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37 années se sont écoulées depuis l’élection de François Mitterrand, en 1981. A cette époque, la France comptait 2 millions de chômeurs, sa dette voisinait les 100 milliards d’Euros et la dépense publique se situait aux alentours de 46 %. Par comparaison avec ces chiffres, en 2018, le chômage a presque doublé (celui des jeunes atteint 22 %), la dette a été multipliée par 22 et la dépense publique a cru de plus de 10 points pour culminer à 58 %. En dépit des moyens considérables consacrés à son fonctionnement (le record du monde en pourcentage du PIB), la France ne va pas bien. C’est patent. Et à voir l’ampleur des réformes qui sont à mener, avec des caisses vides, il y a de quoi nourrir de sérieuses craintes. D’autant que les contrastes très peu éthiques s’accumulent. Un seul exemple : en 2017, nous enregistrons un record de banquiers millionnaires en 2017, et 4 millions de nos compatriotes « bénéficient » de l’aide alimentaire. De quoi attiser les rancœurs, ou l’envie de renverser la table.
Emmanuel Macron ne nous fait pas, comme ses prédécesseurs, le « coup du bilan ». En revanche, et ce fut très clair lors de ses récents grands débats télévisés, il met en accusation les trois décennies de gouvernance passée. Au vu de la situation dont il hérite, comment le lui reprocher ? A une gauche généreuse mais brouillée avec l’économie et la réalité, a succédé, par alternance, une droite sans courage, ou empêchée dans son intention réformatrice. Le plus contrarié, sans conteste, fut Nicolas Sarkozy qui a dû faire face à la crise financière de 2008. Porté aux affaires par la promesse d’un grand soir, la leçon de pouvoir que François Hollande a reçue tient en une phrase : on ne gouverne pas contre les réalités. Comme l’homme de « la force tranquille », il a voulu entamer son mandat à gauche toute. Puis, réalisant le danger mortel d’une nage à contrecourant, surtout pour un pays lesté du fardeau de la dette et déserté par les investisseurs, il a, dans une volte-face salutaire pour le pays, amorcé un virage social-libéral. Mais il n’était pas François Mitterrand, et sa majorité, trop compromise par des décennies de clientélisme et de boniments, n’a pas pu le suivre. Nous connaissons la suite, et cette incroyable conjoncture des astres qui a autorisé la victoire de celui qui a cru en sa bonne étoile et saisi sa chance au bon moment.
Le poisson commence à pourrir par la tête, dit-on. Il semble qu’il en soit de même avec la vague dégagiste. Elle a frappé la tête du pays et emporté la plupart des membres de l’équipage du paquebot France. Depuis, le nouveau capitaine, avec son équipe de techniciens, s’arcboute de toute ses forces sur la barre du navire pour amorcer un changement de cap. Il suffit souvent de peu pour éviter une catastrophe. Mais l’inertie d’un grand pays comme la France, avec ses pesanteurs étatistes, législatives, réglementaires et bruxelloises, et ses infimes marges de manœuvres budgétaires et fiscales, nous condamne à la patience. Nous ne trouverons pas les eaux de la prospérité pour tous avant des années. Il ne faut plus tromper qui que ce soit à ce sujet.
Certes, nous sentons bien que le paquebot a bougé et il convient de s’en réjouir, il s’agit d’une première depuis longtemps. Toutefois, les passagers, dans leur grande majorité, sont restés à leur place, faute de comprendre où les mènent cette traversée. Certains prétendent que ce léger changement de cap suffira à éviter les nombreux icebergs sur notre route. En vérité, rien n’est moins sûr, nous manquons encore trop d’agilité, et l’équipage, seul ou presque, ne suffira pas. Il lui faut le soutien du plus grand nombre d’entre nous pour accentuer le mouvement et peser en faveur d’une transformation accélérée du pays.
Au terme de cette première année de quinquennat assez réussie, avec son « CAP » en poche (certificat d’aptitude présidentielle), le nouvel enjeu se situe là pour Emmanuel Macron, passer du verbe gouverner à celui d’entrainer. Rien, cependant, n’était gagné à l’avance. Surtout lorsqu’à 39 ans, on a soudain la plus écrasante des charges sur les épaules.
Bien sûr, cette première année est loin d’être parfaite. D’aucun déploreront des erreurs de méthode ou de calendrier, un pouvoir trop vertical, une communication teintée d’arrogance, des brutalités inutiles, des mots blessants, des confusions entre la fin et les moyens. D’autres regretteront que la réforme de l’État n’ait pas été engagée, ou que cette majorité soit davantage aux ordres qu’en marche. Mais ni les uns ni les autres ne sont aux manettes. Il est une chose de commenter, il en est une autre d’agir. Comme toujours, « c’est à la fin de la foire qu’il faudra compter les bouses ».
Quoi qu’il en soit des analyses et des commentaires, il reste quatre ans à Emmanuel Macron pour bien faire, avec cette équipe d’un genre nouveau qui a tout de même des faux airs de gouvernement d’union nationale. Oui, d’union nationale. En effet, si la première étape du dégagismese forge dans les urnes, le 23 avril 2017, la seconde trouve son origine avec cet attelage, ou alliage, gouvernemental si particulier, qui a privé d’espace politique les rares survivants de la campagne de 2017, à l’exception des extrêmes.
Emmanuel Macron a-t-il alors fait preuve d’un remarquable sens de la tactique politique, doublé d’un cynisme certain, pour convaincre d’Edouard Philippe à Jean-Yves Le Drian ? Ou bien est-ce la gravité de la situation française, présentée de façon lucide et prospective, qui a emporté l’adhésion de chacun, pour aboutir à cette coalition inédite ? Chacun choisira « sa vérité ». En revanche, s’il y en a bien une qui ne laisse le choix à personne, c’est celle qui touche la France. Une vérité qui, une fois exposée, emporte les différences et conduit à se concentrer sur l’essentiel.
Fort des succès enregistrés au cours de cette première année, solidement ancré sur ses positions, le Président de la République doit tenir aux Français, avec des mots choisis, le même discours de vérité qu’il a utilisé pour entraîner ses ministres et ses proches dans son épopée. Et il doit la marteler.
Il ne saurait être question de promettre, comme Winston Churchill en mai 1940, « du sang, du labeur, des larmes et de la sueur », mais de parler vrai, de ne rien masquer des périls qui menacent notre pays et sa souveraineté. Car la France n’a jamais été aussi vulnérable. Une telle prise de conscience collective aidera à comprendre le pourquoi et donc à accepter le comment.
Il convient de remettre l’économie sur des rails, de casser la spirale du chômage de masse, de redonner un espoir à la jeunesse, de réduire les fractures qui traversent notre pays et menacent notre cohésion. Et dans le même temps, la France doit retrouver la force de son indépendance et la plénitude de ses capacités régaliennes, pour ne pas devenir le jouet des prochaines crises qui ne manqueront pas de sévir. Monsieur le Président, cette vérité, vous la devez au Français. Elle constitue votre prochain levier de transformation.