Retrouvez l’article de Fabrice Lorvo, administrateur de Synopia, sur le site Le Monde.
Dans une tribune au « Monde », l’avocat Fabrice Lorvo analyse la décision de la justice anglaise qui oblige l’Agence européenne du médicament à payer tous ses loyers londoniens malgré son déménagement à Amsterdam.
Tribune. Quelle que soit l’issue des négociations entre Londres et Bruxelles et celle des votes du Parlement britannique, le Brexit sera sans nul doute « hard » pour les entreprises européennes implantées outre-Manche. C’est ce que vient d’apprendre, à ses dépens, l’Agence européenne du médicament (AEM).
Fondée en 1995 à l’initiative du Parlement européen, l’AEM est chargée de l’évaluation scientifique, du contrôle et du suivi de la sécurité des médicaments dans l’Union européenne (UE). Elle fait partie des deux agences de l’Union qui ont leur siège à Londres, la seconde étant l’Autorité bancaire européenne (ABE), qui assure la réglementation et la surveillance prudentielle du secteur bancaire européen. Après l’annonce du Brexit, les ministres de l’UE à 27 ont voté le transfert de l’AEM à Amsterdam et de l’ABE à Paris.
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L’AEM a donc loué pour ses 900 collaborateurs de nouveaux locaux à Amsterdam (pour un loyer annuel d’environ 13,5 millions d’euros) et a commencé à déménager, en informant son bailleur anglais de son intention de mettre un terme anticipé à son bail. Le bail londonien (avec un loyer annuel de 13 millions de livres sterling) avait été conclu en 2011 pour une période allant de 2014 à 2039.
Pas de « cas de force majeure »
Devant le refus du bailleur anglais, l’affaire a été portée devant la Haute Cour de justice britannique, qui a envoyé un message fort aux Européens implantés au Royaume Uni : vous ne nous quitterez pas comme cela, car le Brexit n’est pas un motif pour remettre en cause les engagements juridiques que vous avez souscrits.
L’AEM prétendait, en effet, que le Brexit constituait une « frustration », qui est le terme juridique anglais assimilable à ce que nous appelons « cas de force majeure ». Un événement « frustrant » peut justifier la résiliation d’une obligation sans indemnité s’il présente plusieurs caractéristiques : il doit intervenir postérieurement à la conclusion du contrat, affecter fondamentalement les causes du contrat, être imprévisible et extérieur aux parties ; enfin, il doit rendre l’exécution du contrat impossible.