Jérôme FERRIER* répond aux questions posées par l’Amiral (2S) François DUPONT, tous deux membres de Synopia.
1/ S’il n’y avait qu’une chose à retenir de la COP 21 que diriez-vous ?
Un accord encourageant mais l’essentiel est devant nous. Il faut certes se féliciter d’être parvenu à un accord mais pas se réjouir trop vite tant le chemin est encore long pour parvenir aux objectifs. Les cinq années qui viennent seront déterminantes pour la concrétisation des engagements espérés.
2/ Quels sont les trois engagements majeurs du document signé le 12 décembre ?
- Dans le chapitre « Atténuation » (page 6/paragraphe 36) : « Les parties s’engagent à communiquer d’ici à 2020 leurs stratégies de développement à faible émission de gaz à effet de serre à long terme pour le milieu du siècle. » C’est l’un des points clés qui devrait permettre de savoir en 2020 quels seront les objectifs espérés en terme de réduction d’émissions.
- Financement (page 18/paragraphe 115) : « la COP demande fermement aux pays développés d’amplifier leur aide financière en suivant une feuille de route concrète afin d’atteindre l’objectif consistant à dégager ensemble 100 milliards de dollars par an d’ici 2020. » C’est un point essentiel que celui de la contribution financière des pays développés pour aider les pays émergents et vulnérables à réduire leurs propres émissions.
- Annexe (page 23) : « Les parties reconnaissent la priorité fondamentale consistant à protéger la sécurité alimentaire et à venir à bout de la faim, et la vulnérabilité particulière des systèmes de production alimentaire aux effets néfastes des changements climatiques. » Replacer en priorité absolue la satisfaction des besoins alimentaires de la planète constitue un rappel important de l’ordre des priorités qu’il convient de respecter.
3/ quelles sont les forces de ce texte ?
- La signature d’un accord contraignant pour 195 états prêts à s’engager sur une voie vertueuse afin de limiter l’élévation moyenne des températures de la planète constitue en soi une performance.
- L’objectif de maintenir l’élévation de température nettement en dessous des +2°C qui figure dans l’article 2 est un objectif très ambitieux et les moyens d’y parvenir restent à mettre en place.
- Vouloir réunir 100 milliards de dollars par an pour aider au développement énergétique vertueux des pays émergents et vulnérables constitue une vraie avancée.
- L’accent est mis sur l’éducation, la formation, la recherche et l’innovation ainsi que le transfert de technologie.
4/ Quelles sont les faiblesses de ce texte ?
L’accord apparaît comme une succession de bonnes intentions et de déclarations de principe qui reflètent sans doute les difficultés d’obtenir un engagement ferme des parties dès 2015.
- Les réductions des émissions relatives aux engagements des pays notamment les plus pollueurs ne sont ni identifiées ni chiffrées et le calendrier prévisionnel de ces réductions ne sera connu au mieux qu’en 2020.
- Les pays contributeurs et les montants des contributions financières ne sont pas identifiés et ne le seront probablement pas avant 2020. Or sans contribution financière significative pour aider les pays émergents à aborder leur transition énergétique l’accord de 2015 risque de rester inopérant.
5/ En termes d’efficacité de ce texte pour la limitation de l’augmentation de la température quelles sont les échéances à surveiller dans les 15 années à venir ?
A partir de cet accord de Paris, toutes les prochaines réunions des COP à commencer par COP 22 à Marrakech en décembre 2016 seront importantes pour atteindre les objectifs de 2020. L’UNFCCC (United Nations Framework Convention on Climate Change), qui est la composante de l’ONU responsable de l’organisation des COP et de la mise en œuvre de l’accord de Paris, aura la lourde charge de coordonner l’ensemble des initiatives étatiques.
6/ Quels sont les pays qui permettront par leurs actions dans un sens ou dans l’autre que les objectifs soient atteints ?
Il est clair que les politiques énergétiques des principaux contributeurs aux émissions de CO2, notamment les Etats-Unis, le Canada, la Chine et l’Inde seront scrutées pour savoir si les engagements peuvent être atteints. Ils doivent à la fois ne pas interrompre leur développement économique, réduire des émissions devenues intolérables pour leurs populations, et contribuer financièrement au développement vertueux des pays les plus vulnérables. Les orientations définitives de ces pays et de quelques autres pèseront sur la réussite ou l’échec de l’accord de Paris.
7/ Le texte de l’accord ne met pas en avant que les états mais aussi l’action de ce que l’on appelle « les entités non parties ». Comment ces entités non parties pourront-elles être efficaces ?
« Ces entités non parties y compris celles de la société civile, du secteur privé, des institutions financières, des villes et des autres autorités infranationales, devront appuyer des mesures destinées à réduire les émissions et/ou renforcer la résilience et diminuer la vulnérabilité aux effets néfastes des changements climatique », et là intervient la recommandation d’une politique du carbone : « La conférence des parties reconnait combien il importe de fournir des incitations aux activités de réduction des émissions, s’agissant notamment d’outils tels que les politiques nationales et la tarification du carbone. »
Des initiatives sont déjà constatées de la part des sociétés contributives aux émissions acceptant le principe d’une taxe sur le CO2 et intégrant dans leurs projets de développement la prise en compte de niveau de taxe non encore officialisée.
8/ Quel est l’avenir dans les 15/20 prochaines années du gaz, du pétrole, du charbon et du nucléaire ?
Le gaz qui émet deux fois moins de CO2 que le charbon et 30% de moins que le pétrole et qui surtout n’émet aucune particule et très peu de dioxydes de soufre ou d’azote, doit voir son rôle accentué dans les prochaines années. Il s’agit bien de l’énergie fossile la moins contaminante et la moins polluante, seule capable d’accompagner le développement des énergies renouvelables.
Les dernières estimations de l’AIE (Agence Internationale de l’Energie) prévoient que le gaz sera la seule énergie fossile en progression de 21% à 24% d’ici 2030 dans la matrice énergétique mondiale.
A contrario le charbon, dont les effets sur la santé publique sont largement dénoncés, sera en diminution significative malgré une production toujours majoritaire dans la génération électrique en Chine et en Inde. Quant au nucléaire qui combine à la fois indépendance nationale et exemplarité en termes d’émissions, il peut retrouver des partisans en dépit des préoccupations sécuritaires.
Même si le développement des énergies renouvelables est privilégié, le monde aura besoin de toutes les énergies, même s’il conviendra d’encourager certaines au détriment des autres.
* Jérôme Ferrier est Président de l’Association française du gaz.