Tribune d’A. Malafaye dans Le Huffington Post « Ce que le grand absent du scrutin présidentiel, le vote blanc, apporterait à notre démocratie »

Article publié le 28 mars 2017.

Aujourd’hui, dans une démocratie telle que la France, le vote du citoyen ne couvre qu’une partie du champ des choix possibles. Il peut certes voter pour Pierre, Paule ou Jacques, mais il ne peut, si aucun candidat ne le convainc, rejeter l’ensemble de l’offre politique et renvoyer les prétendants au trône dos à dos.

Alors il vote. La plupart du temps, sans grand enthousiasme. Par défaut, ou par devoir¹ aussi. Pour faire barrage à l’une. Pour sanctionner l’autre. Mais de plus en plus rarement emporté par une conviction forte, une adhésion profonde, une confiance assurée. Il faut dire qu’au fil des années et des lendemains électoraux qui déchantent, le citoyen connaît la musique. On ne lui la joue plus. Il sait bien que les promesses ne sont pas faites pour être tenues. Mais comme il reste un bon citoyen et qu’il est conscient de disposer d’un privilège envié par tous ceux qui vivent sous le joug des régimes autoritaires, il vote.

Et cela produit un résultat électoral que tout nouvel élu interprète aussitôt comme une grande victoire personnelle, le triomphe de son camp (contre l’autre, bien entendu, qui a perdu) et un blanc seing pour la mise en œuvre de son programme. Dans la foulée, il endosse le costume d’un pouvoir qu’il croit légitime et fonce tête baissée, jusqu’à percuter le mur des réalités. S’ensuit la désormais classique descente aux enfers des gouvernants, même animés de la meilleurs des volontés. Une utilisation habile de la langue de bois les aidera à dissimuler aux yeux du bon peuple l’ampleur des difficultés, avec plus ou moins de succès.

Appelons un chat un chat, cette mascarade ne peut plus durer. La France va trop mal pour la supporter pendant encore un ou deux quinquennats. Il est pourtant frappant de constater que nous sommes peu nombreux, dans le périmètre du kilomètre sacré qui entoure l’Élysée, à partager ce constat alarmant. Force est de constater que nos idéologues ne sont pas lucides, tandis que les politiques ne sont plus légitimes. Et les deux constituent nos élites.

Pour les Français, ce cocktail explosif s’apparente de plus en plus à un déni de démocratie, ou pour le moins, une forme de confiscation du pouvoir par ceux qui le détiennent et se le transmettent de façon quasi dynastique, élection après élection, sans que l’électeur ne puisse rien faire. On lui a pourtant enseigné que la démocratie est le « gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple » (article 2 de notre Constitution). Mais que faire quand ceux qui gouvernent ne sont ni issus du peuple, ni représentatifs du peuple, ni même en phase avec le peuple?

La seule solution sérieuse consiste à rénover notre démocratie en profondeur, un peu comme on réparerait le moteur d’une voiture, sans passer par la formule de l’échange standard (qui aboutirait à la 6° République). A condition de poser les bons diagnostics, ce qui est loin d’être le cas. En effet, si les candidats multiplient les propositions (moins de députés, 49.3 citoyen, etc.), ils sont peu à s’interroger vraiment sur l’origine des dysfonctionnements de notre vieux système démocratique, et sur les attentes profondes des Français. La plupart se prépare à gouverner sans rien changer, ou si peu, aux pratiques de gouvernement, persuadé que l’alignement des planètes Président – Ministres – Députés sera suffisant pour réussir à transformer le pays et entraîner les Français dans la dynamique du renouveau. Quelle illusion.

Le plus frappant dans l’histoire, c’est ce refus de répondre aux attentes des citoyens, ou de chercher à restaurer le lien démocratique qui, pour l’essentiel, se tisse autour d’un principe si simple à comprendre, la confiance.

Or, le pilier principal de la démocratie, c’est le vote. Mais si ce vote ne permet pas de s’exprimer pleinement, de se faire entendre et respecter, la défiance prend le pas, lentement mais sûrement

Voilà pourquoi le vote blanc, pris comme un suffrage exprimé à part entière, devrait constituer la priorité numéro un des candidats dans le volet gouvernance de leur programme.

Dans le sondage Ifop pour Synopia² rendu public ce 28 mars 2017, le vote blanc est plébiscité. 86% des Français sondés y sont favorables, et la proportion de « très favorable » est passée de 51% en septembre 2014³ à 60%.

Plus révélateur encore, si le vote blanc détenait la capacité à rejeter l’élection et les candidats lors du premier tour de la présidentielle, 40% des Français l’utiliseraient. Ils n’étaient que 26% en septembre 2014.

Ces résultats ne sont pas simplement le fait d’un ras-le-bol lié à la campagne actuelle. Leur forte progression en trente mois, et la quasi unanimité des Français sur le principe d’un vote blanc institué en véritable juge de paix démocratique traduit bien ce profond désir de renouveau et modernisation de la vie publique.

Dans ce sondage, si l’on ajoute les abstentions aux votes blancs, il reste aux candidats à peine plus de 50% à se partager. Alors que personne ne vienne parler de légitimité des élus!

Bien sûr, la vraie prise en compte du vote blanc suppose des règles. En premier lieu, à quelle élection l’appliquer? Le plus logique serait de le réserver d’abord à l’élection présidentielle. Puis, dans un deuxième temps, si le succès est au rendez-vous, de l’étendre à tous les scrutins relatifs au pouvoir exécutif (villes, départements et régions).

L’autre point clé, ce sont les conséquences du vote blanc. A bien y réfléchir, c’est sans doute sur la définition d’un seuil qu’il faudra travailler. Par exemple, au-delà de 30% de vote blanc, l’élection est invalidée. Les formations politiques disposent alors d’un délai de trois ou quatre mois pour s’organiser, revoir leurs programmes et présenter de nouveaux candidats. Pendant ce temps, un gouvernement technique est chargé de gérer les affaires courantes. Le Président sortant reste en poste, son mandat est prorogé jusqu’au prochain suffrage, mais ses pouvoirs sont limités aux domaines réservés (diplomatie et défense).

Dans la campagne actuelle, seuls Benoît Hamon et Jean-Luc Mélenchon reprennent cette idée. Les autres candidats, notamment ceux qui prétendent changer la façon de faire de la politique, ceux-là mêmes qui nous assurent vouloir gouverner autrement, s’y refusent. Il y a deux raisons à cela: la peur de la vraie démocratie, ou l’envie de profiter de ce système très favorable pour ceux qui réussissent à s’y installer.

Les citoyens doivent continuer à faire pression sur les élites, par exemple en signant les pétitions du parti du vote blanc ou de change.org. Déjà près de 250.000 soutiens. Le rapport de force finit toujours par tourner à l’avantage du peuple.

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