Parmi les grandes métropoles mondiales, Paris est celle qui compte le moins de taxis par habitant : 3 pour mille habitants, contre 9 à Londres et 12 à New York. Ceci pénalise bien entendu les clients qui peinent à dénicher un taxi, surtout aux heures de pointe, et les dissuade donc de recourir à ce mode de transport. Ceci explique en grande partie le succès fulgurant d’Uber et de ses différentes formules.
Cette situation est également sous-optimale en termes d’emploi : plus de 50 000 emplois pourraient être crées si l’on mettait Paris au niveau de Londres.
Enfin, l’environnement pâtit de ce sous-effectif de taxis, car les automobilistes ont tendance à utiliser davantage leur véhicule personnel, ce qui entraine une moindre fluidité du trafic et un excès de pollution.
Le blocage vient du fait que les chauffeurs de taxi, ayant acquis chèrement leur « plaque » (on parle d’un prix de l’ordre de 200 000 €), ne souhaitent pas voir la valeur de celle-ci se déprécier si la puissance publique augmente le nombre de taxis.
Ce constat est connu de longue date, et une solution simple et élégante avait même été proposée. Dans ses grandes lignes, cette solution peut se décrire ainsi :
Supposons que l’on se fixe comme objectif de doubler le nombre de taxis sans provoquer la colère, certes légitime, des chauffeurs de taxis existants. Pour parvenir à cet objectif, il suffirait que l’Etat rachète l’ensemble des plaques à leur « prix de marché », et remette en vente immédiatement un nombre double de plaques à un prix deux fois moindre. Les taxis existants auraient priorité pour acheter leur nouvelle plaque.
Par exemple, supposons que le prix actuel d’une plaque soit de 200 000 €, et que le nombre en soit de 17 000. L’opération consiste à ce que l’Etat rachète à tous les taxis leur plaque, pour un coût global de 200 000 x 17 000 = 3 400 M€. Il revend instantanément 34 000 plaques au prix unitaire de 100 000 €.
L’opération serait ainsi blanche pour les taxis existants, puisque chacun d’entre eux aurait toujours une plaque rachetée à moitié prix (qu’il pourra revendre lors de son départ à la retraite, ou en cas de changement de situation) et un capital de 100 000 €.
Bien entendu, il est tout à fait possible de retenir un facteur 3 ou 4 au lieu d’un simple doublement, voire de rééditer l’opération de doublement après quelques années.
L’Etat pourrait éventuellement faire un petit bénéfice de l’ordre de quelques pourcent au passage, pour financer le coût de l’opération.
Les avantages d’une telle réforme seraient importants pour tous les acteurs : l’opération serait blanche à la fois pour les taxis existants, et pour l’Etat ; elle accroitrait à l’évidence la satisfaction des consommateurs ; elle créerait quelques dizaines de milliers d’emplois.
Curieusement, cette réforme de bon sens – et gratuite ! – n’a pas été mise en œuvre, alors même que le problème est brûlant depuis plusieurs décennies. En est-il encore temps, alors que la concurrence d’Uber et Uberpop bouleverse le paysage ? Ou peut-être est ce justement l’occasion de la dernière chance ?
Photo : source Ouest France