« L’entreprise doit faire des profits, sinon elle mourra. Mais si l’on tente de faire fonctionner une entreprise uniquement sur le profit, alors elle mourra aussi car elle n’aura plus de raison d’être. », disait Henry Ford. Pourtant selon la théorie classique libérale véhiculée par Milton Friedman, le profit correspond à la seule finalité de l’entreprise. Depuis quelques années, la situation a largement évolué en ancrant de plus en plus l’ESG (critères Environnementaux, Sociaux, de Gouvernance) dans le quotidien des entreprises avec des impacts positifs à la clé. Retour sur les raisons d’un changement vertueux.
Historiquement, les ultralibéraux soutiennent que le profit constitue la seule contrepartie du risque pris par les dirigeants et les actionnaires. Chacun chez soi, pourrait-on dire. Les entreprises se concentrent sur la recherche de profit, et l’état sur les problèmes de la société, de l’environnement et sur le social. Mais cette vision un peu étroite de la finalité de l’entreprise commence à être sérieusement challengée. Même si depuis 30 ans on a simplifié les objectifs économiques de l’entreprise à servir des dividendes, aujourd’hui 3 lignes de force tendent à faire bouger les lignes : la prise en compte de la réalité de la mondialisation, l’utilité de disposer d’une finalité ou mission claire à l’entreprise, et l’opportunité de contrepartie économique à l’atteinte d’objectif extra-financier (objectif environnemental, sociaux ou de gouvernance). Ces 3 lignes contribuant directement à nourrir la pérennité de l’entreprise.
Réalité de la mondialisation
Loin d’un fléchissement altermondialiste, les entreprises ont pris conscience, progressivement, de leur rôle sociétal et des impératifs qui leur sont aujourd’hui dévolus, moins par altruisme que par pragmatisme.
Les multinationales sont devenues trop grosses, trop exposées partout dans le monde sur tous les marchés, pour ne pas se soucier de l’état de la planète et des inégalités. Difficulté de sécurisation des chaines logistiques post-Covid, nouvelle guerre froide USA-Chine, exigence des consommateurs (Yuka, etc.)… constituent des facteurs qui incitent au changement. Même les fonds de pension les plus libéraux (BlackRock, Vanguard, State Street, CalPERS…) intègrent désormais des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG). Ces critères constituent généralement les trois piliers de l’analyse extra-financière et de la manière dont l’entreprise exerce sa responsabilité vis-à-vis de l’environnement et de ses parties prenantes : salariés, partenaires, sous-traitants et clients.
Finalité claire
La finalité doit être recherchée davantage à l’extérieur de l’entreprise elle-même. En fait, elle doit puiser sa source dans un objet plus large comme la société, puisqu’elle en est l’un des acteurs. Loin du slogan marketing, si la finalité est communiquée, elle doit être authentique et exprimer en quoi l’entreprise contribue à la société. Par exemple : Lego « inspirer et développer les constructeurs de demain », Decathlon : « Le sport partout, pour tous », Google : « Rendre les informations accessibles et utiles à tous », Essilor : « Améliorer la vision pour améliorer la vie ». La finalité procure des bénéfices immédiats. Tout d’abord, la motivation intrinsèque des collaborateurs peut s’exprimer clairement face à une finalité claire : En tant que collaborateur, je sais pourquoi je travaille. Je sais à quoi je contribue pour la société. Une finalité claire oblige l’entreprise à « faire le ménage » dans ses activités. A titre d’exemple, « Vouloir contribuer à donner une nourriture saine au plus grand nombre » invite à se séparer d’activités liées aux spiritueux. Certains vont jusqu’à adopter le statut d’entreprise à mission, pour ancrer définitivement leur engagement et permettre de se faire évaluer par des tiers extérieurs et neutres.
Contrepartie économique
Comment bénéficier de l’impact économique de l’atteinte d’objectifs ESG ? En effet, si l’entreprise est encore évaluée sur des objectifs essentiellement économiques, ne peut-on pas trouver de moyens de traduire les résultats obtenus en matière d’ESG dans cette grammaire ? Le groupe Danone, par exemple, a contracté un prêt de plusieurs milliards d’euros, dont les intérêts diminuent par palier, selon l’atteinte d’objectifs définis par la mission d’entreprise. En complément, l’ESG participe à la valorisation de l’entreprise. Les actifs intangibles pesant pour 50 % de la valeur des entreprises du CAC40. Cultiver les facteurs de pérennité comme l’ESG est un moyen direct de doper ses actifs intangibles et donc contribuer à favoriser une survalorisation.
Autant de faits qui doivent inciter à l’accélération de cette démarche d’expression plurielle de la valeur de l’entreprise, dont l’ESG n’est qu’une des composantes.
Benjamin Grange,
Président de Dentsu Consulting, partenaire de Synopia.