Les jeunes de Synopia ont publié une tribune dans le FigaroVox et plaident en faveur d’un référendum pour en finir avec le monopole syndical.
Le débat qui a entouré la loi travail s’est mué en un véritable bras de fer entre syndicats, patronat et gouvernement. La loi EL KHOMRI est symptomatique des blocages récurrents dans les négociations professionnelles, et témoigne d’un profond malaise alimenté par des affrontements réguliers entre des acteurs qui se radicalisent et une confiance dans les syndicats qui s’érode. Tout laisse penser que le dialogue social, dans sa forme actuelle, est en fin de vie.
Cette situation de conflit social permanent, tantôt larvé, tantôt éruptif, pose la question complexe de l’avenir des syndicats salariés ou patronaux en France. Alors même que se tiennent en ce moment les élections professionnelles, celles-ci peinent à mobiliser malgré un enjeu important puisqu’elles détermineront les représentants syndicaux dans les futures commissions paritaires régionales interprofessionnelles (CPRI) et désigner les conseillers prud’homaux. Elles seront également prises en compte dans le calcul de la représentativité des grands syndicats nationaux (CGT, CFDT, FO, CFTC, CFE-CGC). S’ils demeurent essentiels dans l’intermédiation des relations professionnelles, les syndicats doivent se renouveler pour regagner une nécessaire représentativité et légitimité afin de peser dans les négociations, en s’adaptant aux évolutions économiques et sociétales.
Un syndicalisme devenu obsolète
La remise en cause du syndicalisme français n’est pas un fait nouveau, mais le fruit d’un désenchantement progressif qui s’est enclenché au cours de la deuxième partie du XXème siècle . Ce désenchantement vient d’abord de la distanciation entre le pouvoir décisionnaire des syndicats, fondé sur des postures idéologiques, et la réalité du terrain qui nécessite avant tout une recherche pragmatique de compromis social.
D’autre part, les transformations économiques qui se sont succédées dès la deuxième moitié du XXème siècle ont fait évoluer les formes de travail et, par conséquent, les besoins de représentation et de protection des personnes actives. Ces évolutions n’ont pas été suffisamment appréhendées par un syndicalisme historiquement ouvrier qui continue de représenter les salariés les mieux protégés au détriment des actifs précaires, des travailleurs indépendants et d’autres formes atypiques d’emploi.
Pourtant, les modes d’organisation des syndicats leur ont permis de se maintenir sans avoir à se confronter aux nouvelles réalités du monde du travail. Leur survie reste ainsi assurée par le financement de l’État et des employeurs, et leur pouvoir de négociation légitimé par les élections professionnelles.
Il existe des pistes à explorer.
Reconquérir les salariés et la représentativité
La Constitution de 1946 a instauré le monopole syndical. 70 ans plus tard, ce monopole, légitimement pensé à l’époque comme une cause de progrès, semble désormais être la cause de la stagnation du syndicalisme français. C’est pour cette raison que Synopia propose d’organiser un référendum dès septembre 2017 pour revenir sur le monopole syndical de 1946.
Pour regagner en représentativité, les syndicats doivent retrouver une base d’adhérents significative. Ils devraient être représentatifs des personnes actives de l’entreprise concernée afin de pouvoir se présenter aux élections professionnelles. Il serait utile ici d’imaginer, par exemple, la mise en place d’un seuil minimum d’adhésion à un syndicat pour que celui-ci puisse participer aux élections et aux négociations.
Afin de rendre les syndicats plus légitimes, notamment lors des élections syndicales, il serait opportun d’introduire des seuils permettant d’annuler une élection, que ce soit par la prise en compte du vote blanc (avec, par exemple, un seuil de 30 % de vote blanc), ou par l’instauration d’un quorum (seuil de 50 % de votants inscrits nécessaire pour valider une élection).
Le mode de financement pourrait également être modifié afin de redonner responsabilité et légitimité aux syndicats. Là aussi, il serait opportun d’introduire une part de financement par les cotisations des adhérents. Une alternative serait d’utiliser le dispositif du «chèque syndical», mis en place chez Axa, et évoqué par Manuel Valls à l’occasion de la conférence sociale en 2015. Ce chèque est remis chaque année par l’entreprise à ses salariés, qui sont en droit de le reverser à l’organisation syndicale de leur choix.
Mais une telle adhésion de la part des salariés nécessite que les syndicats jouent un rôle plus important ; par exemple, des services d’information et de conseils permettraient d’aider les salariés à prendre connaissance de leurs droits et des procédures légales à suivre en cas de contentieux. Plus généralement, le syndicalisme de service présente une variété presque infinie de possibilités nouvelles que les syndicats français devraient à tout le moins explorer .
S’adapter aux mutations de l’économie, de la société et de l’emploi
Toutes les catégories d’actifs doivent pouvoir être représentées par des syndicats. De nouveaux modèles sont à créer pour partir à la conquête notamment des travailleurs indépendants, mais «économiquement dépendants», souvent précaires, et à la frontière entre salariat et travail indépendant.
Si la réflexion est lancée – le think tank «Génération Libre» s’intéresse au principe de «coopératives professionnelles», en complément des syndicats existants, … – des initiatives concrètes ont déjà émergé. «Freelancer Union» se définit comme une organisation syndicale dédiée aux travailleurs indépendants (auto-entrepreneurs, free-lancers etc.), tandis que la jeune start-up WeMind propose des services de même nature que ceux proposés par un comité d’entreprise, à destination des freelances.
Les syndicats devraient s’emparer eux-mêmes de ces nouveaux enjeux, et être les premiers acteurs de la mise en place de dispositifs adaptés aux nouvelles formes de travail. La CFDT s’est d’ores-et-déjà lancée dans cette démarche avec la création de la plateforme UNION, à destination des «travailleurs indépendants du numérique (…) en mettant à leur disposition un ensemble d’outils et de services indispensables pour lancer leur activité» .
Reste désormais à les accompagner sur le long terme!