Faute d’avoir tenu compte des conditions de sa réélection en 2022 dont il avait promis qu’elles l’obligeaient, faute d’avoir quitté sa posture verticale, faute de respecter la démocratie sociale, Emmanuel Macron s’est de plus en plus isolé et coupé du réel au point où Jupiter est devenu Icare dont les ailes ont fondu en s’approchant du soleil. En décidant avec quelques-uns, de dissoudre l’Assemblée nationale, il a fait un coup qui risque non seulement de lui revenir en boomerang mais surtout de pénaliser lourdement la situation démocratique, sociale et économique du pays.
Ce « one shot » ne se passe apparemment pas comme il espérait. La gauche fait front et n’explose pas (en tout cas maintenant), des républicains rejoignent le RN, les sondages donnent Renaissance en troisième position et nombreux sont celles et ceux, de ce mouvement, qui lui en veulent et commencent à s’émanciper. En quelque sorte, le roi est nu.
Que se passera-t-il le 7 juillet et après ? Au moment où la météo retrouve le soleil, un brouillard épais entoure la politique et l’avenir.
Le pays risque-t-il de glisser vers une démocratie illibérale avec remise en cause de libertés fondamentales ?
Les programmes annoncés vont-ils placer le pays sous surveillance et générer une augmentation des taux d’intérêt puis une purge d’austérité ? Rappelons-nous qu’après 1981 il y a eu 1983 avec désindexation des salaires, gel des conventions collectives et plan dit de rigueur, en fait d’austérité.
Divers scénarii voient le jour : une majorité absolue pour le RN et sa béquille, pas de majorité et une chambre ingouvernable, recherche d’une coalition allant des républicains aux sociaux-démocrates pour ramener de la sagesse, mise en place d’un gouvernement technique dans l’attente d’une nouvelle dissolution dans un an, démission du Président de la République…
La pétaudière n’est donc pas à exclure.
Emmanuel Macron porte une lourde responsabilité même si tout n’a pas commencé en 2017. Au fil du temps, les fractures territoriales et sociales se sont aggravées, nombre d’électeurs ne faisaient plus la différence entre la gauche et la droite, la « mondialisation heureuse » s’est avérée traumatisante en détruisant une partie du tissu industriel. La gauche a oublié la classe ouvrière comme le disait Pierre Mauroy en 2002, la droite a voulu concurrencer le RN. Résultat : un allongement vers les extrêmes du paysage politique.
Sociologiquement, la France n’est pas libérale au sens économique, son peuple attend beaucoup de ses gouvernants, veut des services publics efficaces, est attaché aux valeurs républicaines. Et c’est un peuple politique qui peut être éruptif.
L’oublier, c’est se planter ! Afficher une supériorité et ignorer l’empathie est une faute. Il y a le fond et il y a la forme dont Victor Hugo disait que c’était le fond qui remontait à la surface.
En décidant en petit cercle la dissolution le Président a pris le risque de déclencher tout et n’importe quoi. En a -t-il conscience ? Changera-t-il ? Rien n’est moins sûr.
En affirmant que les résultats des législatives ne seraient « la faute de personne » mais l’expression de la « responsabilité des français », il tente de s’exonérer de ses propres responsabilités et semble dire au peuple : Si c’est ce que vous voulez, je vous le donne ! La raison cède la place au caprice dangereux, le rationnel à l’irrationnel. La démocratie n’est pas un jouet qu’on lance impunément à la figure du peuple. Une vraie responsabilité suppose respect, détermination et écoute. Oui, la raison est un combat.
Jean-Claude Mailly
Vice-président de Synopia