La dernière enquête BVA résonne du triste son de la corne de l’inquiétude. En effet, 58% des Français déclarent que “Emmanuel Macron et le gouvernement ne s’adaptent pas suffisamment au contexte sanitaire et prennent des décisions incohérentes ou inadaptées”.
Après les annonces par le ministre de la santé Olivier Véran de nouvelles restrictions des libertés dans l’espace public et privé pour contenir la nouvelle propagation du virus, nous pressentons sourdre un sentiment de trop plein qui mène la population française droit vers des chemins de colères dont on n’aimerait pas, du point de vue des pouvoirs publics, qu’ils se “giletsjaunisent” puisque le substantif est désormais admis dans l’univers médiatique. Ou pire encore! Tentons de comprendre le phénomène de pression qui s’exerce sur les tempéraments, Marseille endossant le rôle de première des cités “séparatistes” vis-à-vis des derniers protocoles sanitaires. Jusqu’à quand? Rien ne va plus!
Les annonces du gouvernement, au lieu d’apaiser et de rassurer en démontrant sa capacité à surmonter la crise, hystérisent un peuple qui vomit comme rarement ce “panopticon carcéral” qu’on nomme la réponse sanitaire au virus du CORONAVIRUS! Dans la même enquête BVA, le pourcentage de ceux qui déclarent qu’Emmanuel Macron “sait où il va” chute lourdement par rapport à l’an passé: seuls 30% (-12 points) le déclarent aujourd’hui tandis qu’une forte majorité des Français (70%) a le sentiment qu’Emmanuel Macron “agit au jour le jour”.
Les Français deviennent fous
Les Temps modernes est un film écrit et joué en 1936 par Charlie Chaplin. Il est ouvrier dans une usine. Ne supportant pas les injonctions dénuées de sens du travail à la chaîne, il finit par devenir fou. Les effets secondaires du travail répétitif provoquent chez lui des convulsions. Il se met à asperger d’huile ses compagnons de travail. Force est de constater que la crise sanitaire du Covid-19 ne se résorbant pas, pire elle ouvrirait la tant redoutée deuxième phase, le gouvernement perd la main et provoque une nouvelle forme de jacquerie dans certaines couches les plus urbanisées de la société. Quelle étiologie à ce phénomène, c’est-à-dire l’étude des causes et des facteurs d’une maladie psychiatrique? Il s’agit des effets d’injonctions paradoxales. La science décrivant ainsi le mal: “en anglais, “double bind” est une situation dans laquelle une personne est soumise à deux contraintes ou pressions contradictoires ou incompatibles. Si la personne est ou se sent prisonnière de la situation (notamment un enfant), cela rend le problème insoluble et engendre à la fois troubles et souffrances mentales.” C’est-à-dire tout et son contraire. Ce que vivent les Français déjà très fortement marqués par une période de confinement strict, inattendu et anxiogène.
Injonction dans le domaine sanitaire: les masques, les tests. Mauvais un jour, quintessence le lendemain.
Injonction dans le domaine politique: chahutés entre les prévisions apocalyptiques du Conseil Scientifique et le souhait du gouvernement d’alléger le dispositif. Le concept “vivre avec le virus” a été dégradé à Marseille et ailleurs au profit d’un reconfinement circonstancié et des désidératas de préfets qu’une famélique frontière entre deux départements voisins de quelques centaines de mètres ne protège contre des décisions antinomiques et de surcroît incompréhensibles (ex: piscines du 15e arrondissement de Paris ouvertes mais fermées chez son voisin de quelques centaines de mètres des Hauts-de-Seine).
Injonction dans le domaine économique et social: le taux de chômage et les défaillances d’entreprise devraient atteindre des niveaux records, or le gouvernement ne promet “du sang et des larmes” à personne. Tout va bien dit-on à la marquise du peuple de France. Entre le maintien de la confiance et la dissimulation mensongère le gap est trop large.
Injonction dans la vie quotidienne: tandis que les protocoles sanitaires à l’école s’allègent, les restaurants ferment dans la cité phocéenne et en Guadeloupe.
Injonction de la part des scientifiques et des médecins: les communautés de médecins et de scientifiques s’écharpent sans douceur ni modération. Les unes “raoultiennes”, substantif construit à partir du nom du célèbre patron de l’IHU de Marseille, prônent la baisse d’intensité du virus et une peu probable seconde vague. Dans une récente vidéo, le professeur Raoult réaffirme ses propos tenus ce même mois au Sénat. Selon lui, le virus est en train de muter et est moins dangereux qu’au printemps. “Il y a une augmentation des cas diagnostiqués, sans augmentation du tout de la mort”. De l’autre les “Delfraisso-juviniens”, des professeurs Delfraissy, Président du conseil scientifique et Juvin, chef de service des urgences de l’hôpital européen Georges-Pompidou, adeptes de mesures strictes, redoutent l’arrivée d’une nouvelle surcharge dans les services d’urgence. De son côté, le président de l’ordre des médecins, Patrick Bouet, s’inquiète d’autres mesures totalement incohérentes. Dans le JDD du 27 septembre il redoute un recours excessif aux médecins généralistes du fait de “l’angoisse de la population confrontée à de nombreuses injonctions paradoxales et donc anxiogènes. On demande aux gens de se faire tester mais ils n’y arrivent pas…”.
De sanitaire la crise pourrait devenir institutionnelle
N’en jetons plus, à cela pourraient s’ajouter d’autres injonctions comme la gravité réelle de la maladie: une étude lancée par le London King’s College sur des patients atteints de la Covid-19 suggère qu’une personne atteinte sur 10 sera toujours atteinte de symptômes après 3 semaines. Grippette or not grippette, la question reste en suspens et inquiète!
Tel Dieu avec les hommes qui les “créa à son image” (Genèse 1: 27 – Bible), la sphère dirigeante transfère son incompréhension de la situation pandémique puis de la crise sanitaire à l’ensemble du corps social. A cause des violences enregistrées depuis plusieurs mois par les médias, les Français regrettent de la part de ces derniers un traitement anxiogène et excessif de la crise selon une enquête de l’IFOP parue le 27 septembre, ce qui ne saurait rester sans conséquences électorales à ce degré de maltraitance institutionnelle. Or la situation est inquiétante puisque ni les partis traditionnels de la gauche et de la droite, ni les forces providentielles n’offrent la perspective d’une épiphanie de la part d’un putatif leader capable de mener une campagne gagnante. De plus les Français font grise mine à l’idée de rejouer la finale de 2017. Si “conséquences électorales” signifiait pour les Français de renverser la table politique, de sanitaire la crise deviendrait institutionnelle et en 2022 les tristes passions françaises pourraient figurer ad vitam aeternam dans les livres d’histoire.
Jacky ISABELLO
Fondateur de l’agence de communication CORIOLINK
Administrateur du Think-tank SYNOPIA