Tribune d’A. Malafaye : « Le renouveau démocratique passera par la révolution de nos systèmes de vote »

Le 15 novembre 2016 dans le Huffington Post

La France a connu l’instabilité gouvernementale et l’émiettement des ses partis politiques avec l’effet des scrutins nationaux à la proportionnelle en vigueur sous la IVeRépublique. En réaction, les Constituants de 1958 ont voulu s’inscrire dans le cadre du « parlementarisme rationalisé » et instaurer le scrutin majoritaire à deux tours afin que se dégage une majorité bien identifiée à l’Assemblée nationale, et ainsi garantir la continuité de l’action gouvernementale. De la même façon, le besoin de stabilité a guidé le choix des systèmes électoraux de la plupart des « vieilles » démocraties occidentales: scrutin majoritaire à un tour en Grande-Bretagne, mixte majoritaire et proportionnel en Allemagne, proportionnel à bonus en Italie, etc. Beaucoup d’autres pays – nordiques en particulier – s’en tiennent à une représentation proportionnelle en jouant sur le niveau des seuils afin d’éviter une trop grande dispersion.

Le scrutin proportionnel et son mode d’élection plurinominale, par liste, induit cependant une dépersonnalisation de l’élection au profit des partis politiques: on ne vote plus pour une personne mais pour un parti, ce qui renforce le sentiment d’éloignement entre les citoyens et leurs représentants.

De plus, le discrédit des élus en place, la fissuration des partis de gouvernement et la naissance de formations protestataires dans les grands pays conduisent à se demander si la mise en œuvre de la représentation proportionnelle ne serait pas source « d’ingouvernabilité ». D’ou la réticence de la classe politique qui n’envisage la proportionnelle qu’à petite « dose ».

Par conséquent, pour résorber le seul véritable vote protestataire – l’abstention–, il devient urgent de moderniser nos façons de voter, afin de renouer le lien démocratique, tout en imaginant des solutions qui ne paralyseront pas le pays.

Vote blanc et/ou vote obligatoire?

Comptabiliser le vote blanc implique de lui donner une valeur et de lui attribuer un vrai pouvoir de sanction. À elle seule, cette mesure phare rendrait à la démocratie française son caractère authentique et permettrait enfin l’avènement d’un vrai gouvernement « du peuple par le peuple, pour le peuple ».

Chaque citoyen doit disposer du choix de voter pour un candidat, ou de rejeter l’offre politique dans son ensemble si elle ne lui convient. Sinon, la réalité s’apparente à un déni de démocratie.

Le vote blanc doit donc être pris en compte en tant que suffrage exprimé et comptabilisé dans le décompte du scrutin. Si le nombre de votes blancs dépasse le seuil de 30%, l’élection doit être invalidée (sous réserve qu’il reste au moins deux candidats en lice. S’il n’y en a qu’un, c’est la majorité des suffrages exprimés qui compte).

En cas d’invalidation du scrutin, un gouvernement provisoire serait chargé de gérer les affaires courantes du pays et, après un délai raisonnable, un nouveau scrutin serait organisé.

La question du vote blanc, s’il est comptabilisé, pose celle du vote obligatoire. En effet, si l’électeur dispose de la faculté de faire entendre son désappointement vis-à-vis de toutes les offres politiques qui lui sont faites, il n’a en toute logique plus aucun motif valable de s’abstenir. Cependant, l’adhésion vaut mieux que la coercition et le devoir électoral ne doit pas s’apparenter à une corvée, ni à une nouvelle contrainte. L’expérience de ce qui se passe dans d’autres démocraties tend à démontrer que l’instauration du vote obligatoire semble utile pour des pays jeunes qui ont besoin de construire un réflexe démocratique, mais non pour le réparer.

Le vote blanc se suffit à lui-même, et il n’est pas nécessaire de le coupler au vote obligatoire.

Le scrutin idéal pour la mise en œuvre du vote blanc est celui de l’élection présidentielle. Il pourra ensuite être décliné aux scrutins municipaux. En revanche, ce mode semble peu approprié aux élections législatives, ou aux élections de listes.

Un nouveau système d’élection des députés: le Vote Unique Transférable

La reconstruction du lien démocratique passera par l’instauration d’un mode de scrutin qui légitime davantage les députés et soit fidèle aux choix des électeurs. Ces derniers sont exaspérés de devoir « consommer » une offre politique imposée par le haut, avec un choix restreint qui ne reflète que très partiellement leur sensibilité (on peut être de droite et avoir une conscience écologiste, ou encore être de gauche et ne pas rejeter en bloc l’idée du libéralisme).

Le scrutin à Vote Unique Transférable permet une bien meilleure représentation des électeurs et de leurs idées. Connu en anglais sous l’acronyme STV (Single Transferable Vote), il est fréquemment utilisé dans le monde anglo-saxon, en Irlande, en Australie et aussi à Malte.

Ce système de vote prévoit un scrutin uninominal à un seul tour. L’électeur indique sur son bulletin de vote, en face du nom des candidats un numéro (1, 2, 3, etc.) qui correspond à son ordre de préférence dédits candidats. Au moment du dépouillement et après calcul d’un quota propre au périmètre du scrutin, si le choix numéro 1 de l’électeur est, soit déjà élu (parce qu’ayant obtenu un score égale au supérieur au quota), soit éliminé (en raison d’un score trop faible), c’est son second choix qui est pris en compte, et ainsi de suite.

En pratique, ce système fonctionne bien s’il y a entre deux à cinq sièges à attribuer. Sa mise en place en France imposera une réduction du nombre des circonscriptions. La proposition consiste à simplifier et à stabiliser la carte des territoires des députés en ramenant les 577 circonscriptions actuelles à une centaine de circonscriptions électorales, pour un total de 300 à 400 députés.

L’un des grands avantages du système est d’éviter que les partis distribuent les places éligibles. L’électeur peut voter pour le candidat qu’il préfère, sans qu’on lui impose une liste entière.

Le scrutin le plus favorable pour que le système du VUT produise ses meilleurs effets est l’élection des députés.

Le VUT favorisera une recomposition salutaire des positions actuelles à l’Assemblée nationale et l’émergence de nouvelles formations politiques. Accessoirement, il aura pour mérite de mettre « à la retraite » ceux qui encombrent le paysage politique au delà d’une durée et d’un âge raisonnables.

Ce système de scrutin induira la formation d’alliances antérieures ou postérieures au scrutin, tout en évitant les dangers et les pièges de la proportionnelle intégrale. Une telle mesure nous paraît d’autant plus indispensable que ladite recomposition est déjà d’actualité: à gauche comme à droite, les clivages recoupent de moins en moins les appartenances partisanes.

Le citoyen ne peut plus laisser cette recomposition s’opérer entre élus, au gré de leurs intérêts propres. C’est des urnes que doivent sortir les nouvelles tendances et alliances politiques.

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