Tribune d’A. Malafaye : « Solutions pour une véritable transparence politique »

Le 29 novembre 2016 dans le Huffington Post

Il n’est plus possible de tolérer ces soudaines découvertes d’élus qui ont profité de leur situation pour s’enrichir, via de multiples trafics d’influence et la complicité de tiers. Il n’est pas non plus concevable que des élus s’affranchissent de la fiscalité de notre pays en oubliant de déclarer des revenus, où en réfugiant des capitaux à l’étranger. Il est également incompréhensible que des moyens illicites puissent être utilisés pour financer un parti ou une campagne électorale, alors même que ces financements sont encadrés par la loi. Enfin, il est inacceptable qu’un élu s’adonne au favoritisme, mélange ses intérêts privés avec son activité publique, pratique le gaspillage de deniers publics, ou transgresse les règles de conduite publiques.

Il y a 2000 ans, le poète latin Claudien disait que « le comportement du monarque est la loi sur la terre ». Cela n’a pas changé et les attentes des Français restent très force dans ce domaine. Et pour cause !

Le mot éthique, sous la forme de « charte ou code d’éthique » est fréquemment employé pour un corps social, une population, ou une « entreprise ». Son objet est de décliner les valeurs du groupe et d’en déduire des règles de comportement. Une profession, ou une corporation, s’appuiera plutôt sur un code de déontologie.

Au Canada, il est demandé aux élus d’adhérer aux valeurs de la collectivité (de laquelle ils tirent leur mandat) en matière d’éthique, ainsi que de respecter ses règles de déontologie. Les valeurs touchent au comportement de l’élu, tandis que les règles se concentrent sur les cas de conflits d’intérêt.

En France, grâce à l’amendement Doucet voté en 2013, le code général des collectivités territorial a été doté d’une « charte de l’élu local ». Cette charte énumère en douze points les principes auxquels l’élu doit se conformer, mélange de règles de comportement et d’interdits, mais beaucoup moins détaillés que dans le cas canadien.

De son côté, l’Assemblée nationale a adopté en avril 2011 un « Code de Déontologie » que les députés ont le devoir de respecter. Dans l’esprit, le texte est très proche des prescriptions déontologiques d’une profession, et s’appuie sur une présumée conscience professionnelle. Des prescriptions analogues sont insérées dans le Règlement Général du Bureau du Sénat.

Pour autant, ces documents sont formulés en termes généraux et n’ont pas la précision opérationnelle des codes d’éthique ou de déontologie mis en place dans les pays anglo-saxons. Dans l’ensemble, les dispositifs sont indicatifs, et surtout peu contraignants. Il ne serait pourtant pas très difficile de « changer le cours de l’Histoire ». Ce n’est qu’affaire de volonté politique, et de sincérité.

Une exigence déontologique professionnelle rigoureuse

La Haute Autorité pour le Transparence de la Vie Publique (HATVP) n’a été créée qu’en 2013. Le principe est de disposer d’une référence patrimoniale et de relations d’intérêts préexistantes à l’exercice d’un mandat. L’objectif est de garantir au citoyen la probité des membres du gouvernement et, depuis peu, des responsables exécutifs des principales collectivités territoriales, ainsi que des députés européens. Les députés et sénateurs sont soumis aux mêmes obligations de transparence en vertu du Code électoral.

Deux pistes permettraient de renforcer l’autorité et l’indépendance de cette jeune institution:

  • Être plus précis sur les cas de conflits d’intérêt et – si nécessaire – ajouter un complément règlementaire en ce qui concerne le lobbying auprès des membres du Parlement.
  • Abroger le dispositif de la « réserve parlementaire », ou en réformer profondément le fonctionnement. Par exemple, imaginer que les projets financés soient soumis à un appel à projet, porté par le parlementaire qui le défend et examiné par une commission indépendante comprenant 50% de parlementaires et 50% d’experts indépendants, ou encore comprenant des citoyens tirés au sort.

Une formation obligatoire avant prise de mandat

Tout élu devrait recevoir une formation relative à l’éthique de sa collectivité d’appartenance et à la déontologie de sa profession. Ce que nous préconisons ici ne se trouve pas dans les catalogues des organismes qui se partagent le lucratif marché de la formation des élus locaux. Il s’agit d’établir un corpus de connaissances juridiques et de références morales relatives à la probité et à l’exemplarité, à rassembler dans un « kit de formation » et à adapter en fonction du type de mandat.

Le socle de cette formation serait de rappeler la distinction entre biens et intérêts propres, et tout ce qui relève de la sphère publique, ainsi que tout le cortège judiciaire qui accompagne les prises illégales d’intérêt, les abus de biens collectifs ou sociaux, le trafic d’influence, etc.

Le second volet de cette formation serait constitué par les principes et modalités qui régissent la dépense publique et l’importance des procédures associées, afin de protéger l’ordonnateur contre tout risque d’accusation de subjectivité. L’enseignement devrait inclure des études de cas illustrés d’élus ayant franchi la ligne jaune puis rouge, afin de comprendre où et à quels actes, ou décisions, se sont situées les failles.

La réalisation de ce programme devrait être confié à la HATVP et cette formation dispensée avant la prise de fonction. Elle est indépendante de la « formation professionnelle » telle qu’évoquée ci-avant. Cette obligation concerne aussi les élus nationaux, députés européens, députés et sénateurs, ainsi que les membres du gouvernement.

Un engagement public et solennel

Les Français peuvent se demander en toute légitimité pourquoi la proposition 24 du rapport des députés Doucet /Gosselin (2013) n’a pas été appliquée? Elle a pourtant le mérite d’être claire:« Consacrer les obligations déontologiques des élus locaux dans une charte des droits et des devoirs ayant valeur législative. Prévoir la lecture solennelle de cette charte à l’occasion de chaque renouvellement de l’organe délibérant et de l’exécutif des collectivités ».

Il conviendrait de s’en inspirer pour rendre obligatoire la prestation de serment, prononcé à la maison commune lors de la prise de fonction, de tout élu, ou de tout membre du gouvernement.

Le retour de la confiance entre gouvernants et gouvernés est crucial. Sans confiance, aucun Président, aucun gouvernement, ne parviendra à réformer la France en profondeur. L’engagement clair et net des élus et des décideurs dans une véritable démarche éthique constituerait un pas décisif et peu couteux à mettre en œuvre sur le chemin d’une nouvelle gouvernance. Chiche!

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