Journal des Futurs #36 – Qui doit contribuer à l’effort de guerre ?

« La fraternité a pour résultat de diminuer les inégalités 
tout en préservant ce qui est précieux dans la différence »

– Albert Jacquard

« Nous sommes en guerre ! » déclarait le Président Emmanuel Macron lors d’une de ses allocutions télévisées. Bien que la crise de la covid-19 ait pris une forme plus latente, les risques pèsent encore sur nous comme une épée de Damoclès. Les pouvoirs publics se voient contraints d’agir dans l’urgence, et dans un contexte économique très incertain.

Le monde économique a t’il égalitairement souffert ?  

La planète entière se relève difficilement de cette déflagration invisible. En effet, le tissu industriel, les commerces et travailleurs indépendants ont très lourdement subis la crise sanitaire, bien que la France, fidèle à ses valeurs, a déployé une armada d’actions de solidarité. 

Pourtant, certains cercles économiques ont, eux, largement profités de la crise. Le malheur des uns fait le bonheur des autres, dit le dicton. Sans oser sombrer dans le cynisme, il est évident que des secteurs entiers ont pu tirer profit de la crise sanitaire. 

De manière générale, quelques grandes entreprises ont vu leurs bénéfices exploser durant le confinement. Selon OXFAM, ce sont des entreprises comme Amazon, mais aussi Microstoft, Facebook, Google, Apple, dont les bénéfices ont atteint des sommes titanesques. L’ONG a ainsi recensé 109 milliards de bénéfices supplémentaires pour 32 multinationales. 

Le confinement fut très lucratif pour ces titans, bien qu’ils soient depuis quelques années fortement décriés pour leurs pratiques d’optimisation fiscale et d’exil fiscal. Dès lors, à l’image des corona’pistes, ces pistes cyclables qui ont fleuris pendant le confinement, que la plupart des villes souhaitent d’ailleurs pérenniser, ne faut-il pas parler de corona’profits ?

La redistribution comme devoir 

Ces bénéfices ont été générés dans un contexte bien différent d’autres périodes économiques. Le confinement s’est transformé en Trente Glorieuses inversées, où la crise économico-sociale est devenue une ressource pour ceux qui savent tirer leur épingle du jeu. 

Mais ne faut-il pas imaginer que la communauté internationale exige que ces bénéfices contribuent, d’une manière ou d’une autre, eux-aussi à l’effort de guerre ? 

En effet, ce n’est pas le nombre d’enquêtes, de documents, de cartes, de rapports, de témoignages, de documentaires qui manque : les inégalités sociales et territoriales ont explosé ces dernières années, dans les pays occidentaux comme dans le reste du monde, en parallèle d’une concentration exacerbée des richesses créées. Il semble aujourd’hui plus qu’évident que la redistribution des richesses constitue le principal levier d’action en faveur de la lutte contre les déterminismes sociaux, contre le chômage et la pauvreté, le mal logement, etc. 

Une telle mobilisation des richesses aurait le mérite de n’affaiblir aucun marché ni aucune entreprise. Amazon, Facebook, Microsotf et les autres sont encore des entreprises en excellente santé, dans des secteurs d’avenir. Ces profits bonus sont par conséquent des pics inattendus sur des courbes perturbées par une crise, par définition temporaire. La redistribution ciblée se profile alors, non pas comme une spoliation, mais comme une ponction exceptionnelle de bénéfices exceptionnels. 

L’Union européenne a besoin de promouvoir la solidarité 

Ainsi, à l’heure où la mondialisation fait débat, il est plus qu’urgent que les organisations internationales s’adaptent à la nouvelle donne économique. La fiscalité nationale souffre de ses propres limites avec la propagation du dumpingfiscal, et l’Union européenne doit se doter de pouvoirs plus importants en matière de fiscalité internationale, en période stable, et surtout en période de crise. 

Pour se légitimer, l’UE a besoin d’exister autrement que dans l’encadrement des échanges. Elle doit être capable d’incarner un levier de développement économique et social ancré dans les territoires européens, tout en les ouvrant aux échelles internationales intra-européennes et mondiales, dans un contexte où elle devient le coupable idéal des différents mouvements réactionnaires européens. 

L’Union européenne pourrait alors capter une part de ces bénéfices exceptionnels – circonscrit aux États membres – et opérer, comme dans les politiques territoriales françaises, une forme de péréquation entre les États, accompagnée d’un diagnostic des effets de la crise selon les pays, voire selon les régions, échelle plébiscitée par l’Union Européenne.

Ces fonds exceptionnels alloués et gérés par l’Union européenne, sous le contrôle de la Commission et du Parlement, cibleraient autant l’aide au développement des services publics, la politique de santé, le développement économique, social et culturel, le soutien aux projets industriels et technologiques européens, les projets transfrontaliers, et des politiques ciblées pour les pays du Sud de l’Europe principalement concernés par l’absence d’une véritable politique migratoire européenne.

Pour la coopération

Il s’agit donc en somme de faire coopérer les États et les institutions internationales en faveur de la redistribution des richesses créées, pour répondre aux grands enjeux socio-économiques qui, chaque jour, concernent de plus en plus les peuples. Sans rentrer dans une critique pour ou contre la mondialisation, qui s’incarne encore dans des positionnements idéologiques, il est aujourd’hui inéluctable d’adapter l’action publique aux échelles nouvelles, en termes de concepts et de méthodes.

Romain Labiaule
Diplômé en urbanisme
Membre de Synopia Jeunes

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