« “Donnez-moi un point d’appui, et un levier” et je refonderai la démocratie », par Alexandre Malafaye

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« Donnez-moi un point d’appui, et un levier, je soulèverai le monde », avait théorisé Archimède près de trois siècles avant J.-C. Dans cette formule, tout est résumé de l’enjeu véritable auquel Emmanuel Macron est maintenant confronté.

Le nouveau président de la République va très vite prendre la pleine mesure des blocages de notre appareil de gouvernance. Blocages qui, pour beaucoup, sont liés à des dévoiements institutionnels, à des comportements individuels ou collectifs qui privilégient les logiques d’appareil à l’intérêt général de notre pays, ou qui préfèrent que rien ne change afin de continuer à profiter des avantages de leur situation.

Par ailleurs, s’il a bien analysé les données de son élection, il sait que sa légitimité réelle, celle qui repose sur une véritable assise de confiance et permet d’entraîner le pays sur la voie des réformes et du renouveau, est fragile, et même étroite.

Au premier tour, 50 % des Français ont voté pour des projets de rupture, basés sur l’idée du « dégagisme » et du repli. Et, même si le second tour lui a permis d’obtenir un nombre de voix supérieur à François Hollande ou Nicolas Sarkozy, il ne doit pas oublier que son adversaire était Marine Le Pen. Face à un candidat « classique », le score aurait été bien différent. Il devra aussi se souvenir des 35 % d’abstention et de vote blanc (12 % des exprimés, un record).

Il n’y a rien d’anormal dans le comportement électoral des Français. Election après élection, ils tapent de plus en plus fort. Pour être écoutés. Pour être bien représentés. Pour obtenir de vrais résultats, et pas cet enfumage qui masque une réalité inquiétante. Nous ne reviendrons pas ici sur les fractures multiples qui traversent notre pays et affectent nos compatriotes.

Emmanuel Macron est jeune, son intelligence hors norme et son discours séduisant. Mais il n’est pas le premier à révéler un talent certain pour gagner une élection. Gouverner est une autre histoire. Les Français connaissent le goût amer des promesses non tenues. Après avoir été souvent déçus, et parfois trahis, il est logique de les voir douter. Ils n’ont donc accordé à Emmanuel Macron qu’une victoire fragile. Il devra faire ses preuves, démontrer dans l’action qu’il ne se contente pas d’incarner le changement, mais qu’il le met en œuvre.

Dans ce contexte très tendu, il se pourrait bien qu’Emmanuel Macron ait de la chance : le courant du renouveau est majoritaire en France, susceptible de favoriser l’adoption par la Nation d’une série de mesures qui rassemblent les Français bien au-delà des clivages qui ont trop longtemps sclérosé la vie et l’action politiques.

Nous l’avons compris, le renouveau est son levier. Mais quel sera son point d’appui ?

Hélas ! si les Français sont prêts au renouveau, ce n’est pas nécessairement le cas de certains barons du système, ceux qui en vivent – fort bien –, ceux qui appartiennent à la cohorte des professionnels de la politique et d’un syndicalisme idéologique, à l’armée des apparatchiks, etc. Ceux-là constituent un obstacle sur lequel bien des Présidents se sont cassé les dents. Avec eux, la confrontation est dangereuse, et il est impossible de prédire qui peut en sortir vainqueur, tant leur pouvoir de nuisance, de mobilisation, dans la rue et à travers les réseaux sociaux, n’est plus à démontrer.

Il convient donc de les contourner, et nos institutions le permettent. C’est même leur esprit : un président de la République élu au suffrage universel, qui dispose de deux grands leviers de gouvernance, la voie parlementaire, et la voie référendaire.

Le Président Macron serait bien inspiré de « prendre appui » sur les Français et de recourir au référendum dans les plus brefs délais pour s’attaquer au chantier le plus important au regard de l’exercice du pouvoir et de l’impérieuse nécessité de recréer le lien de confiance entre les gouvernants et les gouvernés, celui du renouveau démocratique.

Parmi les mesures que les tenants du système risquent de ne pas apprécier, mais que les Français plébiscitent, la réduction du nombre de parlementaires figure en très bonne place, de même que la limitation dans le temps du nombre de mandats. Un référendum assurerait à coup sûr la concrétisation rapide d’un tel changement. Il pourrait aussi choisir de les consulter pour faire adopter certaines mesures phares de son programme, notamment celles qui portent sur la réforme du Code du travail et dont on voit déjà qu’elles vont mobiliser un nombre substantiel d’opposants déterminés.

Dès lors, le recours au référendum aurait plusieurs vertus, surtout s’il était annoncé à très brève échéance :

– Il renforcerait le capital de confiance naissant entre les Français et leur nouveau Président. Sans la confiance, rien de profond ne se fera, aucune autorité ne pourra vraiment s’exercer ;

– Il enverrait un signal fort aux chantres du conservatisme, pour leur intimer de ne pas se mettre en travers de la volonté des Français et de l’intérêt supérieur de la Nation ;

Il amorcerait une nouvelle façon de gouverner, qui s’appuierait sur une attente forte des Français : être associés à la vie publique et co-construire le renouveau démocratique avec le Président qu’ils ont élu.

Les enjeux auxquels la France est aujourd’hui confrontée imposent de faire de ce quinquennat une réussite. Monsieur le Président, à vous de jouer !

 

Alexandre Malafaye est président de Synopia, co-fondateur de l’Observatoire citoyen du renouveau démocratique.

 

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