Le 14 juillet 2016 dans le Huffington Post
Les objectifs de dé-carriérisation de la classe politique, d’efficacité de l’action de l’État et de recréation du lien démocratique concernent au premier chef le Parlement, dans sa composition, son fonctionnement et ses missions.
Réduire le nombre de parlementaires
Il existe un consensus sur la nécessité de réduire le nombre de parlementaires, aujourd’hui de 925. Mais il subsiste un gouffre entre le dire et le faire. Nos 577 députés et nos 348 sénateurs ne vont pas facilement accepter de se sacrifier.
Afin de conserver la même proportion de parlementaires entre les deux chambres, nous préconisons la répartition suivante : 340 députés et 200 sénateurs, soit une réduction d’environ 40% par rapport à la situation actuelle.
Pour les députés, le principe de réduction énoncé aura pour effet de faire passer la taille de la circonscription moyenne de 114.000 à 194.000 habitants. Cette augmentation de périmètre est comparable en proportion aux nouvelles régions françaises. Sur le territoire métropolitain, il y avait 22 régions, il n’en subsiste que 13.
S’attaquer aux cumuls
Elle se pose à deux niveaux:
- Le cumul avec d’autres fonctions électives. Ce point a fait l’objet d’une loi organique votée en janvier 2014, applicable à partir de 2017. Il ne faudra pas revenir dessus.
- Le cumul avec d’autres métiers.
Nous avons entendu le point de vue des tenants du cumul et de ses opposants. Nous sommes également sensibles au fait qu’un parlementaire qui exerçait un métier avant son élection puisse vouloir continuer à le pratiquer, à la fois pour des raisons patrimoniales, et également pour être en mesure de se reconvertir le moment venu (et ainsi, ne pas être encouragé à faire carrière).
Mais la fonction de parlementaire n’est pas une fonction à temps partiel, elle exige le meilleur de la part de celui qui l’exerce, tant les enjeux sont grands et nécessitent un investissement total, peu compatible avec un éparpillement professionnel ou la poursuite d’une carrière parallèle (sans parler des possibles conflits d’intérêts).
En outre, nous sommes amenés à constater qu’en dépit des facilités de reconversion offertes par le système, dans leur très grande majorité, les députés et les sénateurs mènent une carrière qui, pour l’essentiel, s’articule autour de la voie parlementaire.
Pour toutes ces raisons, nous pensons que le cumul avec d’autres métiers ne doit pas être autorisé. Tout choix impose des sacrifices. Il n’est toutefois pas interdit de réfléchir à accorder quelques dérogations, car rien n’est plus stupide que de passer d’un système imparfait et en partie dévoyé, à un autre fondé sur le rigorisme le plus fermé. La classe politique a besoin de talents, pas de moines sinistres ! Une commission ad hoc, indépendante et non composée par le personnel politique, pourrait être saisie par les élus nationaux désireux de pratiquer le cumul de métier. Elle examinerait les demandes au cas par cas, en commençant par s’assurer du respect de plusieurs règles ou conditions de base comme, par exemple:
- L’élu a-t-il été parfaitement loyal vis-à-vis de son électorat? En clair, ses électeurs savaient-ils de façon indubitable que leur élu entendait cumuler?
- Le cumul devrait en priorité être justifié par le service de l’intérêt général.
- Le métier objet du cumul ne saurait empiéter plus d’un jour ouvré par semaine, ou cinquante jours ouvrés par an.
Dans tous les autres cas, le cumul des métiers devrait être interdit.
Limiter dans le temps l’exercice des mandats législatifs
Pour l’instant, en France, le seul mandat à connaître une limite est celui du président qui ne peut exercer plus de deux mandats.
En moyenne, les députés font 2,5 mandats consécutifs. Mais ce chiffre raisonnable en apparence, masque une très grande disparité de cas, qui va du député élu une seule fois aux vieux briscards des deux chambres, dont la longévité parlementaire dépasse parfois trente ans. Le turn over naturel des élections ne suffit donc pas à favoriser un renouvellement suffisant de la classe politique. Loin s’en faut.
Or, si nous voulons favoriser le renouvellement, avec l’arrivée d’élus qui connaissent autre chose que la vie politique, et aussi lutter contre la confiscation du pouvoir et la création de baronnies locales, véritables systèmes clientélistes, il devient nécessaire d’instaurer une limite au nombre de mandats qu’un parlementaire, ou qu’un élu investi d’un pouvoir exécutif, peut effectuer.
Nous recommandons de limiter l’exercice d’un mandat législatif à deux mandats consécutifs, encadrés par les dispositions suivantes:
- Après deux mandats à l’Assemblée nationale, pas de possibilité d’enchaîner sur un mandat de sénateur. Et vice versa.
- En revanche, possibilité de rebondir sur un mandat d’élu local ou régional, ou encore de député européen.
- Au terme de deux mandats, pas de possibilité de redevenir parlementaire avant six ans. Un seul et dernier mandat sera alors possible.
- Quand un parlementaire quitte son poste pour devenir ministre, ou secrétaire d’État, interdiction lui sera faite de retrouver son fauteuil en organisant une élection partielle. Il devra patienter jusqu’à la prochaine élection générale.
- Enfin, ne pourront devenir parlementaires les personnes qui n’ont pas exercé d’autres métiers que collaborateur de parlementaire, membre d’un cabinet politique (président de la République, Premier ministre, ministre, maire, président de région), ou salarié d’un parti. L’expérience de la « vraie vie » nous paraît essentielle pour faire partie de la représentation nationale.
Pour être certain de faire aboutir cette indispensable réforme, le prochain président de la République pourrait la faire adopter par référendum dans la foulée de son élection, en juin 2017.
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