juillet publiée dans Le Figaro le 20 novembre 2018.

Alain Juillet est président honoraire du Club des Directeurs de Sécurité des Entreprises (CDSE) et membre du Conseil consultatif et d’éthique de Synopia. 

Vaste question que celle de la «sécurité globale»… l’idée était à l’origine que la réflexion en matière de sécurité devait s’adapter à la mondialisation des échanges et des menaces ; un concept qui fait son chemin depuis les années 1980, plus encore depuis le 11 septembre. Souveraineté oblige, c’est encore le plus souvent à l’échelle nationale que les politiques de sécurité sont conçues et exécutées. L’État en est le garant, qui doit assurer la sécurité de ses citoyens, face notamment à la menace terroriste. Ne nous laissons pas berner par le calme en trompe-l’œil de ces derniers mois: le nombre d’attentats a doublé entre 2016 et 2017 et la volonté de Daech de frapper notre territoire est intacte comme le rappelait M. Nuñez nouveau secrétaire d’État à l’Intérieur. Christophe Castaner, son ministre de tutelle, a rappelé lors de la présentation du nouveau patron de la DGSI, Nicolas Lerner, que la France a échappé à cinq attentats depuis janvier 2018 et à plus de 50 depuis l’insurrection en Syrie en 2013. Les Français ne s’y trompent pas, qui placent toujours le terrorisme au premier rang de leurs préoccupations. Face à cette menace protéiforme, nous sommes engagés dans un combat long et lourd, qui requiert de l’obstination et de la persévérance.

On exige ainsi de nos forces de l’ordre – policiers, gendarmes, militaires, douaniers – une réactivité et une endurance inédites. On n’a jamais autant demandé, non plus, aux acteurs de la sécurité privée… alors même que ce secteur est en souffrance. Car disons-le franchement: les agents de sécurité sont une force purement dissuasive. Eux-mêmes sont en demande d’un entraînement physique complet, comme cela existe dans quasiment tous les pays… Or sur 165 000 agents, combien ont suivi des formations d’autodéfense? De profilage? Aucun, ou si peu. Et pour cause: partout les investissements dédiés à la sécurité des entreprises, des lieux accueillant du public sont en baisse.

Comme le propose le collectif Urgence Sécurité regroupant les grands noms du secteur, la sécurité privée doit pouvoir développer une politique d’éthique, de professionnalisation de ses intervenants ; une certification que tous sont adéquatement entraînés et formés… Les entreprises de sécurité ont besoin de dégager des marges pour investir dans ces axes de progrès ; les grands donneurs d’ordre et leurs services achats doivent cesser les économies de bouts de chandelle en acceptant que la sécurité ait un coût. Les pouvoirs publics peuvent eux aussi s’impliquer, en étant exemplaires, et en jouant le rôle d’intermédiaire entre clients et prestataires, comme ils l’ont fait pour les éleveurs et agriculteurs. Cela impliquerait également que les acteurs de la sécurité privée puissent parler d’une seule voix à la table des négociations alors qu’ils évoluent encore aujourd’hui en ordre dispersé.

Cette professionnalisation des forces privées recèle un potentiel considérable. Car leur action doit, plus qu’elle ne le fait aujourd’hui, compléter, appuyer, prolonger celle des forces publiques – au bénéfice de la sécurité de tous, sur l’ensemble du territoire.

Et c’est là que le concept de sécurité globale prend, selon moi, tout son sens.

Globale, car toutes les forces de sécurité – nationale et municipale, police et gendarmerie, publique et privée – doivent coproduire ensemble ce qui sera une innovation et osons le mot une véritable révolution dans les habitudes. Le rapport Fauvergue-Thourot, qui propose de créer une filière complète et intégrée des métiers de la sécurité, ne dit pas autre chose ; c’est au demeurant ce qu’attendent 60 % des Français . Les récents épisodes de fièvre qu’a connus la France lors de la nuit d’Halloween occasionnant un nombre important de blessés parmi les forces de police nous obligent à faire évoluer notre modèle. Comme le propose le Think-tank Synopia dans son rapport sur la sécurité intérieure publié en juin 2018, la coproduction devrait associer les citoyens en leur fournissant des outils numériques capables de renforcer le dialogue et de faciliter la remontée d’informations.

Il y va de la défense de notre République – et d’abord de nos écoles. Car ajouter des forces régaliennes devant les lycées, comme cela a été évoqué ces derniers jours, ou mobiliser des policiers et gendarmes pour des gardes statiques, implique nécessairement de les soustraire à d’autres missions utiles. Pourquoi ne pas solliciter des agents de sécurité privée, dès lors que ceux-ci pourront justifier des qualifications requises?

Il y va aussi de l’image de notre nation, alors que celle-ci se prépare à recevoir la coupe du monde de rugby, les Jeux olympiques – et que tout doit être mis en œuvre pour ne pas revivre le drame de Munich en 1976. La coupe d’Europe de football a d’ores et déjà montré l’importance des forces de sécurité privée dans ce type d’événement ; il faut en tirer tous les enseignements.

Face à la montée des populismes la politique de sécurité est un bastion de la démocratie. Les problèmes sociétaux et les dérives auxquels sont confrontés nombre de pays étrangers devraient nous alerter, nous rappeler à quel point la violence est le terreau des extrêmes. Opposons-lui toujours la volonté de défendre nos valeurs et la fermeté d’un front efficace, parce qu’uni. Voilà la sécurité globale qu’il faut revendiquer et qui doit désormais se traduire en actes dans l’intérêt général.

 

 

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