Synopia a le grand plaisir de vous faire parvenir le deuxième tome des Cahiers de l’Odyssée*.
À travers ce tome 2 des Cahiers de l’Odyssée, Synopia a choisi d’aborder la question de la réforme de l’institution judiciaire, une « révolution » qu’il faut entreprendre sans plus différer ce grand moment de remise en cause et en ordre.
L’urgence à moderniser la Justice est grande et plus encore la nécessité d’accomplir les premiers pas qui retisseront jour après jour le lien de confiance entre la société française et la puissance publique, Justice en tête. Les dix propositions clés qui sont formulées dans ce rapport pourraient se déployer dans des délais raisonnables, sans qu’il soit besoin de réformer la Constitution de la Ve République.
Quant aux propositions nécessitant une réforme de nos institutions, nous espérons qu’elles seront débattues lors de la prochaine campagne des présidentielles. Car le statu quo français n’est plus tenable. Il en va de la capacité réelle de l’institution judiciaire à mener ses missions à bien, à dire – et à bien dire – la Justice. Il en va également de sa crédibilité internationale, au sens de sa capacité d’influence et d’attraction.
LES 10 PROPOSITIONS CLÉS
- Renommer l’actuel ministère de la Justice et revoir son périmètre
Le périmètre de ce nouveau « ministère des politiques publiques judiciaires » serait réduit à la politique pénale, à l’administration pénitentiaire, à la protection judiciaire de la jeunesse et la prévention. Les nominations des juges et le budget des juridictions seraient administrés par le CSM et le budget se trouvera intégré dans le programme « Pouvoirs publics » pour garantir une autonomie budgétaire.
2. Séparer les juges du siège et les magistrats du parquet
Les juges et les procureurs doivent être séparés dès la sortie du centre de formation, et le passage de l’un à l’autre serait réglementé, comme pour le passage de la profession d’avocat à celle de magistrat.
3. Créer un Procureur de la Nation
Le Procureur de la Nation serait désigné par l’Assemblée nationale – après audition des candidats pour une période de sept ans non renouvelable – et mettrait en oeuvre la politique décidée chaque année par le Gouvernement après un débat et un vote au Parlement.
4. Créer un Service d’accès au droit et à la justice
Fonctionnant comme un guichet unique, le Service d’accès au droit et à la justice assurerait un suivi personnalisé durant le parcours judiciaire de la personne du moment de la saisine jusqu’à l’exécution de la décision de justice. Dans un premier temps, il s’agirait d’une plateforme en ligne accessible 7/7 – 24/24 par l’intermédiaire de laquelle « un professionnel du droit » pourrait orienter c’est-à-dire indiquer les options dont dispose le justiciable. Dans un second temps, ce service en ligne devra être complété par l’ouverture d’un lieu physique destiné à l’accueil des citoyens, « à côté de chez eux ». Au début de toute « affaire », le service local d’accès au droit et à la justice aura une double mission :
- Aider le justiciable à formuler son problème et exprimer ses prétentions (il s’agit là d’un véritable travail d’écrivain public, indispensable pour le justiciable).
- Explorer toutes les voies de règlement des litiges, en commençant par les voies amiables et de médiations.
Le Service local d’accès au droit et à la justice devra aider le justiciable dans ses démarches en commençant par voir si une solution existe parmi les multiples systèmes de règlement des conflits non juridictionnels.
5. Différencier le traitement des dossiers au nom de critères transparents et discutés dans chaque juridiction avec les avocats
Pour cela, il faut créer des spécialisations par juridictions réparties dans la France entière et non réservées à quelques grandes métropoles. Il faut ensuite instituer, au sein des juridictions, une tour de contrôle avec à sa tête un juge de l’orientation qui, comme son nom l’indique, orientera les dossiers en fonction de leur complexité et des accords qui auront été arrêtés entre les avocats et le juge. Le juge de l’orientation aura pour responsabilité de fixer, dès l’origine et après consultation des avocats, les délais aux différentes affaires. Un circuit de l’urgence, dans certaines matières, durant l’ensemble du processus judiciaire, de la première instance à la cassation, doit également être inventé avec une obligation en termes de délai pour les juridictions : une affaire réglée en un maximum de 6 mois, cassation comprise, et ce, sans troquer l’urgence contre la qualité.
6. Réunir tous les professionnels du droit au sein d’une même formation
Pour améliorer leur compréhension commune, il faut créer un tronc commun de formation pour les juges, les procureurs et les avocats, avant que ceux-ci ne choisissent telle ou telle profession. Pendant cette formation, tous, quelle que soit la spécialité à laquelle ils se destinent, devront travailler dans un tribunal ou une cour pendant une période relativement longue en qualité d’assistant d’un juge.
7. Réunir tous les professionnels du droit au sein d’une même organisation
Il faut créer une organisation professionnelle d’un nouveau type, à mi-chemin entre un ordre, un syndicat professionnel, et une autorité administrative, qui serait en charge de différentes missions : assurer la tutelle des formations communes, capitaliser les bonnes pratiques, repérer les problèmes structurels méritant des modifications législatives, assurer la représentation des professionnels de la justice française à l’international. Cet organisme pourrait en outre faire office de chambre disciplinaire (au sens déontologique du terme).
8. Communiquer en s’appuyant sur les chefs de juridictions et des porte-parole désignés
La communication de l’institution judiciaire est une exigence démocratique. Chaque juridiction doit expliquer les décisions rendues aux citoyens et la motivation des décisions doit être formulée de manière à être davantage compréhensible. Mais la communication ne peut pas être assurée directement par les juges. Le risque est trop grand de mettre en cause leur impartialité. Ce seraient donc aux chefs de juridictions (président, procureur, premier président, procureur général), et à des porte-paroles nommés dans chaque grande juridiction, d’assurer la communication de la justice. Une des propositions pourrait être de doter chaque grandes juridictions (quinze premiers tribunaux judiciaires) ainsi que toutes les cours d’appel d’un porte-parole.
9. Instaurer un contrôle de qualité du processus judiciaire
La qualité des processus de chaque juridiction française devra être évaluée chaque année, selon deux méthodes :
– Comparer les résultats de l’institution à des standards de qualité élaborés en amont pour chaque partie (acteur) du processus judiciaire, non seulement par des professionnels de la justice (juges, avocats, greffier, huissier, etc.), mais également après une large consultation de la société civile.
– Réaliser une enquête auprès des justiciables, selon une fréquence qui pourrait différer d’une juridiction à l’autre, en fonction de leur taille.
Les résultats seraient rendus publics et accessibles sur les sites internet des juridictions.
10. Créer un organe disciplinaire unique pour les intervenants au processus judiciaire : un Conseil supérieur des professionnels de la justice
Synopia propose de créer, dans le cadre de la grande profession du droit que nous appelons de nos voeux, une Commission unique pour juger les fautes commises dans le cadre d’un procès, pour tous les intervenants (magistrats, avocats, huissiers, etc.) : le Conseil Supérieur des professionnels de la justice.