Journal des futurs #117 – Vers une Europe décarbonée : stratégies et défis pour l’avenir énergétique

Livre Blanc spécial élections européennes 2024
Comment faire mieux avec l’Europe ?

VERS UNE EUROPE DÉCARBONÉE : 
STRATÉGIES ET DÉFIS POUR L’AVENIR ÉNERGÉTIQUE

Mathias POVSE 
Délégué régional EDF Hauts-de-France 

Notre responsabilité partagée : lutter contre le réchauffement climatique, ce qui implique de sortir des énergies fossiles responsables des émissions de GES

La crise énergétique de 2022/2023 a mis en évidence la dépendance énergétique de l’Europe vis-à-vis de la Russie essentiellement, ce qui donne une raison supplémentaire pour trouver des alternatives au gaz et pétrole. La part globale du gaz russe dans les importations de gaz de l’UE est passée de 45-50 %, dans les années précédant la crise énergétique, à 15 % aujourd’hui. 

Pour assurer sa sécurité énergétique et la compétitivité de nos entreprises, l’UE a également besoin de s’affranchir des produits asiatiques et de leur transport carboné. La réindustrialisation doit donc aller de pair avec la décarbonation. 

La COP 28 qui s’est ouverte à Dubaï le 30 novembre 2023 est la première à retenir l’objectif de sortie des énergies fossiles. Ce fut pour l’Union européenne l’occasion de réaffirmer son engagement en se rappelant sa décision de réduire ses émissions de gaz à effet de serre d’au moins 55 % d’ici 2030 par rapport à 1990, ce qui s’accompagne d’un objectif de réduction à 11,7 % de sa consommation finale d’énergie d’ici à 2030 et 42,5 % d’énergies renouvelables dans le mix énergétique.  

Décarbonation = Électrification des usages + efficacité énergétique et sobriété. 

En Europe, 70 % des émissions de CO2 sont générés par le logement, le transport et l’industrie. La décarbonation passe donc par un transfert des usages vers l’électricité décarbonée (pompes à chaleur, véhicules électriques, évolutions des process industriels…) et pour ce qui ne peut pas l’être, par la recherche de nouveaux vecteurs énergétiques (H2, gaz et carburant de synthèse) dont la fabrication nécessite aussi de l’électricité décarbonée, ainsi que par la recherche de sobriété énergétique. L’électricité qui représente aujourd’hui 25 % de la consommation d’énergie finale devra en représenter 50 à 60 % à horizon 2050, ce qui signifie que nous allons devoir produire plus d’électricité décarbonée. D’autant que le mouvement de réindustrialisation de l’Union s’accélère.  

D’où la nécessité d’augmenter les capacités de production d’électricité décarbonée de l’UE et surtout de renforcer les coopérations entre pays membres sur l’innovation pour :  

  • rechercher de nouveaux modes de production décarbonée (nucléaire nouvelle génération, petits réacteurs SMR, production d’hydrogène, technologies de batterie et de stockage…) ;  
  • moderniser le réseau électrique (numérisation, flexibilité, cybersécurité…) ; 
  • renforcer les interconnexions entre pays membres ;  
  • développer des filières industrielles compétitives (panneaux solaires, éoliennes, batteries…) ;  
  • développer les ENR de récupération. 

Certes, la dynamique est lancée : en novembre 2023, la commissaire européenne à l’Énergie a annoncé le lancement d’une alliance industrielle dédiée aux petits réacteurs modulaires (SMR) ; en décembre, la Commission européenne a adopté un plan d’action pour étendre, numériser et améliorer l’utilisation des réseaux électriques de l’UE. Lors de le COP 28, une vingtaine de pays, parmi lesquels onze États membres de l’Union européenne, se sont engagés à coopérer pour tripler la capacité mondiale de production d’énergie nucléaire d’ici 2050.  

Ces pays promettent d’exploiter les centrales nucléaires « conformément aux normes les plus strictes en matière de sûreté, de durabilité, de sécurité et de non-prolifération » et de gérer les déchets de combustibles de manière responsable. Ils soutiennent la construction de petits réacteurs modulaires et d’autres réacteurs avancés pour produire de l’électricité ainsi que des applications industrielles pour la décarbonation, comme la production de vapeur pour l’industrie, d’hydrogène ou de carburants synthétiques.  

Reste à passer des paroles aux actes, à mobiliser les investissements indispensables, et ils sont colossaux (cf. chiffres repères à la fin de l’article). 

Cela ne pourra se faire uniformément pour les 27 États membres qui gardent la main sur l’essentiel de leur politique énergétique. L’intérêt de l’Union est de capitaliser sur les ressources naturelles de chacun (vent, soleil, métaux) et son histoire industrielle. Clairement pour la France, l’atteinte des objectifs de réduction des émissions de CO2 et la réindustrialisation passent par la relance du nucléaire et l’essor des énergies renouvelables.   

Ce qui pourrait permettre de faire mieux ensemble : 

  • Faire davantage œuvre de pédagogie dans chaque pays de l’UE sur les enjeux et les effets de la transition énergétique, afin de bien gérer le couple transition/acceptabilité
  • Élaborer une stratégie européenne en faveur de l’électrification qui favorise la production bas carbone. Les cibles étant exprimées en grammes de CO2 par kWh. 
  • Définir les nouveaux équilibres techniques et financiers des « services systèmes » (dimensionnement, valorisation) permettant aux systèmes électriques de pouvoir intégrer, aux côtés des moyens de production d’électricité décarbonée pilotables, de hauts niveaux d’énergies renouvelables par nature intermittentes avec une juste répartition de la valeur au regard des investissements rendus nécessaires. Ceci afin de maintenir en permanence l’équilibre production/consommation
  • Engager pour chaque Mix énergétique des pays de l’UE le développement de moyens de production d’électricité décarbonée pilotables
  • Développer la numérisation des réseaux, le pilotage et les flexibilités pour à la fois intégrer en aval les nouveaux usages comme les bornes de recharge de véhicules électriques et en amont les moyens de production ENR diffus et lisser les pointes de consommation.  
  • Développer les interconnexions des réseaux de transport d’électricité des pays de l’UE. 
  • Développer la captation d’énergie fatale et des énergies renouvelables de récupération. 
  • Finaliser au sein de l’UE, le découplage des prix de l’électricité des prix volatiles des fossiles

Quelques chiffres repères : 

  • 70 % : part de l’énergie finale consommée en Europe qui provient de pétrole et du gaz fossile (60 % pour la France).  
  • 100 milliards d’euros : la facture énergétique des importations de combustibles (pétrole et gaz) pour la France en 2022 lors de la crise énergétique. 
  • 28,4 milliards d’euros : ce qu’a dépensé l’UE en 2022 en importations de produits énergétiques verts en provenance de pays tiers (panneaux solaires, biocarburants liquides, turbines éoliennes), soit plus du double du montant de 2021 (13,3 milliards d’euros). 
  • 3,7 milliards d’euros : la valeur des produits énergétiques verts exportés par l’UE en 2022 vers les pays tiers. Inférieure de 27 % au chiffre de 2021 (5,0 milliards d’euros). 
  • 400 milliards d’euros : le montant estimé des investissements nécessaires dans l’infrastructure électrique en mer afin d’atteindre les objectifs de développement de l’éolien offshore à l’horizon 2050 en Europe. 
  • 584 milliards d’euros : l’estimation faite en 2023 par la Commission européenne concernant le montant des investissements nécessaires à la modernisation et la numérisation des réseaux électriques à l’horizon 2030. 

NB :  En 2023, le budget de l’Union européenne est de 168,6 milliards d’euros en crédits de paiements (182,7 milliards d’euros en crédits d’engagements).

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