« Vers l’Orient compliqué, je m’envolais avec des idées simples ». C’est dans cet état d’esprit, celui de Charles de Gaulle concevant en 1941 la campagne de Syrie, qu’il faudrait penser à la façon de refonder une gouvernance locale pensée dans un monde bien différent de celui d’aujourd’hui. Qui sait, pragmatique comme il l’était, le Général de Gaulle aurait pu commencer à réfléchir ainsi :
- La France n’est plus le pays isolé dans lequel le « Prince » peut organiser son « pré carré » comme il l’entend.
- Le monde s’est accéléré depuis quelques décennies. La transmission des informations, les évolutions des opinions publiques et des alliances, les échanges de biens et de capitaux vont aujourd’hui à une vitesse qui rend inopérante l’organisation française avec ses cinq niveaux d’administration.
- En 50 ans, le niveau d’instruction de Français s’est accru (10 % de bacheliers en 1960…) et les Français sont désormais abreuvés d’informations. Ils souhaitent donner leur avis, participer et l’autorité ne va plus de soi.
- La transition indispensable vers un modèle plus respectueux de l’environnement fait désormais consensus. La gouvernance de demain devra être, structurellement, propice à faire des choix frugaux.
Du bon sens
Parmi d’autres idées simples, il en est deux qui relèvent du bon sens, et qui sont rarement mises en avant :
- L’activité première des collectivités territoriales (et qui occupe l’essentiel de leurs ressources), c’est de procurer des services publics à la population.
- Les citoyens locaux ne sont pas forcément les mieux placés pour décider de ce qui doit se passer sur leur territoire. En effet, les décisions désagréables (implantation d’une décharge, d’une usine chimique, d’une prison ou d’une voie ferrée, etc.) ne font jamais l’objet d’un accueil favorable des populations concernées.
Des pistes de progrès
De ces idées simples, des pistes de progrès se dégagent, pour qui veut s’atteler à la réforme de la gouvernance locale, en alliant efficacité et démocratie :
- Un Etat fort et stratège est nécessaire, y compris au plan local. Cela signifie notamment qu’il faut cesser de le démembrer en multipliant les opérateurs aux statuts divers, agences, offices et autres hauts commissariats, qui disposent des moyens publics sans rendre de comptes au Parlement. Il faut réintégrer les activités de ces opérateurs dans les ministères. Au plan local, un Etat-stratège signifie qu’il faut un représentant de l’Etat fort, qui soit le patron de tous les services de l’Etat.
- Une simplification radicale de l’architecture de la gouvernance locale est indispensable. Sur les quatre niveaux de collectivités, il conviendrait de n’en conserver que deux. En première analyse, la région, à la fois trop loin du terrain, et trop près de Paris n’apporte pas la vision stratégique indispensable qu’elle était censée développer. Le département, solidement ancré dans le paysage, remplit bien et sans bruit son office de délivrance de services publics et de support technique des petites communes ; il faut donc le conserver, quitte à les regrouper par deux ou trois pour plus d’efficacité. Reste le bloc communal : au prix de fusions de communes, surtout en milieu urbain, ce niveau devrait s’affirmer. Les communautés de communes, échelon provisoire et peu démocratique, devrait s’effacer pour laisser la place à des communes de plein exercice.
- Le plein exercice de la démocratie locale suppose que soient reliées les dépenses et les recettes. Il est donc nécessaire de rétablir des impôts locaux assis sur la production, la possession du foncier et la jouissance des services publics. Supprimés pour l’essentiel et c’est regrettable, ces impôts souffraient de ne pas avoir été modernisés dans leur assiette et leurs taux.
- Il faut clarifier la limite entre le pouvoir des élus et celui des fonctionnaires locaux, selon un schéma qui ferait des élus les membres d’un « conseil d’administration » de la collectivité, fixant les décisions stratégiques, et des directeurs des services et leurs cadres le « comité exécutif », chargé de mettre en œuvre les décisions du conseil.
- Il faudrait aussi réfléchir à une organisation unifiée de la gestion des fonctionnaires. Une grande DRH unifiée des hauts fonctionnaires (de l’Etat et des collectivités territoriales) permettrait une répartition des compétences plus agile et serait moins sujette aux critiques.
- Enfin, la démocratie participative doit se développer, mais pour éviter que les exécutifs locaux ne soient, sur chaque décision en jeu, à la fois juge et partie, il est donc nécessaire d’organiser une entité étatique à cette fin. La Commission Nationale du Débat Public (CNDP) pourrait en fournir l’embryon.
Pour imaginer puis mettre en œuvre une organisation territoriale qui soit vraiment au service de nos Concitoyens et de l’ensemble des acteurs économiques et sociaux, face à l’ampleur du chantier, il faut associer l’ensemble des acteurs concernées. C’était l’idée que Synopia avait lancé en 2021 avec le Conseil national de la reconstruction (CNR).
Alexandre Malafaye
Président de Synopia