Affaire Villiers: «Même en entreprise, cette méthode de management est proscrite», interview d’A. Malafaye

Interview réalisée par Edouard de Mareschal, publiée dans Le Figaro le 19 juillet 2017. 

INTERVIEW – Le recadrage public du général de Villiers, suivi de sa démission, était une «humiliation inutile» et une «faute politique» d’Emmanuel Macron, estime le président du think tank Synopia Alexandre Malafaye.

La crise ouverte entre le président de la République et le chef d’état-major des armées s’est dénouée mercredi avec la démission du général Pierre de Villiers. Le chef d’état-major protestait depuis plusieurs semaines contre les coupes budgétaires annoncées pour l’armée, qui entraient selon lui en contradiction avec la promesse de campagne d’Emmanuel Macron de porter le budget de la Défense à 2% du PIB d’ici à 2025. Mais son bras de fer avec le pouvoir politique s’est progressivement envenimé, jusqu’au soir du 13 juillet où Emmanuel Macron l’a publiquement recadré au ministère des Armées.

LE FIGARO.- Êtes-vous surpris par l’annonce de la démission du général de Villiers?

Alexandre MALAFAYE.- Je ne suis pas surpris, à deux titres. Par cette décision, le général de Villiers prend acte du non respect d’un engagement de campagne, pris à grand renfort de communication, de renforcer les moyens des armées. Sa démission est aussi un signal fort envoyé à Emmanuel Macron pour lui signifier qu’il ne peut pas se comporter comme cela. Ce recadrage public infligé par le président n’était pas acceptable pour le chef d’Etat-major des Armées. Il a commis une faute de management.

Qu’est-ce que cette passe d’arme avec le général de Villiers dit de la «méthode Macron»?

Cet épisode me laisse très inquiet pour la suite. Il nous a montré que l’on avait élu un homme que l’on ne connaît pas dans l’exercice du pouvoir. Faire preuve d’autocratie dès que la conjoncture se tend, cela ne peut pas fonctionner longtemps. Avec un tel précédent, qui osera demain discuter une décision d’Emmanuel Macron? C’est pourtant l’exercice normal de la démocratie.

Et qu’à voulu montrer le chef Macron par la nomination du général Lecrointre pour lui succéder?

C’est un choix de rupture avec la pratique. La logique aurait pu guider Emmanuel Macron vers une personnalité comme le major général des armées, l’amiral Philippe Coindreau. Il est le numéro deux des armées, et il est particulièrement au fait des enjeux relatifs aux moyens de la Défense. Mais en nommant le général Lecointre, il casse le modèle. Emmanuel Macron est allé chercher quelqu’un de deux grades en dessous du général de Villiers. Il n’a pas commandé d’armée, et il va se retrouver à la tête des trois armées. C’est significatif de la méthode Macron, qui porte un message de renouvellement et de rajeunissement de l’appareil d’Etat. Par ailleurs, le général Lecointre est un très bon choix. C’est un homme plus jeune, chef du cabinet militaire d’Edouard Philippe, d’une grande valeur militaire. C’est un homme de terrain, qui a entendu les balles siffler en Bosnie.

Mais cette méthode de management d’Emmanuel Macron, issue du monde de l’entreprise, est-elle compatible avec le monde militaire?

Même dans le monde de l’entreprise, cette méthode de management est proscrite. Un patron évitera toujours de faire ce type de recadrage en public. C’est une humiliation inutile, surtout pour une personnalité telle que le général de Villiers qui n’a pas démérité ; Emmanuel Macon lui-même l’avait prolongé dans ses fonctions un mois plus tôt… Par cette exécution publique, le président a commis une faute politique sérieuse. Tout le monde est perdant, Emmanuel Macron a provoqué une crise de défiance dans le monde militaire, mais aussi civile. Il a connu un début de mandat en quasi lévitation, mais cette nouvelle tâche qui vient s’ajouter à toutes les autres -affaire Ferrand, démission de Bayrou et de Sarnez, affaire Business France- va finir par ternir ce début de mandat, comme celui de Nicolas Sarkozy l’avait été par le Fouquet’s ou le yatch de Vincent Bolloré.

Comment Emmanuel Macron pourrait-il sortir de cette crise pas le haut?

Emmanuel Macron n’aurait jamais dû tenir ses propos à l’hôtel de Brienne. Au lieu de cette exécution publique, peut-être aurait-il dû demander la démission du général de Villiers en huis-clos. En tant que chef des Armées, il faut avant tout qu’il explique sa décision de couper 850 millions d’euros dans le budget de la Défense. Il peut dire que la lutte contre le déficit est une priorité absolue, que c’est un impératif pour que la France retrouve une parole crédible auprès de ses partenaires européens. Il peut demander aux troupes de lui faire confiance car la trajectoire qu’il indique est non seulement la bonne et la seule possible. Les Armées ont besoin d’être rassurées.

Partager cet article :

EU! Radio – Chronique hebdomadaire de Joséphine Staron sur les enjeux européens

21/11/2024
PODCAST – 21 novembre 2024 – Guerre en Ukraine : quel avenir sous la présidence de Donald…
Thème de réflexion Europe Monde

FRANCE INFO, « Le 14/16h » avec Joséphine Staron

13/11/2024
[PODCAST] 13 novembre 2024 : « Le 14h/16h » présenté par Martin Baumer avec Joséphine Staron, André Kaspi…

LCI, 13 novembre 2024 et nos derniers podcasts

13/11/2024
[PODCAST] 13 novembre 2024 : « LCI Midi » présenté par Christophe Moulin avec Joséphine Staron, Xavier de…

Europe 1 – Interview d’Alexandre Malafaye

11/11/2024
PODCAST – 11 novembre 2024 : « Europe 1 Soir » présenté par Pierre de Vilno avec Alexandre Malafaye,…

Victoire de Donald Trump : « It’s the People, stupid ! » – par Alexandre Malafaye

08/11/2024
Tribune publiée le 8 novembre 2024 par l’Opinion Nous n’avons rien compris à ce qu’il…
Publié par : L’Opinion
Thème de réflexion Démocratie & Institutions Monde

BFM Business – Good Evening Business

30/10/2024
PODCAST – 30 Octobre 2024 : « Good Evening Business » présenté par Guillaume Paul avec Alexandre Malafaye, Jean-Baptiste…

ARTE – « Le 19-21 » avec Joséphine Staron

24/10/2024
PODCAST – 24 octobre 2024 : Le 19-21, interview de Joséphine Staron sur le rôle…
Thème de réflexion Europe

FRANCE 24 – Joséphine Staron invitée du journal du 17 octobre 2024

17/10/2024
[PODCAST] 17 octobre 2024, Joséphine Staron était invitée de l’émission « Journal de 13h », pour parler…
Thème de réflexion Europe

« Alors que la démocratie politique vacille, la démocratie sociale peut être un stabilisateur ! », par Bruno Cathala, Michel Guilbaud, Jean-Claude Mailly et Alexandre Malafaye »

17/10/2024
Retrouvez la tribune signée par Bruno Cathala, Michel Guilbaud, Jean-Claude Mailly et Alexandre Malafaye, tous…
Thème de réflexion Démocratie & Institutions

SUD RADIO, « Mettez-vous d’accord » et nos derniers podcasts

08/10/2024
[PODCAST] 9 octobre 2024, « Mettez-vous d’accord » présenté par Valérie Expert avec Alexandre Malafaye, Noémie Halioua, Samuel Lafont…

« Rapport Draghi : dernières cartes à jouer pour l’Europe ? », par Joséphine Staron

15/09/2024
Retrouvez la tribune de Joséphine Staron, Directrice des études et des relations internationales de Synopia…
Thème de réflexion Europe

CNews – 180 Minutes info, Joséphine Staron

11/09/2024
[PODCAST] 11 septembre 2014, 180 minutes info, animé par Vincent Fahandezh, avec Joséphine Staron, Clémence…