« Pour une révolution de la gouvernance territoriale », par le GT Territoires de Synopia

Retrouvez cette tribune publiée le 23 janvier 2023 dans la Revue politique et parlementaire.

Qui n’a pas glosé sur le mille-feuille territorial ? Ainsi désigne-t-on, de façon très parlante, l’empilement des collectivités successives qui gouvernent la France métropolitaine : commune, communauté de communes, département, région, État, Union européenne, sans parler de Territoire, Syndicats mixtes, etc.

Vue d‘en bas, cette « pâtisserie » brouille la perception qu’a le citoyen du rôle de ses élus. Mieux : il lui attribue la cause d’une inefficacité croissante de l’action publique perçue à son niveau.

Vue d’en haut, cette organisation est à la source de gabegie, de redondances d’actions, de doublons de moyens, et finalement d’atomisation de la compétence ayant pour conséquence des erreurs, du gâchis, du temps perdu, etc.

Vécu de l’intérieur enfin, le mille-feuille a le goût du « biscuit » des rémunérations et autres défraiements qui peuvent être partagés entre toujours plus de fonctions d’élus ou de mandats d’élus. Nous pourrions aussi le comparer à un fromage capable de nourrir sans limite les appétits de tous.

Le mille-feuille est, en effet, le plus souvent assorti d’une clause de compétence générale qui permet à tous de s’occuper de tout, pourvu que ce soit tous ensemble ! C’est donc tous ensemble que les élus doivent organiser le partage de la manne, c’est-à-dire la distribution de l’argent public.

Du fait de ce morcellement du « pouvoir », aucun acteur du mille-feuille n’est véritablement responsable de la situation qui en résulte dans son fief, sauf si elle est bonne pour lui, bien entendu.

Une décentralisation inégalitaire, opacifiante, et dans l’impasse

Dans les Notes Synopia n°14 (janvier 2021) et n°16 (juillet 2021), nous décrivions combien la décentralisation des compétences de décision et la déconcentration du pouvoir de l’État n’étaient plus adaptées à la société et au monde actuels ; et nous faisions remarquer le bilan mitigé, depuis les années 1990, de ces choix de gouvernance territoriale.

Aujourd’hui, nous sommes face à une contradiction majeure entre, d’un côté, des voix s’élevant pour plus de décentralisation, et de l’autre, une demande réapparue avec la crise sanitaire puis de l’énergie, d’un État fort, protégeant de tout, et garantissant l’égalité de traitement des citoyens.

C’est donc bien à une décentralisation inégalitaire, opaque, brouillonne, et loin du citoyen qu’il faut s’attaquer, d’autant qu’elle ne semble même pas satisfaire les élus eux-mêmes.

Or, dès que l’on modifie un des éléments de cette organisation, une réaction en chaîne se développe, et il faut modifier d’autres éléments, qui, à leur tour, entrainent d’autres modifications, jusqu’à ce qu’un autre état d’équilibre soit atteint. Et la probabilité est forte que le nouvel état obtenu après cette cascade de réformes soit plus complexe que le précédent. C’est ce qui explique l’échec des tentatives de réforme du système.

Face à cette situation quasi inextricable, il vaut mieux changer de méthode et construire, par la pensée, une nouvelle architecture pour aujourd’hui, correspondant aux questions à résoudre, à l’état actuel des techniques et de l’économie, et au fonctionnement de la société.

Dans un second temps, il faudra envisager le moyen de passer de l’architecture actuelle à l’architecture imaginée, tout en suscitant une dynamique positive.

C’est dans cet esprit que nous avons élaboré un nouveau schéma définissant les collectivités en charge, autour de huit propositions majeures :

  1. Il ne devrait y avoir de place que pour deux niveaux de collectivités territoriales en France, à la place des 4 niveaux existants : une collectivité de proximité et une collectivité de cohérence territoriale.
  2. Ces conseils ou assemblées auraient un pouvoir de choix réel sur plus de la moitié de leur budget annuel. Leurs membres seraient élus au suffrage direct.
  3. Nous identifions 20 à 24 agglomérations urbaines comme métropoles incluant toutes les communes préexistantes. Elles seraient gouvernées par une seule collectivité, si besoin à deux niveaux, à l’image de Paris ou Lyon aujourd’hui.
  4. Le reste du pays serait organisé en blocs communaux au 1er niveau de collectivités, et en districts territoriaux au 2ème
  5. L’organisation des blocs communaux – à définir à partir des actuelles communautés de communes ou d’agglomérations – respecteraient les principes de proximité (maintien de l’équivalent du maire des communes actuelles) et de frugalité des moyens (la préférence est donnée à l’utilisation des services déconcentrés de l’État ou ceux des nouveaux districts territoriaux).
  6. Les districts territoriaux regrouperaient en moyenne 3 départements actuels, soit 30 districts. Leur gouvernance, indépendante de celle des métropoles, favorisera le dialogue local sur les questions fondamentales de développement économique et urbain.
  7. Les services déconcentrés de l’État seraient déployés progressivement, en homothétie avec cette nouvelle organisation des collectivités locales, et en visant une harmonisation statutaire des agents.
  8. De plus, l’État stratège pourra compléter le nouveau dispositif en s’appuyant sur 7 ou 8 « ministres délégués à un territoire », exerçant dans les plus grandes métropoles, et garants des principaux enjeux de cohérence nationale.

Ce travail est publié à ce stade pour être l’objet d’examen critique et de débat, pourvu que l’esprit ainsi décrit de la réforme proposée soit partagé. Ensuite, les règles de scrutins électifs ainsi que les modalités de désignation et d’attribution du pouvoir exécutif des nouvelles collectivités de gouvernement local, devront être définies. Tout comme les compétences administratives, la fiscalité et le pouvoir budgétaire. L’objectif est d’être en capacité de formuler un véritable un scénario de mise en œuvre de la réforme pour mettre en place, progressivement s’il le faut, ce nouveau système de gouvernance.

Le groupe de réflexion « Territoires » de Synopia :

Xavier D’AUDREGNIES : membre de Synopia

Jacques GÉRAULT : préfet de Région honoraire, membre de Synopia

François JOLLIVET : ancien cadre supérieur de collectivité territoriale, membre de Synopia

François LACOSTE : président de NSE Participations, membre de Synopia

Xavier MARCHAL : ancien dirigeant de Naval group, membre de Synopia

Patrice MOLLE : préfet honoraire, membre de Synopia

Christophe PIZZI : membre de Synopia

Éric SEYNAVE : ancien Directeur général de Findus France et adjoint au maire de St Cloud (1996-2020), Membre de Synopia

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