Nous entrons dans un monde nouveau. Charlie Akbar ! par Alexandre Malafaye

Il y a une semaine, si j’avais publié une tribune avec ce titre, je me serais attiré les foudres de tous les tenants de la pensée unique. De la même façon, si j’avais clairement dit que la France – et pas seulement la France – avait un sérieux problème avec les dérives de l’Islam, autrement nommé Islam radical, l’intelligentsia m’aurait aussitôt assis à la droite de Jean-Marie Le Pen et je serais devenu infréquentable. Enfin, si j’avais osé participer à un grand rassemblement républicain en brandissant sur une pancarte le slogan « Charlie Akbar », pour signifier que la liberté est et restera plus grande que tous les intégrismes, on m’aurait jeté des pierres. Cette fois, rien de tout cela. Le 11 janvier 2015, place de la République, et alors même que notre petit groupe de synopiens défilait pancartes « Charlie Akbar » en mains, nous n’avons croisé que des sourires, des encouragements, des photographes d’un instant. À une exception près. Nous fumes interpellés par un jeune musulman qui nous a jetés un « c’est ça ta liberté ? » glaçant. Mais en ce jour sacré et en ce lieu tellement républicain, notre jeune égaré ne cachait aucune forêt de barbus et l’incident tourna court.

Le 7 janvier 2015 marque un tournant de notre Histoire. Il y avait un avant. Il y aura bien un après.

Mais le parcours vers un monde plus sûr sera long et sinueux. Il faudra beaucoup d’énergie et surtout de courage car, de la prise de conscience citoyenne au passage à l’acte politique, il risque d’y avoir autant de chemin à parcourir qu’entre le Touche pas à mon pote des années 1980 et le Touche pas à mon Charlie, à mon Juif et à mon Flic du 7 janvier 2015.

Déjà, nous devons collectivement accepter de regarder la réalité en face. En nommant notre ennemi. L’Islam radical n’est l’ami d’aucune démocratie. L’Islam radical est politique. C’est un instrument de gouvernance totalitaire, et une arme de combat. Tapi dans les sables, gavé de pétrodollars et mû par un esprit de conquête et de revanche, il tire de nombreuses ficelles, agite et désoriente les esprits de nos jeunes, infiltre notre économie, finance nos détracteurs, compromet notre cohésion nationale et arme nos propres djihadistes.

C’est une guerre, ne le nions plus. Pour preuve, la mobilisation de 10 000 de nos soldats sur le territoire métropolitain pour faire face à la menace. Du jamais vu depuis 1945 ! Quel échec pour la classe politique. Quel fiasco pour l’intégration à la française.

L’autre constat lucide qu’il convient d’opérer sans plus tarder est de nature démographique. En 2060, un siècle après le début des grandes vagues migratoires, la France « caucasienne » et d’origine judéo-chrétienne ne sera plus majoritaire.

Cette tendance lourde ne devrait échapper à personne. Nous pouvons redouter qu’elle soit parfaitement intégrée dans l’équation de ceux qui mènent cette guerre contre nous. Hélas ! en démocratie, le temps long s’accorde mal avec celui de la politique qui est, par nature, centré sur des élections et des ambitions personnelles. L’autruche gouvernante a jusque-là choisi de regarder ailleurs. C’était avant le choc du 7 janvier 2015.

Le scénario du pire n’est cependant pas la seule option et l’Islam, en France, peut devenir un Islam de paix, de tolérance. La très grande majorité de Musulmans s’inscrit dans ce projet d’une religion intégrée, respectueuse des lois, en accord avec les Droits de l’homme et de la femme, acceptée et non subie, paisible et non prosélyte. Bref, un modèle pour les autres nations musulmanes. Nous ne saurions pourtant nous contenter d’un compromis avec notre sécurité, avec nos valeurs et encore moins avec l’idée que nous nous faisons de la France. Nous ne voulons pas d’une très grande majorité, ni d’un Islam guerrier sur notre sol. La totalité des Musulmans de France doit adhérer aux valeurs de notre Nation et se placer sous l’autorité de la République. Le hashtag #JeSuisKouachi a déjà été partagé plus de 38 000 fois ! Un incendie se combat jusqu’à la dernière braise.

Mais que la classe politique ne se méprenne pas. Dimanche, dans les rues de France, nous étions des millions, Chrétiens, Musulmans, Juifs, athées. Les dirigeants politiques étaient seuls. D’ailleurs, pour la plupart, ils n’étaient pas vraiment Charlie. Leur présence a même agi comme un repoussoir sur beaucoup de nos concitoyens qui n’ont pas accepté ce retournement de veste, cette sordide opération de récupération et se posent, avec les parents d’Ilan Halimi et tant d’autres, une question simple : une telle mobilisation aurait-elle eu lieu s’il n’y avait eu que l’attaque de l’Hyper Casher ?

Ces dirigeants de tous bords, politiques, syndicaux et religieux, sont maintenant placés face à leurs lâchetés et leurs fautes passées. Nous les attendons de pied ferme et nous ne les lâcherons pas. Car nous avons bien l’intention de gagner cette guerre, même si nous avons perdu une première bataille.

Devant nous, une multitude de problèmes à régler.

a) Tout d’abord, avec les extrémistes islamistes et les responsables musulmans de France.
Vis-à-vis des premiers, notre pays doit faire preuve de la plus grande fermeté et, en parallèle, mettre en place une vraie politique de contre radicalisation.
Vis-à-vis des seconds, les dirigeants politiques doivent amener les leaders musulmans à imaginer et mettre en place une organisation vraiment représentative de leur culte en France. Il revient également à ces leaders de se montrer exemplaires et d’effectuer un important travail de fond, qui passe notamment par une nette prise de distance avec les pays pratiquant cet Islam radical dont nous ne voulons pas et que nous devrions tous, Musulmans et non musulmans, condamner avec une absolue fermeté. Un seul exemple. En Arabie saoudite, Raif Badawi, un blogueur qui a critiqué son gouvernement, a été condamné à 1 000 coups de fouets et 10 ans de prison. Afin de ne pas tuer le blasphémateur dès la première séance de flagellation – en place publique -, la justice saoudienne a décidé d’appliquer la sentence sur 20 semaines, au rythme hebdomadaire de 50 coups de fouets. Devant de telles atrocités, commises par un État au nom de leur religion, les Musulmans de France devraient clamer Not in my name !
L’Islam en France doit devenir l’Islam de France.
Dans cette logique, l’objectif que l’autorité politique doit assigner aux responsables musulmans est clair : récupérer tous les « égarés » et parvenir à éradiquer de nos territoires le cancer de l’Islam radical. Oui, il est temps de choisir son camp. C’est tout le sens du mot compatriote.

b) Dans le même temps, le gouvernement se doit de garantir notre sécurité, à commencer par celle des plus exposés. Le sujet pose la question des libertés individuelles et collectives. Dimanche, dans la rue, nous avons assisté à un référendum en faveur de la liberté d’expression. À l’évidence, nous y tenons farouchement. Mais nous n’aurons rien sans contreparties et, sans pour autant tomber dans une dérive à l’Américaine qui conduirait à un « Patriot act » gaulois, le législateur devra prendre des mesures sévères et accorder davantage de moyens à la police et à la justice. Il devra aussi faire appliquer les nouveaux textes en veillant à ce que nous ne retombions pas dans l’angélisme précédant le 7 janvier 2015. Nos adversaires ne sont pas des bisounours barbus et une « libanisation » de la France n’est plus à exclure !
C’est un travail de longue haleine qui devra être poursuivi à froid, bien au-delà de cette séquence émotionnelle.
Le sujet est si important, et les résistances idéologiques tellement nombreuses à l’intérieur de l’appareil politico-judiciaire, que le Président de la République serait bien inspiré de consulter les Français. L’unité nationale, lorsqu’elle s’exprime dans les urnes, par voie référendaire, permet d’imposer des réformes que, par conservatisme ou intérêt, les barons du système refusent obstinément.

c) Même si les enseignants font, pour la plupart, bien leur travail, l’Éducation nationale peut et doit mieux faire. Ce n’est pas qu’une question de moyens. Force est de constater qu’elle a failli dans de nombreux domaines, faute de vision, de cap et de remise en cause. Et soyons sérieux, le débat n’a jamais été de savoir s’il faut noter les élèves avec des couleurs, des lettres ou des chiffres ! N’oublions pas non plus qu’en supprimant le service militaire, les gouvernants d’alors ont détruit l’outil qui nouait un lien solide entre les jeunes et la Nation. Bêtement, rien n’est venu le remplacer et, comme la nature a autant horreur du vide que du néant spirituel enfanté par trop de laïcité, l’espace abandonné a été occupé par les criminels et les fanatiques religieux ou sectaires.
L’éducation, on ne le répètera jamais assez, constitue le socle de la société. L’école et la famille en sont les deux grands protagonistes. Éduquer, quoi qu’en pense Monsieur Rousseau et tous les adeptes du « bon sauvage », c’est aussi tutorer, au sens de faire pousser droit, et la transmission de nos valeurs engage tous les acteurs de la société.

d) À long terme, surtout si l’on ne veut pas vivre dans un pays ultra sécuritaire, c’est bien de la relance de l’économie et de la création de nouvelles richesses dont il s’agit. Avec un projet à la hauteur des défis, compris par tous. Car en vérité, quelles perspectives offrons-nous à notre jeunesse ? Un CDI dans 20 ans ? Un emploi aidé ? Un SMIC qui augmentera de quelques centimes en 2015 ? De multiples passages par la case Pôle emploi, le recours à l’assistanat et le RSA ?
Inutile d’espérer vaincre les criminels et les fanatiques religieux dans ces conditions.
Par chance, le peuple de France n’est pas à une contradiction près. Il y a deux mois, après la mort d’un jeune lors des manifestations de la retenue d’eau de Sivens, les forces de l’ordre faisaient l’objet de toutes les critiques et le ministre de l’Intérieur, cédant à l’émotion populaire, a trouvé judicieux de les désarmer encore un peu.
Dimanche 11 janvier, même les CRS et les tireurs d’élite furent ovationnés. Quel contraste ! Et aujourd’hui, nous nous sentons rassurés par la présence de l’armée devant les écoles et les lieux de cultes juifs. Là encore, quel paradoxe. Alors disons-le franchement. L’esprit de cette soudaine unité nationale autour de nos forces de l’ordre ferait bien de se transposer au monde économique. Il n’est pas trop tard pour « aimer l’entreprise », mais il ne faut plus tarder. Le retour de la prospérité viendra de la croissance, et donc de l’investissement dans la sphère économique. Ou ne viendra pas. À la clef, un seul et unique mot : la confiance.

e) Également face à nous, la question du vivre ensemble et surtout, du comment bien vivre ensemble. Si l’Islam radical constitue bien un péril mortel, nous devons aussi nous confronter à la profonde mutation démographique de notre pays. Un tel changement ne va pas de soi. Il était fou ou irresponsable de le croire. Il doit se penser, s’organiser, se préparer, s’expliquer. Jusqu’à présent, le chantier fut laissé en plan et rien ne va plus. Tous les clignotants sont au rouge et l’idée même de Nation a volé en éclat. Exploités à outrance par les partis politiques, les communautarismes et les corporatismes ont tout à la fois ruiné et brisé le pays. Seul un discours de vérité, prononcé par des leaders politiques qui parlent aux Français dans leur ensemble, et non à un électorat potentiel ou aux clients d’un parti, parviendra à mobiliser notre pays autour de la préparation de son avenir.

f) Enfin, cette page dramatique de notre histoire met plus que jamais en lumière les défaillances graves de la gouvernance publique. On le voit aujourd’hui de façon criante : les gens qui nous gouvernent sont, une fois de plus, dans la réaction. Et, s’ils prennent enfin de bonnes décisions, nous nous en réjouirons. Mais le droit à être bien gouverné, cette exigence légitime du peuple souverain, est un droit à l’action et non à la seule réaction politique. Sans une profonde réforme constitutionnelle, qui fera du droit à être bien gouverné, le moteur et le cadre de l’action politique, aucun dirigeant ne parviendra dans la durée à diriger, réformer et relancer la France.

Espérons que le massacre, le martyr, de Charlie Hebdo, celui de l’Hyper Casher de la porte de Vincennes et l’assassinat de la jeune policière de Montrouge n’auront pas été vain. Nous y veillerons.

Vive la liberté !

Alexandre Malafaye
Président de Synopia

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