Journal des Futurs #42 – Au cœur du coup d’État au Mali… le problème de la cohésion nationale

La coopération internationale a été touchée en plein cœur à la suite du coup d’état malien organisé par des militaires de l’armée malienne. Cet évènement fait directement suite aux diverses contestations populaires, et pose de nombreuses questions sur la stabilité malienne et la capacité qu’auront l’ensemble des parties prenantes à relever les enjeux de la zone, notamment la lutte anti-terroriste. 

Le Mali fait face depuis plusieurs années à une crise politique et sociale majeure. L’atmosphère s’est gravement alourdie, menant jusqu’au coup d’état contre le Président Ibrahim Boubacar Keïta (IBK), par une partie de l’armée malienne soupçonnée de collusion avec l’opposition politique. Un soupçon qui ne s’est pas véritablement vérifié aujourd’hui d’ailleurs. 

Ce coup d’état, initié par le “Comité Nationale pour le Salut du Peuple” a provoqué une réaction vive et immédiate de plusieurs organisations internationales et des nations africaines : on pense notamment à l’OIF (Organisation Internationale de la Francophonie), mais aussi la CEDEAO (Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest), et la France, liée au Mali par l’opération Barkhane, notamment. Tout comme le coup d’État de 2012, ce dernier reflète une nouvelle fois la grande angoisse des jeunes soldats maliens qui se sentent impuissants à rétablir la paix dans leur pays.

La junte militaire s’est très rapidement engagée, d’abord, à respecter les traités internationaux précédemment signés, mais surtout à entamer une transition politico-civil profonde. Une transition très fermement attendue par la CEDEAO, et par les autorités françaises, qui craignent une déstabilisation de la zone, notamment en terme de propagation terroriste. 

Un évènement d’ampleur historique qui fait suite à des grondements d’ordre social au sein du pays, prenant par exemple la forme d’un scandale après la diffusion de la vidéo du fils d’IBK, Karim Keïta, par ailleurs député, sur un yacht en bordure d’Espagne, pendant que les manifestations populaires s’embrasaient encore. Il était accusé de tirer les ficelles du pouvoir au travers de son propre père, alors président. Des contestations sociales qui ont principalement mobilisé la jeunesse malienne. 

Malgré ce que certains analystes soulignent, le coup d’état ne peut pas uniquement s’exprimer dans la crise Covid ou dans les élections générales deux fois reportées, bien que toutes deux aient provoqués des mouvements populaires.

Depuis 2015, le Mali connaît une crise sécuritaire à composante ethnique qui a franchi les frontières du Burkina Faso et du Niger. La crise sécuritaire a commencé après la révolution touarègue de 2012, qui a entraîné des problèmes de sécurité dans les zones frontalières de l’Azawad, au centre du Mali, et un retrait de l’État et l’arrivée du djihadisme. Suite aux accords de paix d’Alger de 2015, qui ont officiellement mis fin à la révolution touarègue, la crise sécuritaire a continué à se détériorer, et les groupes djihadistes ont profité du manque de cohésion sociale et des problèmes sécuritaires pour attirer les populations les plus marginalisées, dont les éleveurs peuls. Cela a conduit à une éthnisation du conflit, car l’État et d’autres communautés ont commencé à s’armer en attaquant les communautés peules, comme le massacre d’Ogossagou par le groupe armé Dogon de Dan Na Ambassagou. Comme les populations du nord du Burkina et de l’Est du Niger ont des problèmes de cohésion similaires avec les Peuls, des groupes djihadistes sont apparus et ont profité de la situation, faisant de la zone une des trois frontières les plus dangereuses d’Afrique. Malgré l’opération Barkhane, la MINUSMA et les missions européennes, le nombre d’attaques et de groupes djihadistes n’a fait qu’augmenter, tout comme le nombre de milices armées. C’est dans ce contexte, avec une population épuisée par la violence et la corruption, et par les attentes de l’avenir, que le Comité national pour le salut du peuple réalise le coup d’État du mois d’août, avec le soutien du peuple. 

Les causes profondes de la crise et du mécontentement social persistent, que ce soit une junte militaire ou une démocratie. Comme ce fut le cas lors du précédent coup d’État en 2012, l’armée souffre de la corruption du gouvernement et du manque de capacités militaires, en plus des problèmes sociaux. 

La mention des capacités militaires est encore plus alarmante car en 2012 le Mali ne disposait pas de toutes les forces de soutien internationales. Malgré tous les efforts de la communauté internationale pour former et renforcer les capacités des forces de sécurité de l’État malien, les résultats ne sont toujours pas à la hauteur des attentes. Il reste encore beaucoup de chemin à parcourir avant que les propres armées de la région ou même le G5 Sahel puissent prendre en charge les problèmes de sécurité au niveau militaire sans assistance internationale. On en conclut donc qu’il y a un dysfonctionnement dans les efforts internationaux. Bien que la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDAO) intervienne en menaçant de sanctions financières, elle ne semble pas détenir les pouvoirs suffisants pour que la transition s’effectue comme convenu. 

La sécurité de la région est en jeu. Si le Mali n’atteint pas la stabilité prochainement, AQMI et Daesh avec les groupes terroristes de la région (JNIM et EIGS) profiteront de la situation pour se propager comme ils l’ont fait en 2012. C’est pourquoi la communauté internationale, en particulier l’Union européenne, a suivi de très près l’évolution de la situation pour renouveler sa stratégie. Son action doit se concentrer sur le soutien des capacités des forces maliennes et sur la facilitation d’un retour à l’état de droit le plus rapidement possible. Enfin, comme dans toutes les crises armées, la solution sera enfin politique. Pour ce faire, il est essentiel que les acteurs impliqués dans la crise, notamment l’Union européenne, notamment la France et les pays voisins comme l’Algérie et le Maroc, se réunissent pour convenir d’un projet commun, incluant un soutien politique, économique et sécuritaire. 

Par Beatriz de Leon Cobo et Romain Labiaule, membres de Synopia Jeunes.

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