Une fois n’est pas coutume, je veux parler de choses qui m’arrivent, personnellement. Le propre des périodes complexes, troublées, c’est d’avoir, face à soi, des parties prenantes qui réclament de la transparence. Cette sacrosainte transparence est multiple, elle relève à la fois de l’exigence, de la démonstration du réel et du besoin de compréhension.
La transparence comme exigence, c’est la dimension transactionnelle, le préalable à une discussion. Mon interlocuteur, quel qu’il soit, pose le postulat que je suis avec lui dans une démarche de transparence. Pour ce qui touche à la démonstration du réel, elle s’apparente plus à une mise en perspective des faits, à l’écriture d’un sens. La compréhension, enfin, entre dans la sphère de la pédagogie, dans une forme d’adaptation du discours.
Une fois ce constat posé, on comprend, très rapidement, les sources d’écueils, les jeux. Répondre à cette inspiration implique un certain nombre de prérequis. En termes transactionnels, il faut que l’autre, cette personne en attente, se pose dans une posture adulte, raisonnée. On ne donne pas de la transparence comme ça, au passage. Il y a une maturité de la décision. La transparence fait peur, c’est comme ça. Dans le réel, il faut donc enlever ce niveau de doute, s’appuyer sur la preuve. Dans la compréhension enfin, il faut assumer, ne pas avoir peur.
Que l’on soit patron d’une TPE ou à la tête d’un exécutif plus large, on s’aperçoit très vite que l’on doit doser le niveau de transparence. Non pas pour tromper, mais pour accompagner. Il faut, a minima, une notion de calendrier, de séquençage, on ne livre pas tout sans mesurer les enjeux de temporalité. Le temps long, en période de crise qui plus est, c’est de la pure fiction, le temps court, c’est une forme de trahison. Il faut laisser le temps du cheminement à ses interlocuteurs, l’ordonner. Le salarié, par exemple, exige la transparence, mais il ne veut pas pour autant d’informations purement anxiogènes. La transparence brute est violente, elle pose un niveau de doute difficilement acceptable. Si l’on était vraiment transparent, alors il faudrait poser ce postulat : « je ne suis pas sûr de la moitié des choses que j’avance » …
Pour mériter la transparence, il faut donc que les parties soient capables de supporter la peur, le doute. C’est un exercice de vérité, rien n’est certain. Le faux est beaucoup plus sûr que le vrai. Il faut agir en pointilliste, donner dans un calendrier choisi et maîtrisé, des points de transparence. Il ne s’agit pas de manipuler, de dissimuler, mais plutôt de refreiner son envie intime de livrer en temps réel une vérité. Il faut comprendre qu’un corps social est en interaction avec les annonces faites, elles ne sont pas neutres. Il faut donc en permanence contextualiser, relier entre eux des éléments pour adresser une vision d’ensemble, non édulcorée, mais sécurisante par son ordonnancement. Donner du sens, encore et toujours.
Christian Pousset,
Président de We’ll, Partenaire de Synopia.