Monsieur le ministre,
dans cinq jours, le nouveau président de la République sera élu. Les résultats du premier tour vous ont placé en tête, et l’arithmétique électorale fait de vous le grand favori de ce scrutin, au terme d’une campagne inquiétante à bien des égards.
Votre probable victoire ne suffira pas, à elle seule, à refonder la légitimité foncière (1) du Président, et par conséquent, sa capacité à susciter la confiance, partager une vision, donner du sens à l’action politique, et entraîner le pays sur la voie du renouveau. S’il se trouve toujours des inconditionnels et des militants résolus, dans l’ensemble, le cœur des Français ne bat plus pour ses représentants. Le phénomène n’est pas récent mais, quinquennat après quinquennat, le désamour s’amplifie.
D’ores et déjà, le résultat du premier tour constitue une nouvelle manifestation de cette marée contestataire qui monte inexorablement, et qui vient d’écarter les deux grandes formations politiques traditionnelles et nombre de ses leaders.
Comme ses prédécesseurs, le prochain Président sera mis au pied du mur des réalités ; il devra prendre la mesure des multiples fractures qui traversent le pays ; pour agir, il n’aura à sa disposition qu’un appareil de gouvernance en partie bloqué et des institutions fragilisées. Or, cette fois, des demi-mesures n’y suffiraient plus. Et 2022, c’est demain.
Refaire de la démocratie. L’un des enjeux les plus importants de ce quatrième quinquennat va consister à « refaire la démocratie» (2). Bien sûr, à court terme, diverses initiatives peuvent être prises, qui enverront des signaux positifs aux Français. Mais le chantier qu’il faut ouvrir est considérable et doit être mené à froid, en dehors du temps de la campagne électorale et de façon large. Les questions sont nombreuses, complexes et portent sur des sujets aussi importants que le rôle de l’État, des collectivités locales et des citoyens, la prise en compte de la révolution numérique, le renouvellement des élus et leur représentativité, l’efficacité de l’action de l’État, la recréation du lien démocratique.
Sur cet enjeu, face à l’Histoire de France et aux générations futures, et face à l’Europe qui attend de la France le plein exercice de ses devoirs, la responsabilité du prochain président de la République sera majeure.
Cette conviction nous a amenés à lancer un appel en faveur d’un « Grenelle de la démocratie », publié par l’Opinion dans son édition du 12 avril 2017. Ce texte a été signé par 126 personnalités venant d’horizons différents. Il est joint à cette lettre.
Nous sommes persuadés que le moment est propice pour annoncer l’engagement d’une démarche de cette nature. Car il est fort possible qu’après les législatives, ou après une rentrée trop agitée, ce soit trop tard, et que cette initiative soit perçue comme un mouvement tactique de diversion.
Pour « bâtir une France nouvelle », et tenir la promesse du cinquième chantier de votre programme, celui du « renouveau démocratique », ce que vous incarnez à titre personnel vous place de fait en situation favorable pour engager la métamorphose de notre système politique. L’annonce d’un tel projet constituerait très certainement un message d’espoir pour la grande majorité des Français qui ne croient plus dans ses dirigeants, qui se défient du « système », et qui redoutent l’avenir.
Le projet d’une nouvelle démocratie, plus juste, plus efficace, plus vertueuse, capable de mobiliser les énergies et de donner sens à nos actes, aidera à renouer le lien de confiance entre gouvernants et gouvernés. Nous en sommes persuadés.
Nous espérons que vous entendrez notre appel et vous assurons de notre totale mobilisation pour contribuer à la réussite d’un tel projet.
De notre côté, nous resterons vigilants, et suivrons de près, tout au long du prochain quinquennat, ces questions que nous savons déterminantes pour l’avenir de notre Nation.
Nous vous prions d’agréer, Monsieur le ministre, l’expression de notre haute considération.
(1) : Selon un sondage Ifop pour Synopia de janvier 2017, 62 % des Français n’iront voter que par devoir. Et selon un autre sondage Ifop pour Synopia de mars 2017, 40 % des Français voteraient blanc au premier tour de la présidentielle si le vote blanc, au-delà d’un certain seuil, pouvait invalider l’élection, et ainsi rejeter l’ensemble des candidats et des programmes.