Si le COVID-19 a eu un mérite pour les jeunes générations et toutes les autres d’ailleurs, c’est bien celui d’appuyer sur le bouton pause et de permettre à chacun de faire une pause dans l’effervescence d’une vie qui tournait à mille à l’heure. Peu importe si nous étions en vacances ou au travail, nous sortions toujours essorés, rarement reposés et nous n’avions pas vraiment le temps de réfléchir au sens de nos actions, de notre vie en général.
De même, la période du confinement nous a rappelé la chance que nous avons de profiter de notre liberté lorsque nous ne sommes pas confinés : les frontières n’existaient plus ou quasiment plus, et nous pouvions aller partout, n’importe quand, avec n’importe qui !
Cependant, cette période qui se résume à « 4 murs et un miroir » a permis de mettre un mot sur notre mal-être, qui est la quête de sens. Oui, la génération milléniale veut redonner du sens à ses actions. Mais jusqu’à présent, elle n’avait pas le temps de se demander comment et où trouver ce sens.
Notre génération ne veut pas créer un nouveau monde. Notre génération veut seulement que dans notre monde, le temps long soit retrouvé et rempli de son sens. De même, outre le mot sens, notre génération appelle à la responsabilité.
La crise du COVID-19 a mis en lumière deux acteurs clefs : l’État et son écosystème ; et l’entreprise. Nous avons des choses à leur dire.
- L’État
La crise a permis de montrer le rôle et la fonction de chacune de nos institutions. Le droit administratif et les lourdeurs administratives sont mis en exergue à travers leur pratique sur le terrain, que nous découvrons pour beaucoup ! Nous avons re-découvert le rôle d’un préfet, d’un maire, d’une collectivité, d’un service public. Tout comme celui d’un ministre de la santé ou du travail, d’un Premier ministre et d’un Président de la République.
De même, notre génération qui pratiquait souvent l’abstention, commence à comprendre l’importance du vote et la nécessité de s’impliquer dans son quartier, dans sa ville ou tout simplement auprès de ses voisins.
Mais la grande difficulté qu’il faudra surmonter, c’est le déficit de confiance à deux niveaux : des gouvernés envers leurs gouvernants ; et des gouvernants envers les gouvernés.
Si le pays est en guerre comme l’a déclaré le Président de la République en mars dernier, alors les institutions doivent mobiliser les citoyens dans l’effort de guerre. Pas simplement en leur ordonnant de rester chez eux confinés, mais en faisant appel aux talents, aux bonnes volontés, aux savoir-faire de millions de gens prêts à aider, à participer. Ce fut le cas en 1792 à la veille de la guerre contre la Prusse : l’État, à court de poudre à canon, s’est tourné vers les citoyens français et leur a demandé de gratter le salpêtre de leur cave pour fournir la poudre en quantité suffisante. Dans cet exemple, l’État s’est appuyé sur sa population, il lui a fait confiance. 228 ans plus tard, en 2020, l’État français devrait être capable de cette même humilité et acte de confiance.
D’autant plus que les citoyens français ont démontré leur volonté de se mobiliser pendant la crise : beaucoup d’associations ont été spontanément créées pour fabriquer des masques ou fournir de la nourriture aux hôpitaux ou plus démunis.
L’État est là pour nous protéger, mais ne doit plus être patriarche. Il doit permettre aux citoyens de participer à l’effort de guerre. Le déconfinement pourrait être le moment opportun de faire confiance à la population et de l’impliquer dans cette période, autrement qu’en exigeant le respect des règles barrières.
Nous avons besoin d’une gouvernance à vision longue qui ne doit pas être uniquement guidée par les élections.
Pour que le déconfinement soit un succès, les maires, les présidents de Conseils Départements et Régionaux, les préfets, les Recteurs et Inspecteurs d’Académie, les Administrateurs Généraux des finances publiques, en d’autres termes tous les acteurs de l’action publique doivent travailler ensemble, mais aussi s’appuyer sur les populations et leur bonne volonté.
L’aspect le plus abouti et le plus efficace de l’exercice du pouvoir consiste toujours et avant toute autre priorité à se mettre en situation de le partager, dans un rôle fédérateur et de complémentarité des compétences et des services rendus au bénéfice de tous.
C’est précisément ce qui a présidé, par exemple, à l’option privilégiée de faire du « binôme » maires/préfets, un vecteur prioritaire mis au service de nos concitoyens, en y intégrant le souci permanent de la proximité, de l’adaptation aux conditions locales et de confiance placée dans les acteurs de terrain.
Plusieurs options s’offrent aux acteurs de l’action publique pour associer plus étroitement et en bonne intelligence les citoyens :
- Services civiques : créer des services civiques au sein des mairies et des collectivités locales, pour aider les populations les plus faibles, et assurer, par exemple, la livraison des repas aux personnes âgées, ou bien la garde des enfants pour le personnel soignant.
- La communication : les collectivités locales doivent être présentes sur les réseaux sociaux pour informer les citoyens des initiatives locales, et pour recueillir leur avis en les faisant participer à des sondages sur des sujets d’intérêt local ou régional.
- Société civile et intelligence collective : les collectivités peuvent s’appuyer sur le tissu associatif de leur territoire afin de co-construire avec la société civile des solutions pour le déconfinement.
- Les entreprises
L’entreprise sera durablement transformée par cette crise. S’il ne s’agit pas de créer un nouveau monde de l’entreprise, il convient aujourd’hui plus que jamais de s’appuyer sur de nouvelles méthodes de travail.
Cette crise permet de mettre en avant les mauvaises pratiques de certaines entreprises : usage abusif du chômage partiel, excès des réunionites, mauvaise ou non-communication des objectifs à atteindre, management top-down et sans concertation. Il est certain qu’en sortie de crise, nous ne voudrons plus de cette organisation. Nous souhaiterons retrouver un équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle ; nous ne voudrons plus être dominés par un agenda rempli de réunions qui n’aboutissent pas, ni par les bas de ligne des tableaux Excel ou le reporting à 3 mois qui guident les orientations de l’entreprise.
Il faudra donc aménager les horaires et les modes de travail pour permettre à chacun d’utiliser au mieux son temps. Par exemple, le télétravail et/ou les horaires décalées pourraient devenir la règle (pendant le déconfinement et après) pour les personnes qui habitent loin de leur lieu de travail, pour leur éviter le malaise des transports en commun bondés aux heures de pointe.
L’entreprise regroupe une communauté de membres, tous engagés vers la réussite et l’atteinte de ses objectifs, mais tous différents, de par leur personnalité, leurs compétences, leur expérience. Il y a donc grand profit pour l’entreprise à bien élaborer sa raison d’être, le sens de son action ainsi que la meilleure stratégie à mettre en œuvre à cet effet. Mais il est au moins aussi important de partager ces grands principes avec le personnel, de bien définir la part qui revient à chacun, selon ses talents, et d’obtenir ainsi l’adhésion de chacun et chacune, c’est-à-dire de tous.
Tout comme l’État doit accorder sa confiance aux citoyens, les entreprises doivent accorder la leur à leurs employés en leur permettant d’organiser au mieux et en bonne intelligence leur temps et leur mode de travail, mais aussi en les impliquant davantage dans les processus de prises de décision.
Plusieurs options peuvent être étudiées, parmi lesquelles :
- Partage de la valeur : les entreprises pourraient créer un guide des bonnes pratiques qui remettrait au centre le citoyen et offrirait une vision différente sur le partage de la valeur au sein de l’entreprise. Par exemple, le bien-être au travail deviendrait un chantier prioritaire dans toutes les entreprises, serait pris en compte comme un indicateur financier tout au long de l’année et présenté au conseil d’administration. Le bilan d’une entreprise prendra en compte la performance financière au même titre que la performance sociale.
- Raison d’être : l’entreprise doit créer une raison d’être et obtenir l’adhésion de toutes ses parties prenantes. Celle-ci permettra de générer la confiance qui est une condition du succès.
- Télétravail : l’entreprise doit veiller au respect de la frontière entre la vie professionnelle et personnelle. Le droit à la déconnection devra être respecté et les réunions après une certaine heure devront être interdites, sauf cas exceptionnel.
- Crise sanitaire et actions rapides : un guide des bonnes pratiques devra être mis en place concernant les enjeux sanitaires, et les employés devront être formés et sensibilisés à ces enjeux avant un retour sur le lieu de travail. Dans un esprit de respect et de confiance mutuelle, un employé présentant des symptômes du coronavirus devra en informer son manager au plus tôt afin qu’il puisse confiner son équipe pour une période de deux semaines, sans avoir peur de perdre son travail.
- Entreprise solidaire : l’entreprise doit mettre en avant les actions de solidarité conduite pendant la crise sanitaire, pour renforcer le lien de confiance au sein de l’entreprise.
- Intelligence collective : la co-construction devra être mise au centre du management pour obtenir une meilleure participation de tous.
- La nécessité d’un lien de confiance
Que ce soit pour l’entreprise ou l’action publique, l’obtention de la confiance des salariés ou des citoyens constitue un facteur déterminant du succès. Il y a en effet un lien direct entre la confiance, la cohésion et la qualité des résultats obtenus. Mais la confiance n’est jamais simple à obtenir et doit être préservée par tous les moyens. Elle ne se décrète pas, mais se construit et se constate.
Le problème est le suivant : aujourd’hui, personne ne fait confiance à personne. Nous sommes dans un système de défiance généralisée, ce qui explique en grande partie les difficultés que rencontrent l’État et l’action publique en générale pour susciter l’adhésion des citoyens. L’État n’a pas non plus assez confiance dans ses citoyens, tout comme l’entreprise ne fait pas assez confiance à ses salariés. Cette défiance conduit à une société dans laquelle la sanction et la réprimande deviennent la norme.
Si la défiance est un cercle vicieux, la confiance est, en revanche, un cercle vertueux. Dans l’état actuel des choses, il appartient à l’Autorité, ici l’État et les entreprises, de faire le premier pas. En d’autres termes, il faut que ceux qui dirigent fassent le pari de la confiance et de la responsabilité. Gageons que la confiance est une vertu contagieuse. Les citoyens et les salariés (qui sont, au final, une seule et même personne) seront plus enclins à faire confiance à ceux qui les dirigent si ces derniers leur accordent en premier leur confiance et les engagent à être plus responsables.
La démocratie est le système politique dans lequel la confiance réciproque et la responsabilité individuelle et collective sont essentielles. En nous faisant confiance, vous dirigeants, nous rendez responsables de nous-mêmes et des autres. En nous faisant confiance, vous nous faites prendre conscience de la place que nous occupons dans le système et des conséquences de nos actions sur l’ensemble de la société. En nous faisant confiance, vous permettez qu’à notre tour, le moment venu, nous vous fassions confiance.
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Ce n’est pas la première crise économique que nous vivons et nous n’avons pas peur de ce qui nous attend. Wuhan n’est pas Chicxulub, la météorite qui a provoqué l’extinction des dinosaures. Laissez-nous rêver, ne parlez pas d’un nouveau monde, nos dinosaures savent se remettre en question et font partie de notre monde et de celui de demain. En lieu et place du célèbre « c’était mieux avant », tentons d’adopter une nouvelle formule plus optimiste : « ce sera encore mieux demain ».
Cette pandémie, nous permet de créer notre chemin et de remettre au centre l’importance du bien-être personnel et environnemental. Le mot famille a retrouvé aussi tout son sens et sa place centrale. Il était temps.
Enfin, pour finir sur une touche plus légère, nous conseillons aux générations à venir de choisir leur conjoint/conjointe avec des qualités en bricolage, de cuisine, et d’humour, pour assurer les prochains confinements de manière sereine.
Laura Schaub, 29 ans.
Joséphine Staron, 27 ans.
Membres de Synopia Jeunes.