Le 5 avril, l’Organisation mondiale de la santé a félicité l’Espagne pour sa réponse face au coronavirus : le pays est en effet parvenu à faire baisser la courbe des contaminations. Toutefois, l’Espagne reste l’un des pays les plus touchés par le coronavirus.
Le 14 mars, l’exécutif déclarait un état d’alerte au niveau national : la mise en place du confinement fut progressive, d’abord partielle puis totale. Cet état d’alerte doit prendre fin le 26 avril. Selon toute vraisemblance, il sera prolongé. En effet, l’Espagne est le pays qui compte le plus grand nombre de cas de coronavirus après les États-Unis, avec plus de 170 000 personnes infectées. Malgré ce chiffre qui peut sembler inquiétant, depuis plusieurs jours consécutifs l’Espagne connaît une diminution du nombre de nouveau cas. Depuis le 1er avril donc, la tendance est à la baisse. C’est pourquoi, il y a quelques jours, l’exécutif a décidé d’assouplir les mesures de confinement et d’autoriser le travail du personnel essentiel mais aussi d’autres personnels prioritaires.
Cette baisse soudaine du nombre de cas est due à une combinaison d’éléments : une société civile obéissante, des forces de sécurité étatiques efficaces et une action coordonnée des structures de santé qui étaient très plutôt bien préparées.
Selon les statistiques des « rapports sur la mobilité communautaire » publiés par Google, ce sont les Espagnols qui ont le plus réduit leurs déplacements, en respectant les limites imposées par leurs gouvernements, suivis par les Italiens et les Français. C’est la responsabilité et la solidarité individuelle de millions de personnes qui sont parvenus à ralentir la contagion. Les mesures espagnoles sont plus strictes que celles de la France, permettant aux personnes de quitter leur domicile uniquement pour acquérir des biens de première nécessité ou pour les besoins des animaux domestiques et autres raisons de force majeure.
Par ailleurs, en dépit de la pression exercée sur les hôpitaux et les services de réanimation, l’Espagne possède l’un des meilleurs systèmes de santé au monde, selon l’indice Bloomberg des pays les plus sains (healthiest country index). Dans les moments critiques de la crise du coronavirus, le manque de personnel et de matériel médical a été l’un des grands problèmes du système de santé espagnol. Malgré les lacunes, en deux semaines, les hôpitaux espagnols ont réussi à relâcher la pression et sont en mesure de traiter les cas les plus graves. Ce résultat a été obtenu grâce aux efforts héroïques du personnel de santé et à une coordination exemplaire avec l’administration et les entreprises privées, notamment les établissements hôteliers. Depuis le début de la crise, à Madrid, la ville la plus touchée par le coronavirus, plus de 40 hôtels de 9 000 lits ont été médicalisés pour accueillir les cas les moins graves.
Enfin, les performances des forces de sécurité de l’État espagnol ont été exemplaires et efficaces. L’Espagne dispose d’une stratégie de sécurité nationale publiée en 2017 dans laquelle elle analyse les pandémies comme l’une des principales menaces de notre époque et propose des mécanismes pour répondre aux défis sanitaires. Parmi les propositions figurent la révision périodique des plans de préparation aux risques biologiques, l’adaptation du réseau d’hôpitaux de gestion des cas Ebola pour répondre à toute maladie infectieuse à haut risque tel le coronavirus, les contrôles aux frontières pour prévenir l’introduction de risques infectieux et la coordination multisectorielle entre les administrations et le secteur privé. Les plans d’action mentionnent également l’importance de la coordination avec l’Union européenne et d’autres organismes internationaux de référence, ainsi que le renforcement des capacités de réaction aux frontières et à l’extérieur.
En outre, la stratégie de sécurité nationale espagnole souligne l’importance des mécanismes de coordination des forces armées, des forces et corps de sécurité de l’État, des autorités judiciaires et de la santé publique : ils sont les exécutants de première ligne de la stratégie de sécurité. Les forces armées dans le cadre de l’opération Balmis ont mobilisé plus de 57 000 soldats pour effectuer des tâches de désinfection, distribuer de la nourriture, du matériel sanitaire et des médicaments, et construire des hôpitaux militaires. Depuis le début de la crise, les forces armées ont effectué plus de 3 300 interventions dans des infrastructures critiques (centrales nucléaires, transports publics, etc.) et plus de 2 700 établissements pour personnes âgées. De plus, grâce à la coordination des forces de sécurité de l’État, des contrôles quotidiens aux frontières, des contrôles aléatoires de la population et la distribution de masques dans les transports publics ont été effectués.
Bien qu’il semble que les données soient positives, l’Espagne, comme de nombreux pays touchés par cette crise, a encore un long chemin à parcourir. Outre les dangers de la pandémie, la crise sociale et économique qui se déroule actuellement nous accompagnera pendant de nombreux mois, voire des années. Au cours des dernières semaines, nous avons constaté des tensions entre les pays de l’Union européenne qui élaborent différentes stratégies pour faire face à la récession économique. Bien qu’elle soit parvenue à un accord minimum, grâce au soutien et à la médiation de la France entre les positions opposées du bloc hispano-italien et des pays du Nord, cette crise va accentuer les problèmes internes qui existaient déjà dans nos institutions européennes. Face à ces défis, nous devons rappeler la nécessité de la solidarité entre des pays qui partagent, avant tout, un système de valeurs.
Beatriz de Leon Cobo
Analyste en sécurité internationale pour le think tank espagnol Articulo30
Membre de Synopia Jeunes
Étudiante de master en défense, sécurité et gestion de crise à IRIS