Pire que la propagande d’Etat des pays non démocratiques nous devons protéger l’espace public contre une terrible maladie, l’hypnose sociale généralisée. Confinés devant nos télévisions et collés à nos smartphones tels des hères nomophobes, cette hypnose s’infiltre lorsqu’on réside comme vous et moi dans une société ou l’émotion sociale se meut au gré des révélations médiatiques et des vagues de pathos, qu’elles soient propices à la générosité ou au lynchage.
Qu’apporte t’elle comme comorbidité aux risques déjà associés à la pathologie du COVID-19 ? Une épidémie de confusion : la France devrait s’astreindre à la concorde politique généralisée. Je pense l’inverse. La France a besoin de voir les femmes et hommes politiques continuer à défendre leurs idées et de surcroit sur les grandes chaines de télévision puisque fort heureusement elles sont au centre des attentions. Les égouts du numériques toujours prêts à déborder, laissons nos dirigeants brandir leur autorisation de déplacement dérogatoire pour débattre tous ensemble à la télévision ! Saperlipopette, Mélenchon, Le Pen, Jacob, Faure et les autres ne sont pas médecins, que je sache !
L’union sacrée : un compte pour les livres d’histoire
La belle union sacrée dont on aime se convaincre qu’elle aurait un jour existé en France autour du général De Gaulle en juin 1958 alors qu’en réalité le terme fut utilisé pour la première fois à la Chambre des députés le 4 août 1914, par le Président de la République, Raymond Poincaré, dans son message aux Assemblées : « Notre belle et courageuse armée, que la France accompagne aujourd’hui de sa pensée maternelle, s’est levée toute frémissante pour défendre l’honneur du drapeau et le sol de la patrie. La Francesera héroïquement défendue par tous ses fils, dont rien ne brisera devant l’ennemi l’union sacrée. Cette superbe formule sera affaiblie à partir de la fin 1917 par l’évolution de la SFIO, qui passe dans l’opposition. Dans l’histoire récente nonobstant la tentative en 2015 d’un maitre en stratégie politique Jean-Pierre RAFFARIN qui exprima le souhait d’ouvrir un travail collaboratif entre l’opposition parlementaire et l’exécutif qui permettrait d’endiguer les progressions du chômage et du FN en même temp, ni celle-ci ni aucune autre ne fit mouche dans le cœur des professionnels de la chose politique. En termes d’usage de la Chloroquine ou de l’art politique il s’agit de faire totalement l’inverse. Ouvrons le débat. Quels sont les fondements narratifs de ce conte de fée pour enfant consistant à implorer les forces politiques à la câlinothérapie de la babouche gouvernementale. Lors de son allocution aux Français le 16 mars dernier annonçant le confinement, 35 millions de téléspectateurs ont accordé leur attention au Président de la République. Dernièrement, les journalistes spécialistes des médias rapportaient des audiences télévisées impensables depuis les grandes heures de la révolte des gilets jaunes, plaçant parfois les chaines d’information en continue en tête du PAF (Paysage audiovisuel français). Profitons-en !
Le débat : il est indispensable et maintenant pas demain !
En 2017 lors de la campagne présidentielle, nous réclamions avec Alexandre Malafaye, Président du Think Tank Synopia, l’organisation de plusieurs débats avant et après le premier tour de cette élection suprême exprimant ainsi un regard finalement partagé qu’une société hyper-médiatique comme la nôtre et soucieuse de laisser les médias sérieux nourrit par des « pro » d’informer les populations, ne pouvait se contenter de quelques heures d’échanges entre celles et ceux à qui nous allions confier la lourde tâche de gouverner la France. Aujourd’hui aussi je vous implore d’arrêter de vous inoculer un sérum de l’union sacrée. Je le demande une nouvelle fois : sont-ils soignants nos dirigeants politiques ? En abordant de manière digne et républicaine les nombreux sujets qui interrogent et intéressent la France entière, va-t-on empêcher le professeur Philippe Juvin et ses équipes de sauver des vies à l’hôpital Georges Pompidou ?
Parce que les réseaux sociaux encore une fois vont faire d’atroce dégâts.
Juvin et d’autres héros en blouse blanche feront leur travail comme les militaires de la force Barkhane projetés sur la bande sahélo-saharienne continuent inlassablement de nous protéger contre le terrorisme. En organisant à l’initiative des grands médias, des débats entre les grands dirigeants des forces politiques parlementaires la France entendra les arguments des politiques qui nous dirigent au lieu d’écouter les élucubrations de prophètes auto-portés par une compte Facebook sur les réseaux sociaux. Combien de fois faut-il l’écrire, le dire, le hurler. La dernière fois ce fût lors de la catastrophe de l’Usine chimique Lubrizol basée à Rouen. La mauvaise prise en compte des fake news pullulant sur les médias sociaux ont provoqué l’angoisse des populations et leurs nombreuses manifestations de colère vis-à-vis des pouvoirs publics locaux et du pouvoir central parisien. Doit-on encore une fois laisser les réseaux sociaux instiller le seul poison dans l’histoire de la science qui à la fois tue – la capacité réflexive de celui qui le reçoit – et contamine ce même receveur, le transformant par la même occasion en ce que les spécialistes de l’infectiologie désigne par l’expression super-contaminateurs ?
Les audiences sont à un niveau maximal d’attention de la part du public. Faites débattre nos élus en respectant les conditions de protection des journalistes animateurs et des leaders politiques.
Il serait trop tôt pour parler de la gestion de la crise : et qui dit ça ?
Quelques règles sous-tendent la science de la gestion de crise. Ne pas adapter la stratégie n’a jamais été de celles-ci. Au contraire, il est indispensable de mesurer à chaque moment la pertinence des décisions qui ont été prises. Le fameux feed-back, c’est-à-dire l’interprétation des informations qui parviennent en retour des décisions prises par l’Etat-major d’une gestion de crise fonde les méthodes des professionnels de la crise. Pour s’en convaincre relisez le maitre ouvrage de Marc Bloch, « l’Etrange défaite », dont la critique sur l’incapacité de l’Etat major à gérer l’information provenant du terrain est glaçante. Aborder sans détours ne serait-ce que les erreurs qui ont été faites, ou que le grand public pense déceler derrière l’action politique, imprimerait la dimension performative de la bonne foi dans laquelle souhaite se draper tout homme politique en exercice. N’est-ce pas ce qu’à commencé à faire le Premier ministre dans son exercice de communication unanimement salué samedi 28 mars. Pour ma part je n’ai pas envie d’attendre ! j’ai envie d’entendre les arguments de mes dirigeants, « aux manettes » et dans l’opposition sur la fermeture des frontières, les masques, les tests, la sortie de crise, saluer le courage de certains citoyens et blâmer les bassesses des autres….Les difficultés et la réalité devant lesquelles est placé notre pays empêcheraient, lors d’un tel débat, les oppositions de lancer les dés d’un grand Monopoly des propositions impossibles, à l’instar de ce qui se pratique encore en France lors de chaque campagne électorale nationale.
Ainsi, recommandons-nous expressément au gouvernement d’être représenté au plus haut niveau lors de ces débats à organiser urgemment. L’exercice devra être forgé, de la part des chaînes de télévision, avec un protocole tout aussi cérémonial que celui conféré aux débats de la campagne présidentielle, la distanciation sociale et le gel hydroalcoolique en prime de bienvenue aux courageux.
Rappelant les propos de Didier le Bret ancien ambassadeur de France en Haïti durant le séisme de 2010 dans un « Journal du Confinement » édité par Synopia : « Le Président Macron a affirmé avec force qu’il ne laisserait pas s’installer la République des experts. Ce rappel du primat du politique intervient au moment où le doute gagne sur le bien-fondé de l’approche suivie jusque-là. ». Faisons débattre les dirigeants du pays et donnons enfin de la place à la Politique avant que les fiels des théories complotistes du numérique ne s’accumulent dans l’air des foyers confinés et achèvent de polluer un huis-clos psychologiquement difficile dont les effets politiques seraient explosifs une fois les corps retournés à la vie civile.
Jacky ISABELLO
Cofondateur de l’agence de communication Coriolink
Administrateur du think tank Synopia.