Le 8 novembre 2016 dans le Huffington Post
Depuis trop longtemps déjà les gouvernements qui se sont succédés au pouvoir ont éludé la question d’une refonte du système démocratique. Si la classe politique souhaite accroître la confiance que les citoyens français lui accordent, soustraire cette question au débat devient inenvisageable.
La situation est grave. Les citoyens ne se sentent pas suffisamment écoutés. Les décisions politiques leurs paraissent prises derrière des portes closes, par un personnel politique qu’ils jugent à 76% plutôt corrompu. Dès lors comment gouverner vraiment lorsque la confiance repose sur du sable, surtout dans un système politique qui fonde sa légitimité sur la relation de confiance entre gouvernés et gouvernants?
Pour impulser une nouvelle gouvernance, et par là même créer une dynamique capable de restaurer la fonction politique dans toutes ses dimensions – légitimité, autorité, confiance, prise en compte de l’intérêt général et du temps long, capacité à transformer – il convient d’engager une mutation profonde, à tous les niveaux, articulée autour de trois grands axes:
- Dé-carrièriser la classe politique.
- Restaurer l’efficacité de l’action publique.
- Recréer l’indispensable lien démocratique.
Il est également nécessaire de s’appuyer sur le foisonnement citoyen en marche.
Les attentes des citoyens quant à leur implication dans la vie politique mais aussi dans la vie de la Cité en général, ont évolué en même temps que se sont développées les nouvelles technologies d’information et de communication. Le monde politique lui-même est bouleversé par le développement des outils numériques qui ouvrent la voie à une plus grande inclusion des citoyens, comme en témoignent l’essor des budgets participatifs et des consultations quotidiennes sur des applications mobiles (par exemple, Direct Citoyen, l’application des Républicains ou encore GOV, Mon Avis Citoyen, VOOTER, etc.).
Cette volonté de participer directement ne peut plus être ignorée par les représentants politiques. Pour être réellement représentatifs, ils doivent s’adapter aux évolutions de la société civile. De plus, le développement du numérique permet et exige une plus grande transparence des acteurs de la vie politique, encourageant les citoyens à formuler à leur égard de nouvelles exigences éthiques.
La question de la place des citoyens et de leurs opinions dans le processus de décision politique n’est pas nouvelle. Elle fut au cœur des discussions sur le système représentatif et la manière dont le peuple pouvait être associé efficacement à la gestion des affaires publiques et d’intérêt général, dans le but de conférer aux actions politiques du gouvernement une légitimité.
Après la révolution de 1789 et l’abolition de la monarchie absolue, le système représentatif incarne une alternative à la démocratie directe que beaucoup, comme Emmanuel-Joseph Sieyès, estiment néfaste: « La France ne doit pas être une démocratie, mais un régime représentatif. (…) Les citoyens qui se nomment des représentants renoncent et doivent renoncer à faire eux-mêmes la loi; ils n’ont pas de volonté particulière à imposer. (…) Le peuple, je le répète, dans un pays qui n’est pas une démocratie (et la France ne saurait l’être), le peuple ne peut parler, ne peut agir que par ses représentants « . Le débat sur l’expression de la volonté populaire s’est poursuivi encore longtemps, notamment à l’occasion du passage en 1848 du suffrage censitaire au suffrage universel, d’abord réservé aux hommes puis au suffrage universel incluant les femmes en 1944.
Aujourd’hui, la multiplication des initiatives citoyennes, la progression de l’idée de démocratie participative et le recours à des formes encore plus directes de participation politique, permettent de renouveler ce débat. Il n’est cependant pas question de remplacer le système représentatif actuel, mais de le rénover et de lui adjoindre des modes de participation plus directe qui favoriseront le renouveau de la légitimité politique et entretiendront le lien de confiance avec les citoyens dans la durée. Renforcer la démocratie participative ne peut que réduire l’influence de la « rue » et aider à juguler des violences qui souvent, sont le fait de minorités instrumentalisées.
Pour réussir, de tels changements devront être accompagnés par un important travail sur l’éthique et à la déontologie. En effet, 81% des Français expriment un sentiment négatif à l’égard des hommes et femmes politiques, dont 54% qui se disent déçus et 20% dégoutés (Sciences-po CEVIPOF). Ces chiffres témoignent de la crise de confiance actuelle.
Les candidats à la présidentielle de 2017 et nos futurs gouvernants doivent ouvrir le grand chantier de la gouvernance de toute urgence, en l’articulant autour de deux grands principes:
- Améliorer la représentation
- en repensant les modalités et le système du vote pour assurer une plus grande représentativité et lutter contre l’abstentionnisme: l’élu doit être représentatif, identifiable et redevable de son action. Ainsi, une dose de proportionnelle, sans dépersonnalisation, s’avère nécessaire et la comptabilisation du vote blanc comme ultime recours;
- en renforçant considérablement le « contrat moral » qui unit élu et électeur: éthique des collectivités et déontologie de l’élu, qui s’étend ensuite sur l’obligation de formation et d’engagement public et solennel.
- Introduire plus de participation
- en renforçant la pratique du référendum et des consultations citoyennes, notamment par l’introduction de référendums locaux et en encourageant les consultations citoyennes sur les enjeux locaux,
- en encourageant de nouvelles formes de médiations citoyennes, notamment par l’organisation d’assemblées citoyennes consultatives – tirées au sort – qui seraient appelées à délibérer sur des sujets d’intérêt général, en s’appuyant sur l’infrastructure du CESE et de ses émanation en Régions).
Recréer du lien démocratique constitue un défi majeur et essentiel. Il faudra procéder par tâtonnements, essayer et voir ce qui fonctionne et rectifier ce qui ne fonctionne pas, afin d’éprouver les limites et les obstacles de la démocratie participative à l’ère numérique, et déterminer jusqu’où il est possible d’aller, sans s’opposer à l’impératif d’efficacité. À n’en pas douter, le modèle démocratique de demain sera hybride. Mais cette évolution vers « l’hybridation participative » du modèle régalien doit se piloter, faute de quoi la gouvernance du présent prendra le pas sur celle de l’intérêt général qui s’inscrit nécessairement dans le temps long.
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