« Sur le coronavirus il n’y a pas de question bête, il n’y a que des monstres médiatiques », par Jacky Isabello

Retrouvez l’article de Jacky Isabello, administrateur de Synopia, sur le site du Huffington Post, publié le 2 février 2020.

Les épidémies provoquent dans la population une vague de réactions dues à un processus cérébral reptilien antédiluvien dont l’origine se cache dans les grands récits de l’humanité qui ont parfois fondé les religions et tout particulièrement les religions monothéistes. Une épidémie est l’apparition et la propagation d’une maladie infectieuse contagieuse qui frappe en même temps et en un même endroit un grand nombre de personnes, d’animaux (épizootie) ou de plantes (épiphytie). Une épidémie est évoquée dans l’Ancien Testament. Elle a fait des ravages chez les Grecs et les Romains de l’antiquité. Mais dans le contexte de l’époque ce n’est pas un simple fléau, c’est principalement un châtiment divin! Déjà l’étymologie nous ramenait à notre statut de simple mortel: epi=au-dessus et demos=peuple. À l’analyse des racines lexicographiques de ce totem médical qui, à tout le moins, provoqueraient une légitime componction chez quiconque de normalement constitué, on comprend les afflictions numériques actuelles de la population et des commentateurs face à ce Coronavirus. Ces comportements irrationnels ainsi qu’aiment à les décrire l’élite de la science médicale ou politique sont de plusieurs types. Parmi ceux-ci, de manière surprenante, cette même élite en produit un très particulier, et ne peut exciper de sa bonne foi puisqu’elle se pense détentrice de la bonne attitude. Or les Fake news, la post-vérité désormais admise provoque certes des dégâts auprès des populations peu formées aux techniques de vérification des sources fiables d’informations, mais l’arrogance scientifique élitaire est davantage critiquable. 

Fake news: les fausses nouvelles abondent sur les réseaux sociaux. Affirmer que le mensonge diffusé à des fins de provoquer une nuisance ou une peur panique est consubstantiel de ces outils de partage relève désormais de la banalité. C’est pourquoi les pouvoirs publics doivent mettre en place des dispositifs de “gesticulations nécessaires”, dès lors qu’un sujet comme une crise peut provoquer des réactions de peur extraordinaires dans la population. En cela l’exemple de l’explosion de l’usine chimique de Rouen Lubrizol, restera un cas d’école. Fort heureusement, infuse depuis peu dans les esprits qu’à ne rien faire par crainte d’effrayer la population, il faut préférer la surinformation objective puisque désormais les réseaux sociaux charrient un lot de virus “NCOV-caricature”, “H1N1-désinformation”, “SRAS-Invention” parfois d’une vraisemblance confondante. 

L’erreur de confirmation: ou le complexe du cuistre. Mais les réseaux sociaux ne déversent pas uniquement des tentatives de nuire, ils servent aussi à des conversations anodines, sans risque en période dite normale, qui mélangent sans rigueur scientifique ce que Emmanuel Kant a théorisé: il existe une différence entre la science, les croyances et l’opinion. À ce titre, Cameron Campbell a été l’un des premiers à s’emporter contre cette soudaine attention mondiale à la mortalité grippale. Le magazine Le Point rappelle que ce professeur à l’université de sciences et technologies de Hong-Kong s’est fendu samedi 1er février d’une série de tweets expliquant pourquoi la comparaison grippe-coronavirus est idiote. “Si nous nous mettons à comparer les décomptes de morts, alors pourquoi s’arrêter à la grippe?” ironise Andrew Noymer, épidémiologiste à l’université de Californie à Berkeley. Ce dernier de conclure: “D’un point de vue scientifique, il est beaucoup trop tôt pour discuter le bilan du nouveau virus, je ne pense pas que le moment soit venu de faire des comparaisons statistiques de la charge de mortalité totale”. 

L’arrogance scientifique: du point de vue du communicant, la maladie la plus dangereuse dans un monde “ultra-connecté” reste celle du scientifique arrogant. Ces multiples témoignages consistant à railler la peur de celui ou celle qui s’interroge sur la possibilité d’être contaminé par un colis en provenance de Chine, un chat errant, un oiseau (cf déclarations sur France info le 4 février du directeur de l’ARS PACA) ou de toute forme de relation avec des gens aux origines asiatiques. En effet, en période sensible, louons l’implication de la population qui décide, non pas d’ignorer le sujet, mais au contraire de se poser mille questions. Qu’elles que soient ces interrogations, personne n’a le monopole de la finesse intellectuelle. Le professionnalisme des pouvoirs publics s’honorerait de penser à construire tous les outils pour répondre aux géhennes du public. Il n’y a pas de question saugrenue. Les spécialistes des crises ont été témoins dans certains pays de moult exemples de croyances non verbalisées empêchant la diffusion de la bonne information (ex: VIH/ SIDA et protection)! Nonobstant les hésitations qui naissent au détour de chaque esprit comme il arrive à n’importe quel Normalien de plus de 60 ans d’en vivre lorsqu’il s’agit de procéder à un raccourci clavier sur son PC/Mac, il faut lire, dans les questions simples, un acte de participation citoyenne. L’acte de lever un doute n’est-il pas une attitude scientifique? À la peur du colis évoquée supra, je rappellerai que l’objet peut contaminer. Durant de très nombreuses années nous avons équipé les métros, bus et autres zincs des bistrots, de longs mètres linéaires de cuivre car ce matériau métallique éradique les bactéries? Et au risque de voir ressurgir des théories nauséabondes darwiniste et eugéniste qui ont servi les buts politiques de nombreuses idéologies meurtrières derrière la peur de manger dans un restaurant asiatique, il est préférable de distinguer des groupes de populations manquant d’informations sur l’éventualité d’un atavisme asiatique dans cette forme inconnue de virus (aspect faisant partie des hypothèses évoquées par les scientifiques étudiant cette forme de pneumonie).

Le rôle des médias reste fondamental dans ces périodes de forte tension informationnelle. Attention de ne pas se leurrer, l’acte de produire des Fake news n’est pas la seule source de mise en risque des populations. Donner la parole, à la télévision, à la radio, à la quintessence du monde scientifique qui, adoptant par réflexe de caste des attitudes arrogantes, inciterait le ventre mou du “petit peuple” à pratiquer une forme d’auto-censure. Depuis l’avènement d’une révolution numérique qui continue de s’opérer et à transformer le monde, remémorons-nous la citation de Gramsci: “le vieux monde se meurt, le nouveau monde tarde à apparaître et dans ce clair-obscur surgissent les monstres”. En matière d’information épidémiologique comme politique, les monstres se cachent parfois au plus profond des inconscients.

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